Un bisontin en route pour les Jeux Paralympiques

Victime d’un grave accident de la route en 2019, Rémy Lamy a perdu sa jambe gauche sur le coup. Après une rééducation express, ce passionné d’Art Martiaux est détecté par la Fédération Française d’Athlétisme, à la recherche d’athlètes paralympiques. Les essais sont plus que réussis et le bisontin est désormais en route pour les Jeux 2024.

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©Y. Kellerman – CPSF

Ce n’est pas à lui que l’on apprend le goût de l’effort, ni les compétences physiques nécessaires aux sports de combat. Passionné depuis sa naissance par les Arts Martiaux, Rémy Lamy a décidé de construire sa vie autour de cette discipline. À École-Valentin où depuis 18 ans avec son frère et sa sœur, la famille gère l’Académie FightClub fitness installée dans la zone industrielle, le bisontin frappe, boxe, enseigne aussi. Le colosse de 38 ans pour 118 kilos et 1,81 mètre compte sur sa force bien sûr, mais privilégie davantage sa technique. « Tu gagnes un combat par ta précision », souffle l’athlète.

Rémy Lamy rentre totalement lessivé depuis quelques mois. Ses « nouveaux » entraînements lui font presque redécouvrir son corps. Loin des tatamis, au milieu de la piste du club d’athlétisme d’Alès dans le Gard, le bisontin met toutes ses capacités physiques au service du lancer de disque et de javelot. « Ça ressemble aux arts martiaux sur certains aspects. On pense que ce sont des sports de brutes alors qu’en réalité, ça demande une technicité de dingue ! ». Le MMA ou la boxe thaïlandaise ne sont pas délaissés pour autant, ni son berceau bisontin où il retourne chaque semaine pour gérer sa salle. Le destin, bien aidé par sa compagne Marianne, lui offre une opportunité sportive unique : participer aux Jeux Paralympiques à Paris en 2024.

Photo DR

L’aboutissement d’un long chemin pour lui et sa famille, cinq ans après son grave accident de la route. Assis sur sa Harley Davidson, sillonnant les routes de Nîmes où il souhaite ouvrir une seconde salle d’arts martiaux, Rémy Lamy voit foncer sur lui un automobiliste. En sens inverse, le choc est inévitable, le bisontin tente de l’éviter, sa jambe est arrachée sur le coup. « J’ai continué mon chemin sur 600 mètres, je voulais rester en vie pour ma femme et mes trois filles. J’ai fait un garrot avec ma ceinture, puis une personne est venue m’aider pour bien compresser avant l’arrivée des secours. Ils m’ont sauvé la vie. Ma force, c’est avant tout ma famille », confie l’athlète. Le projet de seconde salle est évidemment mis en standby et Rémy Lamy démontre d’une incroyable force au centre de rééducation du Grau-du-Roi. « Ils m’ont dit qu’il fallait entre 6 mois et 1 an pour remarcher correctement. Je suis resté 1 mois. J’ai regardé beaucoup de vidéos d’Abel Aber en train de boxer. C’est un athlète médaillé plusieurs fois en paracanoë, avec qui j’ai fait passé des diplômes de coach dix ans avant. Quand j’ai vu ses vidéos, la motivation a été encore plus forte. »

Le professeur d’arts martiaux comprend vite qu’il peut combattre partiellement, uniquement à l’entraînement « J’ai dû me faire à l’idée que certaines prises ne seraient plus réalisables et les sports de combat pour les personnes en situation de handicap, ça n’existe pas. » Au cours de cette rééducation, les capacités physiques de Rémy Lamy tapent dans l’œil de professionnels proches du handisport et de la compétition. Si les essais pour du paracanoë et kayak en mars 2023 ne sont pas concluants, Marianne Lamy, sa femme, inscrit le combattant aux tests du programme La Relève.

Créé en 2019 par le comité France Paralympique, La Relève détecte des sportifs âgés de 16 à 35 ans avec un potentiel de performance dans une ou plusieurs disciplines paralympiques et qui ne seraient pas encore intégrés dans un circuit de compétition. L’objectif : avoir des athlètes partout et obtenir le plus de médailles pour les Jeux.  À l’INSEP, Rémy Lamy passe différents tests et très vite, s’oriente vers l’athlétisme. « Par rapport à mon handicap, il existe des catégories paralympiques pour le lancer de disque et de javelot. Je me suis plutôt bien débrouillé donc la fédération m’a orienté vers un club ». Ce sera à Alès, aux côtés de Joël Fabreguettes, ancien athlète médaillé à plusieurs reprises aux championnats de France. « Je n’avais aucune connaissance de ce sport et je suis parti dans ce projet fou à fond. » Avec quatre entraînements par semaine et des séances de musculation, Rémy Lamy apprend vite et bien. Un mois après avoir intégré le club, le bisontin se présente déjà à ses premiers championnats de France. « Je manquais énormément de technique, j’ai complètement raté mon lancer de disque. Contre toute attente, j’ai terminé 2e au lancer de javelot alors que j’avais 3 entraînements dans les bras. C’était improbable, incroyable ! ». Une médaille d’argent prometteuse pour l’athlète qui repart à l’entraînement avec un objectif encore plus haut : une médaille aux Jeux de 2024.

Reste alors une condition à remplir pour participer aux Jeux dans 9 mois : valider une distance minimale pour les deux disciplines, disque et javelot, d’une quarantaine de mètres. « J’y étais presque sans élan ni technique, mon entraîneur est confiant. Les minimas, c’est un repère mais je vise beaucoup plus haut ! », confie Rémy Lamy.  « Depuis l’accident, je m’entrainais par passion, pour mon métier. Aujourd’hui, j’ai une seconde chance de performer en compétition. Il faut que je la saisisse. ». S’il parvient à intégrer l’équipe de France paralympique en athlétisme, le bisontin compte aller loin à Paris et plus encore. Les Jeux de Los Angeles en 2028, les championnats du monde à Kobe (Japon) en 2024, par exemple.

M.S