Ils sont dans le viseur. « Ils » se sont les 75 gros industriels de l’agroalimentaire « invités » par Bruno Le Maire, ministre de l’économie, à rouvrir séance tenante des négociations avec la grande distribution… Ceci alors que ces négociations particulièrement houleuses et âpres cette année, se sont conclues (en principe avant le 1er mars 2023) par une hausse moyenne de 9% des tarifs consentis à l’industrie agro-alimentaire, selon le médiateur des relations commerciales agricoles.
Il faut dire que l’INSEE a mis les pieds dans le plat début juin en publiant son dernier état des lieux des branches économiques en France. Si elle note que l’inflation générale faiblit légèrement, l’inflation des produits alimentaires reste stratosphérique, à 14,8 % sur un an. Ce qui fait tâche, c’est qu’en parallèle, le taux de marge du secteur flirte avec les 48%…soit 10 % de plus que la moyenne des six dernières années.
Bruno Le Maire, ministre de l’Economie a réagi en déclarant chez nos confrères de France Inter : «Soit les industriels tiennent leurs engagements [de baisser les prix]…/…, soit j’utiliserai l’instrument fiscal pour récupérer leurs marges, qu’ils doivent aux consommateurs».
Un tour de vis qui ne pourrait s’opérer que via la loi de finances en octobre 2023… En attendant, l’heure semble au bluff et aux rapports de force, le ministre menaçant de dénoncer publiquement ceux qui se font tirer l’oreille : « Avant la fin du mois de juin, je publierai la liste de tous les industriels de l’agro-alimentaire qui ont joué le jeu, et la liste des industriels de l’agro-alimentaire qui ont refusé de revenir à la table des négociations ». Il faut dire que les récalcitrants s’avèrent nombreux et puissants : près de 40% de ce que vous trouvez dans les rayons alimentaires des grandes surfaces, provient des 22 plus gros industriels de l’agroalimentaire, le plus souvent des multinationales pour qui la France représente un confetti au plan mondial.
Quant aux 75 entreprises ciblées par les pouvoirs publics, elles sont tombées sous le coup d’un double critère : que les dernières négociations commerciales aient abouti à une augmentation de tarif pour l’industriel de plus de 10%, et que ce dernier ait vu diminuer le prix d’un intrant de 20% depuis. A l’heure où nous mettons sous presse, sur les 75 industriels cités, moins d’une dizaine semble envisager de rogner sur leurs marges pour répercuter la baisse du prix des matières premières, baisse effective depuis de nombreux mois…
Pas facile de se serrer la ceinture comme des millions de Français qui peinent à boucler les fins de mois… A la décharge de l’industrie agroalimentaire, il faut reconnaître que le secteur a connu près de 10 ans de vaches maigres avant la récente folie inflationniste. Ce constat, c’est un très sérieux rapport d’information du sénat qui l’a posé dès l’an dernier, tout en soulignant les conséquences inflationnistes de la loi Egalim. Alors qui sont les bons et les méchants dans cette histoire ? Affaire à suivre…
La rédaction
Egalim 2, l’huile sur le feu
Comme de nombreuses dispositions « vertes », la loi Egalim 2 fait flamber la facture pour les consommateurs. Dès 2022, les sénateurs Daniel Gremillet et Anne-Catherine Loisier relevaient ainsi que : « Cette loi est…/… inflationniste par définition, puisque son principe même consiste à pouvoir répercuter, de l’amont agricole jusque dans les tarifs payés par la distribution, l’évolution des matières premières agricoles. Les mécanismes qu’elle introduit créent donc une boucle d’inflation qui, si elle est relativement discrète lorsque les prix des intrants sont à peu près stables, peut prendre des proportions considérables lorsque le coût des intrants évolue fortement à la hausse ». Dont acte…
S.H