Marine Le Pen n’est pas officiellement au pouvoir mais désormais, aucun texte, aucune réforme ne passera sans son accord ni celui de ses alliés. Le nom même de Michel Barnier, membre du parti Les Républicains et figure historique de la droite française comme Premier ministre jeudi 5 septembre, a été validé en amont par la cheffe du Rassemblement National à l’Assemblée nationale. Le résultat de 51 jours de négociations, longtemps infructueuses, où le Président de la République s’est retrouvé coincé entre les choix et positions des différents partis politiques qui composent l’hémicycle.
À commencer par la gauche aujourd’hui totalement écartée. Fort de son résultat inattendu aux élections législatives le 7 juillet dernier (193 députés), le Nouveau Front Populaire (NFP) revendique immédiatement une victoire totale et la nomination de « sa » Première Ministre, Lucie Castets, alors directrice des finances de la mairie de Paris. « Tout autre nom que celui de Lucie Castets entraînera une motion de censure », prévient le mouvement. De quoi dresser le reste de la classe politique française contre cette annonce, à commencer par la coalition présidentielle. « Avec le secrétaire général de Renaissance Stéphane Séjourné, nous avons dit au Président que, si nous sommes prêts à des compromis, nous continuons à nous opposer de toutes nos forces à l’application unilatérale du seul projet de LFI et du NFP », écrit le Premier ministre démissionnaire Gabriel Attal, dans une lettre adressée aux députés du groupe Ensemble Pour le République. Les deux camps réunis pour barrer l’extrême-droite en juillet, se déchirent à nouveau. Le Rassemblement National, troisième force politique résignée après des élections législatives vécues comme une défaite, profite de ce blocage pour retrouver une place centrale dans les négociations.
En écartant l’hypothèse Castets, l’Élysée garde l’espoir de satisfaire une partie du Nouveau Front Populaire. Il faut un « homme de gauche » capable d’éviter la censure sans pour autant abroger les grandes réformes des précédents gouvernements macronistes. Celui de Bernard Cazeneuve est rapidement évoqué. Le Parti Socialiste se déchire sur ce nom, mais écarte l’hypothèse. L’ex-socialiste recalé de Matignon, il refuse ensuite de prendre part au gouvernement Barnier dénonçant « des petits arrangements d’arrière-boutique » (Le Monde, 11/09). Emmanuel Macron tente un nom issu de la société civile avec Thierry Beaudet, président du Conseil économique social et environnemental (CESE). « Un technicien sans poids politique », dénoncent les différents groupes à l’Assemblée nationale.
Face à l’impossibilité ou presque de composer avec le Nouveau Front Populaire, le Président de la République change peu à peu d’option, quitte à avancer dans le sens contraire du résultat des élections législatives. En parallèle, La Droite Républicaine œuvre pour trouver des points de convergence avec le bloc central, lui soumettant un projet législatif afin de trouver des accords avec les députés de l’ex-majorité sur certains textes. Cette situation a notamment eu pour effet de rassembler un bloc de centre droit, composé de 213 députés, devenant dès lors le plus important de l’hémicycle, sans pour autant être majoritaire. De cette négociation émane le nom du nouveau Premier ministre. Avant Michel Barnier, Emmanuel Macron tente d’abord celui du président de la Région Hauts-de France, Xavier Bertrand. Si ce dernier assure au Président de la République qu’une partie de la gauche ne le censurera pas, c’est davantage la position de l’extrême-droite qui l’empêche d’être nommé à Matignon. Très tôt, le Rassemblement National fait comprendre à l’Élysée que le nom de Michel Barnier est préférable. Mis au ban de la vie politique à l’été, l’extrême-droite a finalement le dernier mot.
Michel Barnier, issu du seul groupe ayant refusé le front républicain lors des élections législatives, reste assez consensuel sur les sujets chers aux troupes d’Emmanuel Macron (comme l’Europe, ndlr). N’emportant pas l’adhésion d’une majorité de député, le prochain gouvernement s’expose à une censure à chaque texte. La menace (ou l’influence) du RN, qui par sa non-opposition lui octroie une chance de faire ses preuves, ne tient qu’à l’unique opposition systématique du Nouveau Front Populaire. Tant que ce dernier tiendra cette ligne, le RN aura mécaniquement l’avantage. L’équilibre du « en même-temps » ne tient qu’à un fil.
Annie Genevard, future ministre du prochain gouvernement ?
La députée de la 5e circonscription du Doubs et secrétaire générale du parti Les Républicains est restée au coeur des négociations entre son camp et le Président jusque dans les dernières heures. Au micro de Sud Radio mercredi matin, l’élue se réjouissait de la nomination de Michel Barnier : « C’est un homme qui a toujours été fidèle à sa famille poétique, il connaît parfaitement les termes du pacte législatif que nous avons mis sur la table et je suis persuadée qu’il sera attentif à être à nos propositions ». Alors que le Premier ministre a annoncé que le nouveau gouvernement serait présenté dès la semaine du lundi 16 septembre, les spéculations vont bon train. Annie Genevard a confirmé que le futur gouvernement s’appuierait sur des élus LR, « la logique veut que nous participions ». Si son son nom circule pour un éventuel ministère, la députée du Haut-Doubs assure « ne pas avoir reçu de proposition formelle », pour l’instant « mais si la proposition m’était faite, j’accepterais certainement un poste à l’Éducation nationale » affirme-t-elle, toujours au micro de Sud Radio. « J’ai beaucoup travaillé sur ces questions, je pense que l’école est un enjeu majeur. On l’a identifié d’ailleurs dans le pacte législatif ».
La rédaction