Pontarlier. « Des fois, je me dis, pourquoi je m’inflige ça ? », les soignants du pôle de psychiatrie demandent la reconnaissance de leurs prises de risques

C’est dans une lettre adressée à la direction du centre hospitalier intercommunal de Haute-Comté, à différents ministres, députés, ARS, préfet ou encore président de la République, que les soignants du pôle de psychiatrie de Pontarlier dénoncent leurs conditions de travail - sous-effectif de personnel, sureffectif de patients - et les violences physiques, verbales et psychologiques dont ils sont victimes. Ils souhaitent notamment obtenir l’indemnité forfaitaire de risques, au même titre que les équipes des urgences et des unités pour maladies difficiles.

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Unité psychiatrique de Pontarlier
70 professionnels du pôle de psychiatrie de Pontarlier alertent sur leurs prises de risques au travail

Ils sont environ 70 paramédicaux, médecins, psychologues, assistantes sociales et secrétaires du pôle de psychiatrie de Pontarlier à avoir signé une lettre pour « alerter face à différentes situations rencontrées comprenant de la violence, physique comme psychologique ». Ce courrier d’une page et demie a été adressé début septembre à la direction du CHIHC, « le directeur a été sensible à notre demande », ainsi qu’à l’ARS, le préfet, des ministres et députés ainsi qu’au président de la République. Une démarche qu’ils veulent nationale et non cantonnée à Pontarlier. Ils dénoncent également le sous-effectif du personnel face au sureffectif de patients

Le pôle de psychiatrie est composé de l’hôpital du Grandvallier qui regroupe deux unités, deux hôpitaux de jour à Pontarlier et Morteau ainsi que deux centres médico-psychologiques (CMP) dans les mêmes villes. « On accueille tous les patients du Haut-Doubs. On a aussi des accueils séquentiels de l’EHPAD du Larmont. On s’occupe aussi des personnes en foyer où il y a des troubles du comportement. Nos collègues du CMP de Morteau vont faire des évaluations aux urgences. On est partout », souligne Camille, représentante du personnel. Les effectifs sont réduits de moitié les week-ends et les nuits, « nous travaillons très souvent avec des soignants intérimaires qui ne sont pas formés à la gestion de la violence, nous faisons appel régulièrement aux agents de sécurité et aux forces de l’ordre pour gérer ce genre de situation », poursuivent les soignants dans leur lettre. 

Une violence qui s’amplifie au fil des années

Insultes, agressions physiques, intrusions dans la vie personnelle des soignants, les exemples ne manquent pas pour démontrer les situations de violences rencontrées par les effectifs. Les événements indésirables et fiches violences rédigées augmentent ces dernières années avec treize signalements en 2023, 21 en 2024 et une dizaine depuis le début 2025. « Les portables et les réseaux sociaux inquiètent les professionnels qui peuvent être retrouvés là-dessus », signale Lydie Lefèbvre, représentante CGT au CHIHC. Certaines situations mènent à des ITT. « Des fois je me dis “pourquoi je m’inflige ça ?”. Je n’ai pas signé pour être insultée, frappée ou menacée. Je suis là pour prendre soin des patients », poursuit Camille. Un climat d’insécurité renforcé avec la cyberattaque dont est victime le CHIHC actuellement. Des équipes qui sont impactées également par le manque de personnel. « On ne fait pas ce métier pour l’argent. La psychiatrie faut l’aimer ». Avec la proximité de la Suisse, cette difficulté se renforce. 

Une indemnité forfaitaire de risque réclamée

Pour toutes ces raisons, les soignants réclament de bénéficier eux aussi de l’indemnité forfaitaire de risque qui s’élève à 118€ brut par mois. Celle-ci est attribuée aux équipes d’urgences ainsi qu’aux unités pour maladies difficiles (UMD). « Les patients des UMD viennent de chez nous. Eux ont la prime, pas nous, alors qu’on s’en est occupé depuis déjà plusieurs mois. Aux urgences, certains patients sont évalués par nos collègues qui n’ont pas cette IFR », explique Camille. Les soignants mettent aussi en avant le fait qu’ils sont parfois conduits à accueillir des patients des urgences. Cela a été le cas entre le 10 décembre 2024 et le 19 février 2025 dans le cadre des travaux de l’unité d’hospitalisation de très courte durée où les patients ont été envoyés au Grandvallier. 

Cette prime permettrait selon les soignants de reconnaître leurs métiers et de fidéliser les effectifs. La CGT réclame également une meilleure prise en compte de la spécialité psychiatrique à travers plus de stages et d’heures de formation. S’ils ont toujours besoin de monde, les effectifs se sont récemment agrandis avec l’arrivée de cinq nouvelles infirmières fraîchement diplômées et d’un cadre attendu depuis un an.