Besançon. Les commerçants, moteurs de la transition écologique ?

Dans la capitale comtoise, 130 commerçants ont signé une charte « commerce éco-engagé » à l’initiative de la Ville de Besançon. L’objectif est de promouvoir une économie de proximité plus vertueuse. Le 21 octobre, ils étaient invités à échanger autour de la sobriété numérique.

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une partie des 130 commerçants du réseau
une partie des 130 commerçants du réseau "commerce éco-engagé" de Besançon ©Ville de Besançon

L’objectif est louable face à la concurrence acharnée des plateformes chinoises de vente en ligne qui conduisent à une désertification des centres villes et à l’augmentation exponentielle de l’usage du numérique. Si Besançon ne fait pas partie des meilleurs élèves de la fast fashion, le nombre de cellules commerciales vides ne cesse pourtant d’augmenter. Julie Chettouh est conseillère municipale déléguée aux marchés. Elle a également en charge l’animation de la charte de développement durable des commerces.

Le numérique à l’heure des économies

Deux experts de la Tech ont tenté de convaincre la cinquantaine de commerçants présents Salle Proudhon à Granvelle, de réduire leur impact environnemental par un usage « adapté » du numérique dans leur pratique commerciale.

34 milliards d’appareils numériques utilisés dans le monde

Selon Frédéric Bordage, expert numérique chez GreenIT, ces 34 milliards d’équipements sont utilisés par plus de 4 milliards de personnes, soit 8 équipements par utilisateur (données GreenIT 2019). La masse de cet univers numérique représente 223 millions de tonnes, un chiffre astronomique. Comment convaincre un artisan ou un commerçant de la Grande Rue, du marché couvert ou de la rue Pasteur que sa sobriété numérique va avoir un impact sur l’environnement de la planète ?

Fabriquer moins pour une durée plus longue

Frédéric Bordage, chiffres à l’appui, démontre que l’impact essentiel du numérique sur l’environnement vient de la fabrication des appareils (terminaux de paiement, caisses enregistreuses, smartphones, tablettes ou ordinateurs…). Augmenter la durabilité de ces appareils a donc un impact direct sur les métaux rares utilisés (lithium, cobalt…) pour leur fabrication et également un impact économique pour l’utilisateur.

L’autre élément essentiel est le stockage des données dans d’immenses data centers. A titre d’exemple, le plus important centre se situe en Chine. Il contient 1,5 million de racks réseaux sur 1 million de m². Outre la consommation d’énergie très élevée nécessaire au fonctionnement des data centers, ils constituent une source de pollution thermique importante, les milliards de milliards de données traitées dans ces monstres informatiques nécessitent des systèmes de refroidissement de très haute puissance.

La sobriété numérique ou « slow tech »

Frédéric Bordage et Simon Lips Directeur de l’association Saint Vit Informatique ont apporté quelques conseils concrets pour « utiliser la bonne technologie selon les besoins ». Mise à jour régulière, nettoyage, réparation ou recyclage, adaptation d’un matériel existant à une technologie plus avancée, c’est le quotidien de Simon Lips et de Saint Vit Informatique. Il recense chez chacun de ses clients les besoins identifiés et adapte le matériel et les logiciels. Les deux experts vantent la bonne articulation entre technologie et papier-crayon. Par exemple, « pourquoi utiliser une tablette de prise de commande en restaurant si une simple commande papier suffit pour la cuisine, ou l’association dans une agence immobilière d’un grand écran identifiant un bien et des annonces papier » précise Frédéric Bordage.

Le sujet abordé à Besançon ce 21 octobre va bien au-delà du simple usage des outils numériques. Il renvoie à l’essai de Michel Serres paru en 2012, « Petite poucette », titre qui se réfère au pouce souvent utilisé par les nouvelles générations pour pianoter sur un écran. Pour le philosophe, la multiplication des outils numériques est une mutation anthropologique importante affectant les facultés cognitives de l’Homme.

Yves Quemeneur