Gustave Courbet et la vision renouvelée du corps humain
Le Maître du réalisme applique à l’être humain la précision des formes qu’il donnait aux animaux. En 1853, Les Baigneuses (Musée Fabre de Montpellier) crée un scandale. Courbet réinvente de façon peu académique le corps féminin par ses formes disgracieuses voire vulgaires pour l’époque. Il poursuit son œuvre avec Les Lutteurs (Musée des Beaux-Arts de Budapest) où se confrontent l’idéal antique et la lutte contemporaine.
C’est à partir de ces peintures célèbres que le musée Courbet présente une collection de plus de 200 œuvres et objets célébrant le corps de ces colosses modernes de la seconde moitié du XIXe siècle.
L’exposition bénéficie du double label « exposition d’intérêt national » et « Olympiade culturelle ».
Repenser les lutteurs antiques
Jusqu’aux Lutteurs de Courbet, représenter la force et la lutte dans l’art supposait la référence à la statuaire antique. Ces modèles définissaient les canons esthétiques du corps masculin. Gustave Courbet va moderniser ces lutteurs antiques en peignant ses modèles à la salle Montesquieu. Arpin le Terrible Savoyard ou Marseille le Meunier de Lapalud s’y produisent dans des combats très populaires.
Émergence d’un motif sportif
Gustave Courbet est accusé de vulgariser les canons classiques. Pourtant, le Second Empire et la 3ème République vont voir se développer l’attrait pour la pratique sportive. La lutte connaît un succès populaire dans les régions et à Paris. Les combats, dans les foires et les « colisées à deux sous » s’installent dans les théâtres et figurent dans les cafés-concerts ou aux Folies Bergère.
Pour les artistes, le lutteur devient le modèle d’œuvres et l’anatomie sportive s’intègre dans l’enseignement artistique.
Devenir une statue
La troisième salle fait la part belle aux préoccupations hygiénistes et sociales de la fin du XIXe siècle. Les lutteurs deviennent enseignants et ouvrent des salles de musculation, vantant leurs méthodes de développement musculaire. C’est le cas en particulier d’Eugen Sandow (1867-1925) à qui l’on doit le tendeur élastique qui porte son nom, et Edmond Desbonnet, principal promoteur du culte du corps de l’époque.
C’est le 1er avril 1902 qu’est créé le premier concours de beauté plastique et musculaire (l’ancêtre de Miss France ou de Mister Univers), représentant l’idéal de beauté de l’homme et de la femme moderne. Les lutteurs et lutteuses interrogent les valeurs associées à la virilité ou la féminité. Au tournant du XXe siècle, apparaissent dans les foires des lutteuses, femmes fortes, alliant féminité et puissance.
Les lutteurs, figures de la société du spectacle
La fin du parcours s’intéresse aux affiches des spectacles de lutte. Les colosses, reproduits dans des formats imposants, deviennent des vedettes très populaires attirant aussi bien les milieux populaires que la bourgeoisie.
La pratique de la lutte passe des foires populaires à un monde professionnel plus structuré qui amènera à faire de ce sport, une discipline olympique dans la première édition de 1896.
Grâce à Benjamin Foudral, accompagné pour cette exposition par deux commissaires scientifiques (Jérémie Cerman, professeur d’histoire de l’art à l’Université d’Artois et Thierry Laugée, professeur d’histoire de l’art à l’Université de Nantes), le génie de Gustave Courbet a permis dans cette seconde moitié du XIXe siècle, l’émergence des peintures et sculptures mettant en valeur les corps humains comme Courbet avait su reproduire si bien le corps des animaux.
Une exposition atypique au musée Courbet, à ne pas manquer.
Yves Quemeneur
+ d’infos sur www.musee-courbet.fr