Doubs. Les étudiants face à l’inflation

2022 aura marqué le retour d'une forte inflation. Inconfortable, cette situation l’est davantage pour les plus modestes, dont une partie des 20 000 étudiants bisontins de l’Université de Franche-Comté. Sensibles à la précarité des étudiants bisontins, des associations et l’université tentent de les accompagner au mieux.

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Les étudiants face à l’inflation

Difficile de savoir combien d’étudiants bisontins et dans le département vivent aujourd’hui en situation de précarité. Néanmoins, tous les acteurs locaux s’accordent sur le même constat : ils sont de plus en plus nombreux. Pour l’INSEE, sur une année, « selon l’estimation provisoire réalisée en fin de mois, les prix à la consommation augmenteraient de 6,0 % en janvier 2023, après +5,9 % le mois précédent. »

Le campus des Hauts du Chazal. Crédit : Direction de la communication de l’université de Franche-Comté.

La BAF, la FAGE et l’UNEF s’alarment

Créée en 2005, la BAF (Bureau des Associations Franc-Comtoises) est une association dont l’objectif est de représenter les étudiants de Franche-Comté, tout en fédérant le réseau associatif franc-comtois. Aujourd’hui, dix-huit associations adhèrent à la structure. La BAF met en place des dispositifs notamment de lutte contre la précarité, pour permettre aux étudiants d’avoir des années d’études les plus dignes possibles.

« L’indicateur du coût de la rentrée, calculé depuis plus de 4 ans par la BAF et depuis 20 ans par la FAGE [Fédération des associations générales étudiantes], est en constante augmentation. Cette année, pour leur rentrée, les étudiants devront dépenser 2 152,63 € pour pouvoir étudier. Ce chiffre est en augmentation de 3,25% par rapport à la rentrée 2021 », explique la BAF dans son dossier présentant l’indicateur du coût de la rentrée 2022.

Le campus de la Bouloie. Crédit : Direction de la communication de l’université de Franche-Comté.

Un « décalage entre le gouvernement et les besoins réels »

Pour 2022-2023, les bourses sur critères sociaux ont été revalorisées de 4%. « La revalorisation des bourses, bien en dessous du taux d’inflation, ainsi que les aides ponctuelles de 150 euros, illustrent le décalage entre l’action du gouvernement et les besoins réels des étudiant•e•s », estime l’Union nationale des étudiants de France (UNEF).

Il est notamment indiqué sur le site internet service-public.fr que « L’ensemble des étudiants boursiers sur critères sociaux, et les étudiants non boursiers attestant de difficultés financières graves constatées par les services sociaux des Crous (Centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires), peuvent bénéficier durant l’année scolaire 2022-2023 d’un repas complet dans les restaurants universitaires au tarif de 1 € ».  Début février à l’Assemblée Nationale, une proposition de loi visant à élargir le dispositif à tous les étudiants a été rejetée à une voix près.

La Maison des Étudiants. Crédit : Direction de la communication de l’université de Franche-Comté.

« Depuis janvier, on a une cinquantaine de nouvelles demandes pour l’AGORAé »

« Au niveau de la BAF, on met en place des paniers de légumes et on a constaté une augmentation du nombre de paniers pris par les étudiants. Depuis janvier 2023, on a eu une cinquantaine de demandes d’étudiants qui souhaitaient devenir bénéficiaires de l’AGORAé », explique Romain Hassold, président de la BAF. En 2022, la fréquentation de l’épicerie s’élève à 151 bénéficiaires, pour 472 passages. « On travaille avec le CROUS pour mettre en place une ressourcerie, pour que les étudiants aient accès à des produits du quotidien », ajoute Romain Hassold.

Crédit : BAF.

Contactée, l’université de Franche-Comté explique lutter aussi contre la précarité des étudiants. « En complément des actions du CROUS compétent en la matière, l’université propose des dispositifs d’aide : la ligne écoute-info, le guide des aides ainsi que des distributeurs de protections hygiéniques dans la lutte contre la précarité menstruelle. », explique le service communication.

Des étudiants se procurant des produits de première nécessité. Crédit : BAF.

Un soutien psychologique

D’abord lancée en 2021, les étudiants de l’université de Franche-Comté peuvent à nouveau profiter de nouveau depuis septembre de la ligne écoute-info. « Ce dispositif d’aide par téléphone est tenu par des étudiants en Master 2 Psychologie de l’université de Franche-Comté qui conseillent et réorientent d’autres étudiants vers les aides financières adéquates ou les services les plus adaptés pour répondre à leurs besoins. Lutter contre la précarité de nos étudiants et leur isolement reste une priorité pour l’université de Franche-Comté », ajoute Murielle Ruffier, chargée de mission précarité étudiante.

Possibilité donc d’appeler du lundi au vendredi, de 12h00 à 13h30 et de 18h00 à 19h30 (sauf durant les vacances scolaires), le numéro suivant : 03.81.66.55.66. Le service est gratuit.

« Depuis un an, j’ai l’impression d’avoir moins de pouvoir d’achat », Juliette, étudiante à Besançon.

Un guide des aides

Durant la pandémie, le guide des aides a également été mis en place pour accompagner le plus possible des étudiants dans leur quotidien.

La Croix-Rouge Besançon se mobilise

Patrick Boccara, président de la Croix-Rouge Besançon, expose un constat similaire. « Nous leur apportons gratuitement toute l’aide alimentaire dont ils ont besoin. Par ailleurs, ayant constaté que certains étudiants, étrangers particulièrement, ne sont pas correctement équipés pour le froid, je suis allé acheter une centaine de manteaux fourrés et nous les leur avons fournis toujours gratuitement (parkas avec capuches) », précise-t-il.

Achat d’un étudiant. Crédit : BAF.

Témoignage d’une étudiante d’Outre-mer

Juliette*, originaire d’outre-mer, est venue à Besançon en 2015 pour faire ses études. « Entre mon île et la métropole, il y a 9 200 kms soit 11h d’avion. Je ne peux pas rentrer chez moi voir mes proches comme je le voudrais. Le prix du billet peut atteindre 2000 € aller-retour, c’est un véritable frein. En tant qu’étudiante d’origine réunionnaise habitant en métropole, je reçois tout de même des aides », poursuit-elle.

Mais depuis un an, la situation s’est compliquée. « J’ai l’impression d’avoir moins de pouvoir d’achat et je ne suis plus boursière. Pour pouvoir subvenir correctement à mes besoins, mes parents ont accepté de prendre en charge mon loyer. J’ai également trouvé un emploi à côté de mes études et de mon stage car malgré la gratification de 126,36 €, elle ne couvre qu’une partie de mes déplacements vers le lieu de stage qui s’élèvent à plus 130€ par mois. » Des cours, un stage obligatoire et un travail pour vivre : se reposer paraît impossible pour l’étudiante. Juliette* l’assure, elle n’est pas la seule dans ce cas :  » j’ai une amie qui, pour s’en sortir, se rendait aux collectes alimentaires voire se demandait parfois s’il fallait manger ou non afin de pouvoir payer le loyer, les factures, les frais de déplacement, etc. ».

*Prénom modifié.