C’est un rendez-vous attendu depuis plus de cinq ans. L’Affaire Narumi, devenue le procès de Nicolas Zepeda, se tient aux assises du palais de justice de Besançon, jusqu’au 12 avril prochain. L’affaire, l’enquête, le procès et la médiatisation, tout est énorme.
Dans la nuit du 4 au 5 décembre 2016, Narumi Kurosaki, jeune étudiante boursière d’origine japonaise disparaît de sa chambre du campus de Besançon. Mais cette nuit-là, plusieurs résidents racontent avoir entendu des « hurlements de terreur » et un bruit sourd « comme si on frappait ». Aucun d’entre-eux ne préviendra la police. Son petit-ami, Arthur Del Piccolo, est le premier inquiet de la disparition de Narumi. D’abord suspecté par les enquêteurs, il s’est aujourd’hui constitué partie civile au procès.
Une rupture amoureuse insupportable ?
Très vite, l’enquête de la police judiciaire de Besançon se dirige vers un autre homme, l’ex-petit ami de Narumi Kurosaki : Nicolas Zepeda. Après s’être rencontrés en 2014 à l’Université de Tsukuba, au Japon, une relation amoureuse débute entre l’étudiant chilien et la jeune femme aujourd’hui disparue.
Selon l’accusation, la rupture brutale de cette relation aurait poussé Nicolas Zepeda à venir à Besançon pour assassiner Narumi Kurosaki dans sa chambre d’étudiante. Il se serait ensuite débarrassé du corps dans les forêts du Jura.
Les éléments pour crédibiliser cette théorie sont multiples : le 8 décembre 2016, Arthur Del Piccolo reçoit un message du téléphone de Narumi, lui expliquant que leur relation ne peut plus continuer et qu’elle a rencontré quelqu’un d’autre. L’hypothèse d’un départ prématuré ? Dans la chambre de l’étudiante toutes ses affaires ou presque sont encore présentes. Quelques jours plus tard c’est la famille de l’étudiante japonaise qui reçoit des nouvelles où Narumi s’excuse de son absence, expliquant qu’elle a rencontré un homme. A ce message, une photo avec Arthur Del Piccolo est jointe. Les enquêteurs comprennent vite que ce n’est en réalité pas la japonaise qui écrit.
De son côté l’enquête établi que Nicolas Zepeda se trouve à Besançon, le 4 décembre 2016. A bord d’une voiture de location, il emmène Narumi Hurosaki diner dans un restaurant à Ornans. Pour la suite de la soirée, l’accusé explique que les deux protagonistes se sont retrouvés dans la chambre de l’étudiante, ont eu des « rapports intimes » ce qui expliquerait des « gémissements prononcés ». Il aurait ensuite passé la journée du 5 décembre avec elle avant de la quitter vivante le 6 décembre vers 4h30 du matin pour poursuivre son périple européen comme prévu. Il est la dernière personne à avoir vu l’étudiante japonaise en vie.
Une première journée pour présenter les faits et la personnalité de l’accusé
Le motif de sa venue en Franche-Comté a alimenté les premiers débats ce mardi 29 mars 2022. Tour à tour les avocats des parties civiles, Me Schwerdorffer et Me Galley ont poussé l’accusé à préciser ses réponses. Alors qu’il avait expliqué auparavant avoir croisé Narumi Hurosaki « par hasard », l’accusé a avoué être « venu dans l’idée de possiblement voir Narumi », avant d’être aidé par son avocate Me Jacqueline Laffont, connue pour avoir notamment défendu Nicolas Sarkozy, Nicolas Hulot ou encore Alexandre Benalla: « Une fois sur place, vous vous rendez compte que vous espérez la revoir, la recroiser… », ce que confirme l’accusé. « Je m’aperçois que ce serait une bonne chose de lui reparler […] on s’était mis d’accord que ce serait elle qui me rappellerait. »
Depuis 2016, tout au long de l’affaire, Nicolas Zepeda a semblé serein et confiant. D’abord dans sa première déclaration faite depuis le Chili, quelques jours après le mandat de recherche émis à son encontre par la justice française. Puis lors de son audience d’extradition au tribunal de Santiago. Ce mardi 29 mars, après avoir passé un an et demi à l’isolement dans une cellule de la prison de Besançon, a cette fois laissé couler des larmes, face à la mère et la sœur de Narumi Hurosaki, venues du Japon. « Je tiens à dire que je n’ai pas tué Narumi. Je refuse de toutes mes forces ces accusations qu’on porte contre moi. Et j’espère que ce procès va apporter cette vérité, cette lumière, dont nous avons besoin, pour la retrouver. Merci beaucoup. »
Une première journée de procès où une fois les faits exposés, c’est la personnalité de l’accusé qui a été décryptée et analysée. Les parents de Nicolas Zepeda ont été appelés à la barre, insistant sur le fait qu’ils ne pensaient pas un seul instant que leur fils ait pu commettre un tel acte. « Lorsque nous avons appris la disparition de Narumi par les médias, Nicolas a été le premier à aller parler à la police, pour dire ce qu’il savait. », explique Humberto Zepeda, son père.
Si les espoirs de retrouver Narumi sont minces, l’absence de corps rend le dossier délicat.
Un procès hors norme
A l’intérieur de la salle d’audience, seuls une dizaine de médias peuvent être présents. Deux salles de retransmission ont été ouvertes par la cour d’assises du Doubs. Pour ce procès une quarantaine de médias ont demandé à être accrédités. Jamais à Besançon, une affaire n’avait eu un tel retentissement à l’étranger. Le procès est particulièrement suivi en France, mais aussi au Japon et au Chili. Plusieurs traducteurs espagnols et japonais sont également présents pour les parties puissent suivre les échanges et débats. Les premiers témoins ont été entendus ce mercredi. Ce jeudi 31 mars, Nicolas Zepeda était interrogé pour la première fois sur les faits.
La famille de Narumi Kurosaki espère que ce moment de vérité permettra à l’accusé de passer aux aveux. « Ils voudraient revenir avec le corps de leur fille » pour lui offrir des funérailles et pouvoir enfin faire leur deuil, souligne leur avocate Me.Galley.
Martin SAUSSARD