Haut-Doubs. Avec « Absinthe », Tania Brasseur voyage au pays la Fée Verte

Parmi les invités notables des 21e Absinthiades à Pontarlier, Tania Brasseur, auteure francophone aux origines multiples, venait présenter son dernier livre, « Absinthe », retraçant l’histoire tumultueuse de cette plante et de l’alcool qui l’a rendue célèbre.

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Tania Brasseur, photo DR

C’est un ouvrage sous forme d’enquête à travers le Jura Franco-Suisse mais aussi à travers l’histoire de cette plante si particulière. « Le sujet m’évoque immédiatement beaucoup de choses. J’avais des questions, j’ai voulu y répondre en emmenant le lecteur avec moi. » Plus de 220 pages où archives, photographies par Tamara Berger et rencontres avec des spécialistes sont mélangées par la docteure en Lettres, déjà récompensée par le passé pour d’autres ouvrages culinaires. « Depuis le départ avec cette plante, il y a une ambivalence tellement intéressante. On trouve des traces de son utilisation dans des textes égyptiens comme le Papyrus Ebers, considéré comme l’un des premiers traités médicaux dans l’histoire. Il y a aussi son nom en latin Artémisia, qui est aussi celui d’une déesse ou encore cette étoile Absinthe dans le récit de l’Apocalypse dans la Bible, empoisonnant tous les fleuves du monde. Je suis partie des plantes pour voyager entre le passé et le présent tout en rencontrant une série de spécialistes, producteurs, etc. », poursuit Tania Brasseur qui passe cinq mois sur la rédaction du livre.

L’absinthe prend place en cuisine

Invitée aux Absinthiades sur le thème de l’absinthe militaire, l’auteure retrace également toute l’importance des soldats français dans la consommation accrue de cet alcool. « Sans l’armée, je ne pense pas que l’Absinthe aurait eu ce succès et cette histoire. Les premiers VRP, c’est l’armée coloniale. Les soldats lors de la campagne d’Algérie avaient toujours une bouteille d’absinthe avec eux, non pas pour profiter mais pour désinfecter l’eau par exemple ! La médecine de l’époque alcoolisait beaucoup de choses (rires) ». Aujourd’hui, si son histoire permet à l’absinthe de conserver une saveur particulière, la plante comme l’alcool sont beaucoup utilisées dans la cuisine. L’occasion pour Tania Brasseur, auteure de La gourmandise de Colette et 2004 et surtout Simplement Suisse en 2021, d’écrire aussi sur le patrimoine culinaire helvète, tout en faisant la part-belle aux absinthes françaises.

L ’affaire du soufflé présidentiel

Alors qu’Emmanuel Macron se rend en visite officielle à Berne les 15 et 16 novembre prochains, les rencontres franco-suisses sont plutôt rares et l’absinthe a bien failli coûter un incident diplomatique entre les deux pays.

En 1983, François Mitterrand rend visite au président de la Confédération de l’époque Pierre Aubert. La rencontre se déroule à Neuchâtel et c’est un événement historique : la dernière visite française remonte à 1910. À l’hôtel DuPeyrou où se déroule le repas présidentiel, le chef prépare un menu où le dessert fait trembler tout le monde : un soufflé glacé à la Fée Verte, totalement interdite à l’époque des deux côtés de la frontière. Qu’à cela ne tienne, le cuisinier rigole devant les journalistes et maintient son plat. Servir une substance illégale, voilà qui fait tâche chez les Helvètes, réputés pour leur ordre et propreté. Par manque de temps, le cortège présidentiel arrive en retard, se précipite pour engloutir le plat et n’a finalement pas le temps de découvrir le dessert. Ce qui n’évite pas les ennuis au chef : quelques jours plus tard, l’hôtel est perquisitionné à la recherche d’une bouteille d’absinthe clandestine pour ensuite finir condamner à 500 francs d’amende avant d’être acquitté. L’histoire ne fait pas couler beaucoup d’encre en France et passe… sauf pour François Mitterrand, qui quelques années plus tard demandera en privé à Pierre Aubert : « cette histoire d’Absinthe, c’est terminé ? ».

Une anecdote amusante racontée plus en détail encore dans le livre de Tania Brasseur, avec la recette du soufflé !