L’un des grands rendez-vous annuel des agriculteurs du département reste l’assemblée générale de la FDSEA, le syndicat agricole majoritaire de la profession. Si la réunion a permis aux acteurs de faire le point sur les différentes problématiques rencontrées sur chaque filière, l’une d’entre-elles concernent tout le monde : l’impact environnemental causé par l’agriculture en France. Près de 19% des émissions de gaz à effet de serre sont causées par le monde agricole. C’est le second secteur des métiers le plus émetteurs, derrière les transports (31%) et égalité avec le tertiaire.
Pour les mêmes erreurs passées, Jean Baptiste Dolle, chef du service environnement à l’institut de l’élevage (IDELE) a présenté un bilan détaillé de l’impact environnemental actuel de l’agriculture, notamment sur le Doubs et les solutions existantes. « C’est très compliqué de mesurer les émissions de gaz à effet de serre ou de CO2 pour l’agriculture. On a plein de postes à émissions différents. Il faut s’emparer du sujet pour créer de la valeur autour du carbone et améliorer l’efficience des exploitations, etc. La communication joue un rôle primordial également. On ne communique pas assez et on est sujet à de nombreuses critiques sur de nombreux points. », explique l’intéressé.
19%
Près de 19% des émissions de gaz à effet de serre sont causées par le monde agricole. C’est le second secteur des métiers les plus émetteurs, derrière les transports (31%) et égalité avec le tertiaire.
Trois types de gaz à effet de serre
Il existe trois types d’émissions de gaz à effet de serre : le méthane, par l’élevage et la rumination des animaux notamment. Le protoxyde d’azote, de la gestion des déjections animales et des engrais et le dioxyde de carbone. Ces trois gaz s’accumulent et créent un effet de serre qui produit le réchauffement climatique, se traduisant par une augmentation des températures.
L’agriculture en Europe représente 10% des émissions de gaz à effet de serre. Si chaque partie doit réduire ces émissions, la forêt et l’agriculture doivent augmenter aussi le puit de carbone dans les sols. « La prairie est globalement peu impactée par le changement climatique sur le volume total de matières sèches produites par an. Par contre, il y a un décalage dans le temps pour la production. Entre 1970 et maintenant, le cycle s’est décalé au printemps avec des catastrophes en été. Une nouvelle repousse s’effectue à l’automne. »
Les mauvais calculs de Yuka
C’était l’une des volontés du Président de la République Emmanuel Macron en 2020 : créer une application pour évaluer des produits en fonction d’un « score carbone », pour mesurer l’impact environnemental d’un produit à un autre. Le Président avait même lancé un appel à la célèbre application « Yuka », très prisée par les jeunes notamment pour surveiller leur alimentation. Ni une ni deux, un an plus tard, l’application s’actualise, créant un onglet « environnement » où l’impact des aliments est noté de 0 à 100. La viande bovine ne dépasse jamais ou presque les 20/100. Un indicateur fort de sens pour les consommateurs, biaisé pour autant par les données utilisées pour calculer l’impact environnemental d’un produit. Suivez le schéma :
L’une des façons de définir le niveau d’émissions de gaz à effet de serre par rapport au produit créé (fromage, viande, volaille…), c’est donc cette empreinte carbone des produits.
Pour un litre de lait produit par exemple, cela revient à 1 kilo d’équivalent carbone (CO2), l’unité de mesure des trois gaz définis plus haut. Un kilo de fromage c’est environ 6 kg d’équivalent CO2.
La viande rouge explose ce score avec 18kg d’équivalent carbone pour chaque kilo de viande produit. « C’est l’un des arguments pour dire, réduisez votre consommation de viande, car ça a un gros impact climatique. Ce que l’on ne dit pas, c’est que ces kilos de viande sont associés à un stockage de carbone qui n’est pas pris en compte par ces évaluations environnementales. Ces estimations d’équivalent carbone sont enregistrées sans prendre la totalité des informations. Ce que l’on ne dit pas, c’est que ces applications n’intègrent pas le stockage de carbone des prairies et champs ou n’intègrent pas la contribution de l’élevage à la biodiversité. On a une analyse mono-critère de l’impact de l’agriculture », se défend Jean-Baptiste Dolle.
« Dans les zones d’élevages en France, il y a 75 à 90 tonnes de carbone stockées par hectares dans les sols.
C’est une capacité à peu près identique à l’océan. »Jean Baptiste Dolle, chef du service environnement à l’institut de l’élevage (IDELE)
En clair, les prairies utilisées pour élever les vaches laitières ou à viande, stockent des milliers de tonnes de carbone et contribuent à la protection de l’environnement. « Dans les zones d’élevages en France, il y a 75 à 90 tonnes de carbone stockées par hectares dans les sols. C’est une capacité à peu près identique à l’océan. », poursuit le chef du service environnement à l’institut de l’élevage. L’agriculture a donc bien un important impact sur l’environnement, oui, mais mal analysée par la profession elle même. En ce sens, 10 millions d’euros dans le cadre d’un plan de relance ont été débloqués pour permettre la réalisation dans la région de diagnostics autour du réel impact de centaines d’exploitations agricoles. C’est le projet Cap2ER, qui doit délivrer des crédits carbone.
Valoriser le stockage carbone et rémunérer les agriculteurs volontaires
Pour obtenir ces crédits carbone, les éleveurs doivent réaliser un diagnostic qui évaluera leur empreinte et identifiera les actions à mettre en œuvre pour la réduire. Cinq ans plus tard, un nouveau diagnostic sera réalisé pour mesurer les économies sur l’élevage et les co-bénéfices obtenus au-delà de la ferme : l’aménagement des territoires, l’entretien des prairies, le maintien de la biodiversité, etc. Avec cette labellisation, la filière laitière veut atteindre l’objectif de réduire de 20 % ses émissions de carbone d’ici 2025.
Des entreprises pollueuses pourraient racheter les crédits
Si la démarche permettrait de reconnaître à sa juste valeur l’impact environnemental d’une exploitation agricole, la méthode pose question. Exemple : si un agriculteur, grâce aux efforts consentis, réduit de 500 tonnes de CO2 son exploitation, il obtient un certain nombres de crédits. Les entreprises, concernées aussi par des quotas carbones, peuvent pour les plus pollueuses, racheter ces crédits. Concrètement, payer pour pouvoir continuer librement leur fonctionnement sans réduire leur émissions de gaz à effet de serre, les efforts seraient compensés par les agriculteurs.
Reste à savoir si les investissements financiers faits par le monde agricole pour réduire son empreinte carbone ne deviendront pas un gouffre au profit des autres entreprises, à terme. Car Jean Baptiste Dolle en convient, ces crédits pourraient apporter une manne financière supplémentaire pour l’exploitant, sans pour autant être une source de revenus unique.
Martin Saussard