Alain Chrétien, maire de Vesoul et Président de l’association des maires de Haute-Saône, ne décolère pas. « On en prend plein la tête. Nous sommes mis au banc des accusés ». Une phrase pour traduire le ressenti global des élus locaux dont la très grande majorité agit sans compter ses heures pour faire vivre des petites, voire très petites communes. » Ne nous confondez pas avec les grandes métropoles » renchérit Patrick Genre. Le maire de Pontarlier est aussi Président de l’AMF 25. « Nous ne pouvons pas être jetés à la vindicte populaire alors que nos communes sont bien gérées, que nos agents ne sont pas en surnombre et travaillent largement 35h/semaine contrairement aux conclusions du rapport de la Cour des Comptes présenté par Pierre Moscovici ».
L’élu cite le document rendu public fin septembre où la Cour des comptes, dans son rapport sur les finances publiques locales en 2024, préconise la suppression de 100 000 agents d’ici à 2030. Une proposition dévoilée quelques jours seulement après l’annonce du gouvernement de Michel Barnier de trouver des pistes d’économies pour maintenir le budget de l’État français à flot. Ce Carrefour des Collectivités à Micropolis ce 10 et 11 octobre s’est logiquement transformé en bastion d’élus locaux, soucieux de défendre leur territoire.
Un rabot de 6,5 milliards d’euros
Le gouvernement, par la voix de Catherine Vautrin chargée du partenariat avec les collectivités et Laurent Saint-Martin ministre des comptes publics (rattaché à Matignon) a confirmé les grandes lignes du PLF 2025 concernant les collectivités locales. Un coup de rabot qui ne « représente que 2% des recettes de fonctionnement » ont-ils minimisés. Patrick Genre rappelle que, contrairement à l’Etat, les collectivités locales doivent équilibrer leur budget de fonctionnement. Si Michel Barnier n’entend pas toucher à la DGF (Dotation Globale de Fonctionnement) en euros constants en 2025, l’effort des collectivités portera sur une baisse de recettes, en particulier par un principe de précaution et « la mise en réserve de fonds à hauteur de 3 milliards d’euros en 2025 ». Le gouvernement veut « associer la sphère locale à l’effort de redressement des comptes publics ». Des propos qui ne passent pas auprès des maires de Franche-Comté, considérant qu’ils ne sont pas responsables du déficit de l’Etat. Ce mécanisme propose qu’en cas de dépassement d’un solde de déficit (fonctionnement + investissement), un prélèvement sera opéré dans la limite de 2% des recettes de fonctionnement. Bien sûr, il n’est appliqué qu’aux collectivités et EPCI à fiscalité propre dont les dépenses de fonctionnement dépassent 40 millions d’euros.
11,4 millions d’€ de recettes en moins dans le Doubs
Pour le département du Doubs, cela représente un manque possible de recettes de 11,4 millions d’euros, 6,3 millions pour le Jura, 5,3 millions pour la Haute-Saône et 3,3 millions pour le Territoire-de-Belfort. Anne Vignot estime le manque potentiel de recettes autour de 3 millions d’euros pour Grand Besançon Métropole. Le gouvernement prévoit, sans que cela soit précisé, une exonération pour les collectivités dont la situation financière est fragile. Une vingtaine de départements devrait être exonérée… Est-ce à dire que c’est une prime à la mauvaise gestion ?
Frein sur la TVA
Alain Chrétien s’insurge sur l’amputation du fonds de compensation sur la TVA. Déjà partiel, le remboursement octroyé aux collectivités pour la TVA acquittée sur leurs investissements, va être encore réduit de 800 millions d’euros en 2025. 1,2 milliard d’euros de recettes de TVA affectées aux collectivités vont être gelées. Progressivement, la part de TVA destinée à compenser la suppression de la taxe d’habitation et de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) voit sa progression remise en question. Pour les maires de Franche-Comté, l’Etat transfère toujours plus aux collectivités (carte d’identité, passeport…) sans contrepartie et Bercy voudrait leur faire « porter le chapeau » des déficits.
Signe de la tension grandissante entre l’État et les collectivités, le département du Doubs, comme tous les autres en France, a récemment décidé de bloquer ce transfert de compétences, et donc de dépenses, sans compensation. La dernière extension du bénéfice de l’indemnité dite « Segur », d’un montant de 183 € à destination aux professionnels de la santé non concernés jusqu’à présent, a été mise en attente : « c’est la 4e vague des oubliés du Segur. Voté et promulguée en quelques jours, cette loi a mis les départements devant le fait accompli, une fois de plus sans concertation. », explique Christine Bouquin. « Les départements ne peuvent pas assumer les conséquences d’une telle augmentation, évaluée à hauteur de 170 millions d’€, dont 1,7 million supplémentaire dans le Doubs. À l’unanimité, les départements ont décidé de ne pas appliquer cette mesure tant qu’il n’y aura pas de mesure de compensation intégrale et urgente. »
Une petite éclaircie dans les contraintes législatives
Les maires francs-comtois sont plutôt partisans d’une vraie décentralisation basée sur le principe de subsidiarité. Pour y répondre partiellement, Michel Barnier a annoncé qu’il n’y aurait pas de transfert obligatoire de la compétence communale « eau et assainissement » aux intercommunalités en 2026 (disposition inscrite dans la loi NOTRe). C’était une demande insistante formulée par les élus locaux depuis plusieurs années.
Les fonds verts à la diète
Ce dispositif qui avait pourtant porté ses fruits, en particulier pour permettre aux petites communes de faire des investissements en matière d’économie d’énergie, va passer de 2,5 milliard à 1 milliard d’euros. Alors que la commande publique repose à 60% sur les collectivités locales, que les communes et EPCI tentent de privilégier les entreprises locales ou régionales, les maires regrettent des mesures qui vont donner un coup de frein brutal aux investissements du bloc communal. Ce budget « d’austérité » mais pas pour tout le monde, va raboter l’épargne nette des collectivités. « Moins d’épargne, c’est moins d’investissements » a conclu Patrick Genre.