Il est près de 15h au lieu-dit La Vrine quand, au carrefour de la RN57 et de la RD48 dans le sens Pontarlier – Besançon, un homme à bord d’une Renault Dacia s’engage sur l’axe principal. Quelques mètres plus loin, le véhicule est violemment percuté par une Audi RS6 qui, malgré le freinage d’urgence pour stopper une vitesse plus qu’excessive, provoque un énorme choc. L’automobile percutée se retourne, le conducteur est éjecté. L’homme de 70 ans, originaire de la Chapelle d’Huin, décède sur le coup. Le passager de 76 ans, également habitant du Haut-Doubs est grièvement blessé. Son pronostic vital est engagé pendant plusieurs jours avant d’être finalement hors de danger avec toutefois de lourdes séquelles. L’Audi RS6 termine à une centaine de mètres de l’impact. Touché, son conducteur sort rapidement l’hôpital.
Une Audi RS6 de 700 chevaux, interdite sur la voie publique
Les enquêteurs regardent d’abord les images du radar automatique situé 200 mètres en amont de l’accident et constatent que le responsable de l’accident n’a pas été flashé. « Quatre automobilistes ont témoigné séparément. Tous assurent avoir été doublés quelques minutes avant l’accident par cette Audi RS6 qui roulait très largement au-dessus de la vitesse règlementaire, dans un virage dangereux. Tous ont eu ce pressentiment qu’un drame allait se produire. », raconte le procureur de la République du tribunal de Besançon, Étienne Manteaux. Cette capacité d’accélération et de freinage s’explique par les modifications faites sur le moteur, débridé pour atteindre les 700 chevaux. Cette Audi RS6, immatriculée en Suède, était interdite sur la voie publique. Elle ne pouvait rouler que sur des circuits privés. « Le conducteur le savait car cette opération a été réalisée par un garagiste français qui a clairement précisé cette interdiction, compte tenu de la puissance. » En observant les images d’une autre caméra située près du carrefour, les enquêteurs découvrent la tentative de freinage d’urgence. « L’arrière du véhicule s’est soulevé de manière assez impressionnante avant le choc. », glisse le procureur.
Jugé pour quatre délits
Le conducteur de 25 ans, déjà connu de la justice, a été placé en détention provisoire et sera jugé le 6 novembre. Il est convoqué devant le tribunal pour quatre délits différents : homicide involontaire, « aggravé par deux circonstances, la violation délibérée d’une obligation de sécurité et de prudence en circulant avec une voiture qui n’était plus homologuée pour la voie publique et la vitesse irresponsable sur une zone limitée à 70km/h ». Pour ce premier délit, le mis en cause encourt une peine de 10 ans d’emprisonnement. Le second délit concerne les blessures involontaires ayant entraîné une incapacité temporaire de plus de trois mois pour le passager du véhicule percuté, « aggravé par les deux circonstances citées précédemment. » Le conducteur de l’Audi RS6 sera également jugé pour l’illégalité de son immatriculation et le dépassement à grande vitesse quelques minutes plus tôt des quatre véhicules peu de temps avant l’accident.
Au terme de cette présentation vendredi 13 septembre, le procureur de la République a tenu à rappeler « que cet accident n’est pas dû à la fatalité mais à un cumul d’infractions. Nous avons à faire à un individu manifestement dans une sorte de toute puissance, frontalier, qui n’obéit qu’à ses propres règles. »
Un pontissalien, frontalier et connu de la justice
Au cours de cette conférence de presse pour détailler les premiers résultats de l’enquête, le procureur a rappelé que le casier judiciaire du mis en cause. À 25 ans, ce pontissalien a été condamné à cinq reprises pour des violences, un refus d’obtempérer ou encore la conduite d’un véhicule malgré un solde de points nul sur son permis. Ex-militant et candidat du Rassemblement National, l’individu a également écopé d’une peine de prison avec sursis en 2022 après avoir tagué les mosquées de Pontarlier, Morteau et Besançon de plusieurs croix de Lorraine.
Une pétition lancée pour un giratoire à la Vrine
Ce dramatique accident a relancé les débats autour du carrefour au lieu-dit de la Vrine, jugé par de nombreux automobilistes comme très dangereux. Si sa configuration n’est pas l’origine première de cet accident, les élus des communes proches du secteur militent depuis plusieurs années pour la création d’un giratoire afin de sécuriser la circulation. Après l’accident une pétition a été lancée sur internet et a rapidement collecté plus de 800 signatures. Le sous-préfet Nicolas Onimus a annoncé à France 3 Franche-Comté que le secteur bénéficierait dans un avenir proche, d’un nouvel aménagement. “Dans le cadre d’un plan État-région 2021-2027, neuf endroits ont été identifiés par la Dreal et la DIR Est pour être réaménagés, dont deux ont été priorisés : la montée de Saint-Gorgon-Main et le carrefour de la Vrine”, précisant que “si chacun respectait le code de la route, on n’aurait pas ces accidents”.
Accidents de la route : une rentrée sous haute tension dans le Doubs
C’est un mois de septembre noir sur les routes du département. Rien ne prédisait pourtant une telle série d’accidents entraînant la mort de plusieurs personnes. « Jusqu’au 31 août, nous étions à 10 morts sur la route. C’était quasi-exceptionnel en huit mois, au regard des années précédentes. », rappelle Étienne Manteaux. « En 2018, nous étions à 34 décès sur un an quand notre « meilleur » résultat jusqu’ici dans le Doubs est de 22. » L’accident à la Vrine et celui à Saône dans la nuit du dimanche 15 au lundi 16 septembre portent à 15 le nombre de décès sur la route cette année, dans le Doubs. Un chiffre que les services de l’État ne voulaient pas atteindre avant la fin de l’année. Au moment d’écrire ces lignes ce mercredi 18 septembre, un nouvel accident s’est produit du côté de Lantenne-Vertière. Le conducteur aurait perdu le contrôle de son véhicule dans un virage réputé dangereux. Il est décédé sur le coup et porte à 16 le nombre de victimes de la route dans le Doubs cette année. À cela s’ajoutent tous les accidents très graves en très peu de temps sur les différentes routes du Département, comme à Vercel ou Besançon.
