Philippe Grosso, président de la Fédération de Pêche du Doubs

Alors que les adeptes de Saint-Pierre ont hâte de retrouver les berges des rivières du Doubs, il fait le point sur une situation où, comme chaque année, pollution et sécheresse font partie des principales inquiétudes. Avec d'autres qui viennent encore s'y ajouter.

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La pêche est-elle encore attractive ?

On note une très légère baisse des effectifs mais il reste heureusement beaucoup de pêcheurs dans le département puisqu’on enregistre un peu plus de 15000 ventes de cartes l’an dernier, toutes catégories confondues. On note toutefois une évolution dans les habitudes avec de plus en plus de vente de cartes journalières, ce qui signifie que les pratiquants vont découvrir d’autres territoires.

Avec un renouvellement des générations ?

Parmi tous ces pêcheurs on a bien sûr les fidèles qui sont là depuis des années mais on voit aussi en effet arriver une nouvelle génération, avec de nouvelles méthodes, par exemple plutôt la pêche au leurre qu’au vif, et aussi plus sensibles aux questions environnementales. Pour attirer encore plus ces jeunes, la fédération met en place avec les AAPPMA (associations agréées de Pêche et de Protection des Milieux Aquatiques) des Ateliers Pêche Nature.

La pratique de la pêche est-elle aujourd’hui menacée ?

La saison dernière a une nouvelle fois été écourtée par la sécheresse mais aussi pas une importance prolifération d’algues que la chaleur favorise. Ce n’est évidemment pas rassurant et on ne peut être que fataliste et subir cette situation en s’adaptant. La première réaction à avoir quand il y a moins d’eau et d’en appeler à la responsabilité individuelle c’est-à-dire demander de s’abstenir de pêcher alors que les poissons sont en péril durant ces périodes. Quant à l’avenir, il faut réussir à se projeter et en ce qui concerne la fédération, le discours reste le même, à savoir défendre les projets de restaurations des zones humides qui ont la faculté de retenir l’eau y compris durant ces phases de sécheresse.

Pour lutter contre les assecs dans le Haut-Doubs, faut-il boucher les failles ?

Des tentatives ont déjà eu lieu par le passé et n’ont pas eu les résultats escomptés. Aujourd’hui, certains acteurs sont pour alors que les hydrologues expliquent que ce sera totalement inutile. Des études sont encore en cours et des décisions sont imminentes sur la question avec y compris des initiatives annoncées par nos voisins suisses. On va donc suivre le dossier de près.

Quel bilan tirez-vous de la pollution des rivières ?

La situation ne s’améliore pas ! Mais on ne peut que se réjouir d’une autre évolution, celle de la lutte menée contre les pollueurs grâce au Pôle environnement mis en place à la préfecture et au soutien du Parquet de Besançon Finie l’impunité, les affaires sortent et les coupables de pollution n’ont pas d’autre choix que de réparer via des conventions où les dégâts sont chiffrés et le suivi des réparations assuré. La fédération de Pêche du Doubs est partie prenante dans ces actions et nous sommes d’ailleurs cités en exemple au niveau national à tel point qu’une réflexion est menée avec les fédérations voisines pour aller encore plus loin sur ce volet juridique Notre regret en matière de pollution est en revanche l’attitude du gouvernement qui pour atténuer la crise agricole a effectué un vrai recul en renonçant à lutter contre la prolifération des phytosanitaires

Le cormoran semble également vous inquiéter ?

Cet oiseau désormais protégé est en effet très piscivore tout comme le harle bièvre, une autre espèce de plus en plus présente Concernant le cormoran, nous avions autrefois le droit de réguler, c’est-à-dire de tirer un certain nombre d’individus dans un cadre très strict via des louvetiers. Face à sa prolifération et aux dégâts qu’il occasionne dans nos rivières, ce que toutes les études démontrent, nous demandons donc officiellement la reprise urgente de cette régulation.

Votre avis sur les attaques des animalistes ?

Ceux-ci veulent interdire la pêche au vif…ce n’est peut-être qu’un début avant de demander l’interdiction d’utiliser des vers de terre. Nous ne sommes pas insensibles à la souffrance animale puisque nous avons par exemple instauré en secteurs no-kill, là où les prises doivent être remises à l’eau, d’utiliser des hameçons simples et sans ardillons pour ne pas blesser les poissons.

Un dernier mot avant cette ouverture 2024 ?

Tous les pêcheurs l’attendent chaque année avec impatience. Ceux qui pratiquent sur le Doubs franco-suisse en 1ère catégorie ont pu en profiter dès le 1er mars comme chaque année. Pour tous les autres ce sera le samedi 9 mars. J’espère que nous aurons une année sans une nouvelle sécheresse et je souhaite une belle saison à tous les adeptes de Saint-Pierre !