Statue de Jenny d’Héricourt, « un contrôle de la légalité » de la commande publique demandé au préfet.

Dans son désir de donner plus de visibilité aux femmes qui ont marqué l’histoire bisontine, la Maire de Besançon poursuit l’implantation de sculptures leur rendant hommage. Après Henriette de Crans et Colette, Anne Vignot veut célébrer la mémoire de Jenny d’Héricourt. S’appuyant sur une récente décision du Tribunal Administratif de Nice, Jean-Philippe Allenbach demande au préfet du Doubs de « contrôler la légalité » de cette commande publique jugée politique par le président du Mouvement Franche-Comté.

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Jean-Philippe Allenbach "fier d'être comtois" ©YQ

Lors du conseil municipal du 23 janvier 2025, Aline Chassagne, adjointe à la Maire chargée de la culture, annonçait l’inauguration d’une statue en hommage à Jenny d’Héricourt, militante féministe du XIXe siècle.

Sur le fond, majorité et opposition se rejoignaient pour mettre en valeur les femmes bisontines. Sur la forme, il en allait différemment. Myriam Lemercier avait évoqué le prix excessif de cette sculpture (103 000€) et surtout le choix de l’artiste. « On nous avait affirmé que l’artiste serait bisontine. En l’espèce, Lili Reynaud Dewar est une artiste grenobloise ».

Un choix de l’entre-soi

Jean-Philippe Allenbach, souvent présenté comme un trublion fédéraliste à la tête du Mouvement Franche-Comté, a sauté sur l’occasion pour interroger Aline Chassagne sur les conditions d’attribution de ce marché à une artiste grenobloise. L’adjointe à la culture a répondu par un laconique message « Nous avons tenu un comité de sélection avec des personnes qualifiées, il n’y a pas eu de favoritisme ».

Interrogé sur le même sujet, Ludovic Fagaut, chef de file de l’opposition bisontine a souligné « tout l’intérêt de rendre plus visibles les bisontines célèbres. Mais nous n’avons pas été conviés à ce fameux type de comité de sélection dont on ne sait même pas s’il a existé… »

Imbroglio juridique

L’article R. 2122-3 du code de la commande publique spécifie « L’acheteur peut passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables lorsque les travaux, fournitures ou services ne peuvent être fournis que par un opérateur économique déterminé ». Le 1er alinéa précise « quand le marché a pour objet la création ou l’acquisition d’une œuvre d’art ou d’une performance artistique unique ». C’est sur la base de cet alinéa que la Mairie de Besançon justifie le choix, sans publicité ni mise en concurrence, de Lili Reynaud-Dewar.

L’explication ne pouvait convenir à Jean-Philippe Allenbach, considérant que le choix de l’artiste a été fait dans l’entre-soi, sur la base d’un critère essentiellement politique. Pas plus qu’elle ne convenait à Myriam Lemercier qui avait émis l’hypothèse « de profiter de l’occasion pour organiser un concours à l’ISBA et ainsi mettre en avant de jeunes talents bisontins ».

L’exemple de la statue de Jeanne d’Arc à Nice

Jean-Philippe Allenbach appuie son argumentation juridique sur une décision rendue le 15 janvier 2025 par le Tribunal Administratif de Nice.

Le préfet des Alpes-Maritimes a demandé à la juridiction administrative l’annulation d’un marché public tendant à la conception et la réalisation de la statue de Jeanne d’Arc, située à proximité de l’église du même nom et dans le cadre d’un aménagement urbain accompagnant la construction d’un parc de stationnement.

La Régie Parcs d’Azur a attribué ce marché sans publicité ni mise en concurrence à la société Atelier Missor, réputée proche de la municipalité. L’attribution a été faite sur la base du 1er alinéa de l’article R.2122-3 du code de la commande (voir supra). Dans ses attendus, le Tribunal Administratif de Nice précise « les conditions prévues par 1° de l’article R.2122-3 du code de la commande publique…n’étaient pas réunies au motif que la Régie Parcs d’Azur n’établissait pas que des raisons artistiques particulières auraient exigé que la commande…soit confiée exclusivement à l’Atelier Missor. Le Tribunal a ainsi considéré qu’un tel manquement commis…constitue un vice d’une particulière gravité de nature à entraîner l’annulation du marché en litige ».

Après l’annulation du contrat par le Tribunal Administratif de Nice, une perquisition a eu lieu compte tenu de soupçons de favoritisme dans l’attribution du marché.

Jean-Philippe Allenbach a adressé ce 3 février 2025, un courrier recommandé au Préfet du Doubs. Le Président du Mouvement Franche-Comté demande à Rémi Bastille « le contrôle de légalité de la décision municipale du 23 janvier 2025 ». Il se base sur les attendus du TA de Nice, présentant de grandes similitudes avec le choix de la Mairie de Besançon.

La statue de Jenny d’Héricourt dont l’inauguration est prévue le 8 mars prochain Place de la Révolution pourrait être retardée, voire annulée en cas de poursuite de la part de la préfecture.

Jean-Philippe Allenbach souhaite une décision préfectorale rapide « afin qu’on ne se retrouve pas demain à Besançon dans le même imbroglio juridico-financier qu’à Nice ».

 Yves Quemeneur