Encore une ânerie ! Décidément…

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Encore une ânerie ! Décidément…
Chaque semaine, comme un animal têtu, je vous abreuve de quelques âneries sans queue ni tête. J’ai voulu faire un travail d’introspection et en savoir un peu plus sur l’âne.
J’en sors honteux et affublé d’un bonnet du même métal ! Comment peut-on être si injuste avec ce mammifère herbivore et ongulé de la famille des équidés ?
L’âne a beaucoup à nous apprendre de nous-même. Depuis des siècles nous nous sommes vautrés dans l’idée que l’âne symbolisait la bêtise et nous donnions l’exemple de l’âne de Buridan. Affamé et assoiffé, l’âne de Jean Buridan, philosophe du XIVème siècle, né à Béthune, avait été placé par son maitre dans un enclos entre un picotin d’avoine et un seau d’eau (1). Le dilemme provoqué chez l’âne par ce bourreau de Béthune, philosophe à la gomme, si vous voulez mon avis, était à son comble. Et le dénommé Buridan (2) qui n’a plus mon estime prétendit que l’âne n’ayant pas su se décider entre se désaltérer et se rassasier se laissa mourir sur pied parmi ses ultimes crottins (3). Bien sûr -comme par hasard- on n’a aucune vidéo pour accréditer ces racontars que l’on nous prie de croire et de répéter à l’envi dans l’indifférence coupable de la SPA qui a d’autres chats à fouetter.
On cherche en vain un proverbe, un dicton, une blague de papillote qui ferait honneur à la bête (4). Qui lui mettrait le pied à l’étrier, qui le dresserait sur un piédestal. On ne trouve que railleries et quolibets sans une once d’empathie. Pire : quand l’âne supporte un bât pour nous venir en aide au prix de sa souffrance on trouve le moyen de faire croire à notre jeunesse que l’âne bâté est encore pire âne que s’il était tout nu, en tenue d’Adam. Merci la récompense ! À force de le saboter l’âne finira par ruer.
Il y a des jours comme ça où je me sens béni de n’être point un âne.

Notes pour donner plus encore de sens à ce texte qui déjà n’en manque pas…

(1)- Notez au passage la cruauté mentale nécessaire pour arriver à pareille idée.
Heureusement le monde évolue et de nos jours on ne trouve plus trace de tels
dilemmes. Sauf peut-être quand il nous faut voter au second tour des élections.

(2)- Jean Buridan avait repris, sans se soucier des droits d’auteur, une théorie
d’Aristote qui avait étudié le jet de pierre. Aujourd’hui, une pierre lancée finit en
général par retomber sur le casque d’un CRS mais il n’en a pas toujours été ainsi.
Aristote pensait qu’une pierre lancée pouvait épouser deux types de mouvement.
Soit elle revenait vers son lieu d’origine : la terre, comme fait le feu qui lui monte vers
son lieu d’origine : l’air. C’était le mouvement dit « naturel ». Le mouvement
« violent » est tout autre et ne s’arrête qu’en cabossant un autre objet.
Mais il y avait une faille : cela n’expliquait pas qu’une pierre jetée en l’air continue
son mouvement ascensionnel avant de retomber. La théorie stipulait que quand la
pierre monte elle laisse derrière elle une raréfaction de l’air qui en se remplissant
soudain repousse plus encore la pierre vers le haut.
Mon œil ! Il ne faut pas nous prendre pour des jambons ! Beaucoup de nos anciens
trainaient une sorte de berlue qui eut bien du mal à s’effacer avant l’arrivée des
complotistes de notre temps. À sa décharge il faut dire qu’Aristote était très vieux
puisqu’il est né en 384 avant Jésus-Christ qui lui-même commence à dater.
Jean Buridan -en latin de l’époque : Joannes Buridanus (2 bis)- développa vers 1350
la théorie de l’impetus qui reprend les efforts d’Aristote pour expliquer le mouvement
des pierres qu’on jette. Il y eu de nombreux blessés sans pour autant convaincre.
Quant à l’âne de Buridan son existence même reste un mystère. Il semble plus
ressembler à un plagiat qu’à un âne car Aristote -encore lui- avait raconté une
histoire analogue bien avant Buridan.

(2bis) – Ce « Buridanus » manque totalement d’élégance. Mais vous l’aviez
remarqué. Personnellement je pense qu’entre « concupiscence » et « Buridanus » si
j’avais à choisir le plus glamour, je serais comme l’âne de Buridan.

(3)- La première idée c’est de se moquer mais combien d’entre nous auraient fait de
même ?

(4)- Je trouve que les blagues de papillotes sont de moins en moins drôles au fur et à
mesure que notre taux de sucre augmente. J’en ai néanmoins sélectionné quelques-
unes pour vous à propos de l’âne.
On dit en Auvergne : « compte plutôt sur ton âne que sur le cheval du voisin ». Ce
bon sens est une spécialité d’Auvergne. Au même titre que la truffade, l’aligot ou le
Saint Nectaire. Ou encore le pneu à carcasse radiale.
Un proverbe de chez nous dit « à laver la tête d’un âne on y perd sa lessive ». Pour
les historiens spécialistes de l’âne il s’agirait d’une citation de Jean II le Bon.
Je saisis l’occasion pour vous glisser deux mots sur ce Jean II le Bon car il est
possible que -faute de place- je n’aie pas l’occasion de rouvrir ce dossier dans mes
prochaines rubriques.
Jean II dit Jean le Bon est né le 26 avril 1319 au Mans et c’est bien plus tard qu’il est
mort. Beaucoup d’entre nous l’oublient mais il fut roi de France de 1350 à 1364. Son
principal fait d’armes est d’avoir été vaincu et fait prisonnier par la Prince Noir à la
bataille de Poitiers au début de la Guerre de Cent Ans. Mais il traversa aussi la Peste
Noire qui provoqua une pénurie de main d’œuvre dans le Royaume. Mon Jean ne fit
ni une ni deux : il interdit la mendicité et le vagabondage et mit les gens au travail
sous la contrainte. L’Église légitima cette réforme et présenta le refus de travailler
comme une offense à Dieu. Je vous laisse juge de la pertinence de ces choix et je
vous laisse aller à confesse.

Docteur Gérard Bouvier