
Il a fallu plus de deux heures d’invectives diverses et variées entre les « pro » et les « anti » gratuité pour voter les nouveaux tarifs du réseau Ginko à Besançon. Au 1er juillet 2025, la gratuité sur tout le réseau de l’agglomération est accordée aux usagers de moins de 15 ans. Pour les 15-25 ans, c’est un tarif unique jeunes & étudiants à 16,80€ par mois ou 180€ par an. L’ensemble des bénéficiaires du RSA bénéficieront d’un Pass mensuel à 2€. Enfin, les transports seront gratuits pour tout le monde le samedi. Cette gratuité partielle engendre un coût supplémentaire évalué à 3 millions d’euros supplémentaires. Grand Besançon Métropole (GBM) prévoit de compenser ce coût par une hausse du Versement Mobilité, payé par les entreprises de onze salariés et plus. La maire de Besançon et présidente de GBM a toutefois avoué « que le financement devrait encore être affiné ». Avec potentiellement une hausse des abonnements normaux ? Des choix qui n’ont pas manqué de faire réagir l’opposition, comme le Medef Territoires francs-comtois.
« Une augmentation de la fiscalité de 11% »
Dans un communiqué publié le 9 avril, l’organisation patronale alerte sur les conséquences financières pour les entreprises locales et leurs salariés. La hausse probable du Versement Mobilités de 1,8% à 2% de la masse salariale concerne 900 établissements et près de 35 000 salariés, soit « une augmentation de la fiscalité de 11%, qui alourdirait les charges des entreprises, déjà fortement sollicitées », précise le Medef.
4,5 millions d’euros de fiscalité supplémentaire pour les entreprises
Le Medef rappelle que deux tiers du budget des transports de GBM est payé par les entreprises qui prennent en charge, en plus, 50% des abonnements de transports des salariés. Aux 41 millions d’euros déjà versés par les acteurs économiques du territoire, c’est 4,5 millions de plus qui seraient payées par les entreprises. « Au niveau national, les entreprises françaises ont acquitté 9,3 milliards d’euros au titre du versement mobilité », ajoute l’organisation patronale. « Alors que tout doit être fait pour rendre notre territoire attractif, attirer et fidéliser de nouvelles compétences et contribuer à sa réindustrialisation, cette taxe de trop est un frein à l’augmentation des salaires et à l’embauche » conclut le communiqué du Medef.
À l’exemple de la demande du député et conseiller d’opposition à GBM Laurent Croizier, opposé à la gratuité des transports, le MEDEF Territoire francs-comtois « aurait trouvé judicieux de mener une étude d’impact afin de mesurer les bénéfices de la gratuité face aux conséquences que cela va avoir sur les entreprises contributives ».
450 000€ de taxe supplémentaire pour le CHU Jean Minjoz
La hausse du versement mobilités va également impacter le tissu médical et médico-social de l’agglomération. Pour le CHU, c’est un coût important, estimé à 450 000€ de taxe supplémentaire qui peut remettre en question la politique salariale de l’hôpital. Une hausse qui représente « 3,60€ de coût supplémentaire par an pour un salarié au SMIC », pour Nicolas Bodin (PS), vice-président PS en charge de l’économie.
Mesure « sociale et de santé publique »
Anne Vignot en a fait un sujet éminemment politique, comme ses alliés du parti communiste et d’A Gauche Citoyens. « La gratuité est une solution de santé publique et une mesure sociale. En 2050, les températures battront des records à plus de 50°. Le report modal est donc un impératif ». Pour Gilles Spicher (A Gauche Citoyens et adjoint santé publique à la Ville de Besançon) « la gratuité des transports en commun, ce sont des dizaines de milliers de morts en moins par an dus à la pollution ». Le report modal, aux dires des partisans de la gratuité, engendrerait une augmentation de la fréquentation des transports en commun et par conséquent un besoin accru en matériel de transport et en conducteurs. Aucune donnée chiffrée n’a été fournie pour autant.
« Les habitants ne demandent pas la gratuité »
Selon Laurent Croizier « les habitants ne demandent pas la gratuité. Ils réclament plus de bus et de fréquences dans les communes périphériques et dans de nombreux quartiers de Besançon. À quoi sert la gratuité s’il n’y a pas d’offre ? »
Après plus de deux heures de débat houleux, deux mesures ont été votées in-extremis : pour la gratuité en faveur des enfants de moins de 15 ans d’abord, l’argument de l’équité entre tous les collégiens a, semble-t-il porté. Pourtant, « la mesure demeure inéquitable entre les enfants de Besançon qui pourront circuler gratuitement 365 jours par an et ceux des communes périphériques. Comment un collégien de Pelousey, scolarisé à Pouilley-les-Vignes, pourrait aller se promener à Granvelle avec ses amis après la sortie du collège ? » L’argument soulevé par Catherine Barthelet Maire de Pelousey n’aura pas suffi. La mesure a été adoptée par 70 voix, 48 voix contre et 2 abstentions.
La gratuité pour tous le samedi a également été votée, de peu. « Avec cette mesure, nous allons dynamiser le commerce de centre-ville » soulignait Anne Vignot. « La gratuité le samedi permettra aux consommateurs de se rendre également dans les zones commerciales », répond Laurent Croizier. La mesure est passée à 65 voix pour et 54 voix contre. L’extension de la gratuité à tous les bénéficiaires de minimas sociaux n’a pas emporté l’adhésion des élus. 63 conseillers communautaires ont voté contre et 53 pour. Quant aux bénéficiaires du RSA, rien de nouveau, la gratuité était déjà quasiment acquise depuis longtemps. Ils ne paient que 2€/mois. Il reste maintenant à faire voter la hausse du versement mobilités.