Besançon. Une sordide affaire de courrier anonyme enlise la municipalité

Le 19 septembre, les élus de Besançon se retrouvaient après la trêve enchantée estivale. Un courrier anonyme ciblant des agents municipaux a provoqué une suspension de séance avant le départ de l'opposition. Refusant d'abord de s'excuser, la majorité a comme rétro-pédalé une semaine plus tard, face à la menace de grève de l'intersyndicale des agents de la Ville et de GBM.

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Un conseil municipal houleux qui a fini en tempête le 19 septembre 2024 ©YQ

Pas de round d’observation pour ce conseil de rentrée, Ludovic Fagaut a égrené tous les griefs qu’il reproche à la municipalité. La Fan Zone des JO mal placée à la Malcombe, l’interdiction de diffuser les matchs de l’Euro sur les terrasses des cafés ou l’absence de plaintes de la Mairie sur les affichages sauvages pendant les élections, tout était prétexte pour mettre en difficulté Anne Vignot qui a répondu point par point, calmement. L’exécutif est au travail. « La sécurité n’est pas votre priorité » enchaîne Laurent Croizier (Modem), surpris par le propos de Benoît Cypriani, l’adjoint à la tranquillité publique qui ne craignait pas d’annoncer « Besançon est une des villes les plus sûres de France ».

Sur l’interdiction de retransmission des matchs de l’Euro, Benoît Cypriani met en avant à juste titre le risque de troubles à l’ordre public, constatés notamment rue Bersot. Les JO retransmis à la Malcombe « c’était un choix arrêté en accord avec la Préfecture » répond Abdel Ghezali. Quant à l’affichage sauvage, « les plaintes sont déposées quand les contrevenants sont clairement identifiés » ajoute Marie Zehaf.

Un premier débat pour régler les polémiques de l’été
Ludovic Fagaut, chef de file de l’opposition bisontine ©YQ

Ludovic Fagaut (Besançon Maintenant) reproche le manque d’actions sur le quartier de Battant, gangrené par le trafic de stupéfiants « comme dans toute la ville », les incivilités, l’alcoolisme sur la voie publique, le peu de soutien aux commerçants du quartier sans oublier le manque de caméras de vidéosurveillance. Agacée, Anne Vignot réfute point par point. La lutte contre la consommation de stupéfiants est un travail quotidien : « s’il n’y avait pas de consommateurs, il n’y aurait pas de trafic, pas de violence et une ville apaisée ». L’élue souhaite poursuivre son action de prévention contre la consommation de stupéfiants comme la lutte contre l’alcoolisme de voie publique : « je vais prendre des mesures pour limiter l’ouverture des épiceries de nuit et surtout leur interdire de vendre de l’alcool après 22h ». De son côté Hasni Alem (groupe communiste), adjoint en charge du QPV de Battant, souhaite multiplier les « médiateurs de rue », Benoît Cypriani réaffirme « Besançon a suffisamment de caméras de vidéosurveillance », Nicolas Bodin (PS) et membre de la majorité municipale, admet « il en faudrait plus ». En somme, chaque acteur maintient des positions déjà connues.

Un courrier met le feu aux poudres

Le rapport 47 traitait du « rapport social unique » de la Ville. Sans attendre, Ludovic Fagaut brandit un courrier adressé par Fabienne Brauchli, adjointe aux espaces verts, à des riverains de la rue Trepillot. Dans celui-ci, elle évoque l’information de la part de certains riverains « que deux équipes de jardiniers de la Ville…utiliseraient des matériels de la Ville à des fins personnelles ou de pratiques s’apparentant à du vol ». Fabienne Brauchli, tout en précisant qu’il s’agissait de courriers anonymes, demande aux habitants du 6 rue Trépillot « Aussi, si vous êtes, ou avez été, témoins de telles situations, n’hésitez pas à m’en informer ».

Laurent Croizier, député de la 1ère circonscription du Doubs et conseiller municipal d’opposition à Besançon ©YQ

Pour Ludovic Fagaut et Laurent Croizier, c’est un appel à la délation « rappelant les heures sombres de notre histoire » et la mise en cause, en l’absence d’une enquête interne, de tous les agents des espaces verts de la Ville. (En fait l’enquête administrative est en cours NdlR). Les deux élus d’opposition ont alors demandé formellement à la Maire de faire des excuses publiques à tous les agents de la Ville et admettre que ce courrier était inacceptable. Après une suspension de séance où la Maire a refusé de faire des excuses au nom de son adjointe, ce sont tous les conseillers d’opposition qui ont quitté le conseil municipal alors qu’il restait 26 rapports à discuter et voter.

« Ce courrier n’aurait jamais dû exister »
Lors d’un point presse le 25 septembre consacré à cette tempête dans un verre d’eau, Anne Vignot a souhaité « remettre les choses dans le bon ordre ». La Maire a réaffirmé son « entier soutien à tous les agents de la collectivité » précisant les efforts importants entrepris depuis 2020 pour améliorer le pouvoir d’achat des agents « 600 à 800€ de plus pour 2400 agents » et la dé-précarisation de nombreux postes. « Je soutiens tous nos agents et je regrette le comportement d’une opposition qui n’a comme ligne de mire que les élections de 2026 ».

« On remet les choses dans le bon ordre »

Concernant le fond du sujet, les éléments produits dans le courrier en question font l’objet d’une enquête administrative interne. Celle-ci doit être conduite dans le calme, la discrétion et la sérénité. « Brandir un courrier sans en connaître tous les tenants ne sert pas cette sérénité et le respect que l’on doit à tous nos agents ». Il reste qu’un membre éminent de la majorité municipale, Nicolas Bodin, a toutefois confirmé lors du conseil municipal que « ce courrier était totalement inapproprié et inacceptable et que des excuses aux agents de la Ville auraient été justifiés ». De son côté l’intersyndicale des agents de la Ville et de GBM a déposé un préavis de grève, émue par ce qu’elle considère comme une suspicion à l’égard de tous les agents. Une rencontre avec la Maire a eu lieu le 26 septembre pour apaiser la situation « créée de toutes pièces par l’opposition ».

« L’affaire du courrier » ne présage pas d’un fonctionnement apaisé du conseil municipal dans les prochains mois, avec l’approche des prochaines échéances électorales et la situation politique nationale.

Yves Quemeneur