Le logement social, un indicateur de la « France des allocs et de la France du travail » ?

La polémique récente suscitée par les propos de Fabien Roussel, le secrétaire général du Parti Communiste français, trouve en partie son illustration dans les caractéristiques et l’évolution du parc de logements sociaux, notamment en Bourgogne Franche-Comté.

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191 223 logements sociaux en BFC

La région est la seule comptant moins de logements sociaux qu’en 2020 (- 115). Cette évolution est liée en partie au niveau très bas des mises en service. La baisse démographique constatée dans la région depuis plusieurs années limite le besoin de nouveaux logements.

En 2020, 1 023 logements sociaux ont été mis en service dans la région. 98,5% sont des logements neufs construits en dehors des Quartiers Prioritaires de la Ville (QPV) pour favoriser la mixité sociale.

Un parc social ancien

Le parc locatif social en Bourgogne Franche-Comté est l’un des plus anciens de France. 62% des logements ont plus de 40 ans. L’ancienneté du parc a des conséquences sur son état énergétique. La Bourgogne Franche-Comté est la région métropolitaine qui compte le plus de « passoires thermiques » (6,7%) alors que les logements classés en A et B représentent 10,6% contre 15% sur l’ensemble du territoire.

Un taux de vacance particulièrement élevé

La Bourgogne-Franche-Comté détient toujours la palme du taux de vacance le plus élevé (5,9 %) des régions métropolitaines. La Nièvre reste le département français ayant le taux de vacance le plus élevé (13,3 %). La Saône-et-Loire se place au quatrième rang national avec 9,3 %, à la suite d’une hausse de 2 points entre 2018 et 2021. Cette vacance est essentiellement structurelle (supérieure à 3 mois) et les besoins en financements dédiés à la recomposition du parc locatif social régional restent importants.

Des loyers moins élevés

Le loyer moyen s’élève à 5,4€/m² en 2021. La Bourgogne Franche-Comté est ainsi la région la moins chère de la métropole (à égalité avec le Centre Val de Loire). La faiblesse de la demande et la concurrence entre bailleurs publics et privés incitent certains bailleurs à proposer des logements à des prix inférieurs aux plafonds légaux. A cela s’ajoute le type de financement des logements sociaux. 50% du parc locatif est financé en PLUS (Prêt Locatif à Usage Social), tirant les loyers vers le bas.

30% des EPCI (Communautés de communes, agglomérations et métropoles), les loyers affichent un niveau supérieur à la moyenne. C’est particulièrement vrai autour des grandes agglomérations (Besançon et Dijon), dans les territoires proches de la frontière suisse où les revenus sont plus élevés et le long de la vallée de la Saône. En outre, la faiblesse des loyers est souvent compensée par des charges plus élevées (en particulièrement énergétiques).

Moins de mobilité des locataires dans le parc social

Un tiers des locataires sont dans leur logement depuis au moins 15 ans. Les baux de longue durée concernent plus souvent les grands logements et les zones tendues. Les locataires sont souvent des ménages âgés, personnes seules ou couples sans enfant.

10,3% des logements sociaux ont changé de locataire en 2020, contre 7,6% en France métropolitaine. On observe peu de variations au niveau départemental. En matière de mobilité, 10,3 % de logements ont changé de locataire en Bourgogne-Franche-Comté en 2020, contre 7,6 % en France métropolitaine. Sur la communauté urbaine de Grand Besançon, le taux de mobilité était de 10,1% alors qu’il était de 25% dans la communauté de communes de Montbenoît.

Selon l’analyse financière de la Banque des Territoires sur les perspectives d’évolution du logement sociale en France, « le secteur du logement social s’est montré solide pendant la crise sanitaire. Il est incité à fournir des efforts supplémentaires pour répondre aux enjeux environnementaux ». A court terme, souligne la Banque des Territoires, « la construction de logements sociaux n’atteindrait pas les volumes prévus par l’Etat et les acteurs du secteur (environ 250 000 logements sur deux ans) et resterait en-deçà du seuil des 100 000 logements annuels. A plus long terme, le secteur disposerait de la capacité financière suffisante pour accroître son effort de construction  et maintenir un niveau élevé de réhabilitation ». C’est l’objectif poursuivi à Besançon dans le NPRU (Nouveau Programme de Rénovation Urbaine) de Planoise.

« Ces investissements, financés en grande partie par emprunt, augmentent les annuités de la dette et mobilisent d’importants fonds propres, ce qui dégrade le potentiel financier. Ils ne peuvent être réalisés que grâce à la situation financière initiale saine des bailleurs et notamment grâce à leurs revenus issus des loyers peu affectés par la crise ».  

Le logement social est loin de ses objectifs initiaux

En 1894, la loi Siegfried instaure la notion d’habitation bon marché. Il s’agissait d’une initiative du patronat de l’époque soucieux des conditions de vie des employés. C’est en 1912 que la loi Bonnevay crée les offices publics dans les territoires pour développer une vraie politique de logement à l’égard de toutes les familles : fournir un toit aux personnes les moins fortunées, dessiner la ville de demain et créer de la mixité sociale. Pour ce faire, les bailleurs sociaux bénéficient de subventions et d’aides fiscales significatives (TVA à taux réduit, exonération de la taxe foncière, prêts à taux réduit…)

De leur côté, les locataires n’ont pas les mêmes obligations que dans le parc locatif privé. Les bailleurs sociaux ne sont pas libres de se séparer du locataire. Ce dernier dispose du droit au maintien dans les lieux sans limite dans le temps. C’est la raison pour laquelle on constate moins de mobilité dans les logements sociaux. Les conditions de « déchéance du droit au maintien dans les lieux » sont très difficiles à appliquer. Il faut par exemple que le locataire dépasse de 150% le plafond de ressources pendant deux années consécutives (arrêté du 3 octobre 2017) et ne réponde pas à l’enquête relative aux ressources. Le non-paiement des loyers et les troubles de voisinage sont également des conditions difficilement applicables dans la réalité, tant les recours sont multiples.

Fabien Roussel veut donner la priorité à « la France qui travaille » sur « la France des Allocs ». Augmenter le pouvoir d’achat des ménages grâce aux revenus du travail, c’est aussi diminuer le recours aux aides et allocations…un cercle vertueux de baisse des dépenses sociales au bénéfice des revenus du travail.

Yves Quemeneur