L’invité de la semaine. Cédric Logelin, nouveau procureur de la République du tribunal de Besançon

Cédric Logelin est devenu au mois d’août le nouveau procureur de la République du tribunal de Besançon. À 44 ans, l’ancien porte-parole du ministère de la Justice succède à Étienne Manteaux tout en maintenant les deux mêmes priorités : une lutte accrue contre les atteintes aux personnes et le narcotrafic.

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Cédric Logelin, nouveau procureur de la République du tribunal de Besançon
Cédric Logelin est arrivée en août à Besançon.

Lors de votre présentation officielle au cours de l’audience solennelle de rentrée, vous évoquez le fait qu’il existait au tribunal de Besançon une « proximité » que l’on ne retrouve pas forcément ailleurs. C’est-à-dire ?

En tant que procureur de la République, je mets en œuvre sur le ressort du tribunal la politique pénale décidée par le garde des Sceaux et adaptée par Madame la Procureure générale sur le ressort de la cour d’appel. Mon action s’inscrit dans un ensemble. Vous ne pouvez pas envisager votre travail sans tenir compte de ce qu’il se passe avant vous, après vous et autour de vous. Lorsque je suis devenu procureur à Saint-Quentin en 2020, nous étions trois au parquet. Si l’un de mes substituts est en difficulté, c’est 33% du service qui est affecté. La solidarité est donc fondamentale car lorsqu’un service est en difficulté, c’est l’ensemble de la chaîne qui est affecté. Aujourd’hui à Besançon, nous sommes huit. J’ai bon espoir qu’en 2026 nous soyons neuf car nous venons de bénéficier d’une création de poste. J’apprécie la qualité des conditions de travail et des échanges ici. Nous pouvons ne pas être d’accord, mais cette contradiction se fait dans le respect de chacun.

Une relation que vous souhaitez aussi développer avec les partenaires institutionnels…

On doit faire connaître notre travail au plus grand nombre car la Justice est rendue au nom du peuple français. Le code de l’organisation judiciaire veut que les tribunaux organisent chaque année une audience de rentrée solennelle afin de rendre compte de leur activité, mais nous ne devons pas nous limiter à ces moments-là. Nous ne pouvons pas non plus faire notre travail seuls, c’est pourquoi les partenaires tels que les maires ruraux par exemple sont essentiels car ils connaissent leurs territoires et leurs administrés.

Devez-vous encore plus communiquer aujourd’hui, alors que la Justice est vivement critiquée ?

C’est normal d’être critiqué, de se remettre en cause. Nos délais sont parfois trop longs, les décisions peuvent être incomprises ou insuffisamment expliquées alors que chaque décision rendue est motivée. Les acteurs de la justice doivent communiquer car les commentaires en lien avec notre travail ne sont pas toujours formulés par des personnes qui l’exercent.

Depuis vos débuts comme substitut du procureur en 2008 à Compiègne, avez-vous perçu une évolution de la criminalité, des faits ou des affaires traitées ?

Ce que je constate clairement, c’est la prise de conscience autour des violences intrafamiliales. Tous les étages de la chaîne pénale et judiciaire sont concernés par cette transformation dans la prise en charge des victimes, des moyens déployés pour lutter contre ce problème. Tout n’est pas parfait, nous pouvons encore faire mieux, mais il y a une très nette amélioration sur ce sujet.

Le trafic de stupéfiants est aussi généralisé au niveau national ?

Il y a des formes différentes. Lorsque j’étais à Saint-Quentin, nous devions gérer de très fortes addictions. Des toxicomanes pouvaient aussi être utilisés comme nourrices ou points de deal par de très gros trafiquants installés ailleurs. Ici à Besançon, en me basant notamment sur le travail de mon prédécesseur, on a des règlements de compte, des usages d’armes à feu en lien avec le narcotrafic. Ces narcotrafiquants n’ont aucune considération pour la vie humaine. Ce qu’ils peuvent être amenés à faire pour conserver un point de deal et leur profit, pour le coup, c’est une dangereuse évolution. C’est toute une équation à résoudre pour nous : il faut maintenir la sécurité des habitants, l’État de droit, tout en neutralisant les trafiquants.

Avant de rejoindre Besançon, vous étiez porte-parole du ministère de la Justice en février 2023. Un poste plus politique, pourquoi ?

Je n’ai pas candidaté et j’étais procureur à Saint-Quentin lorsque j’ai été contacté. À l’époque, Éric Dupond-Moretti était Garde des Sceaux et il y avait l’étude de la loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice (LOPMJ) pour la période 2023-2027. C’était un texte attendu depuis des années, le ministre confirmait que la Justice souffrait d’un abandon depuis trop longtemps. Ce volontarisme et le consensus politique autour de ce besoin m’ont motivé, il y avait des choses à valoriser.

Au cours de cette fonction trois ministres se sont succédé, Éric Dupond-Moretti, Didier Migaud et Gérald Darmanin, actuel Garde des Sceaux. Deux d’entre eux ont publiquement critiqué voire remis en cause des décisions de justice. N’est-ce pas une menace pour l’indépendance de la Justice, de votre travail de procureur aujourd’hui ?

 Je n’étais pas en contact avec le ministre qui a un cabinet spécial et des conseillers dédiés. Je pouvais être amené à échanger avec eux mais ma fonction était axée sur la communication institutionnelle. Je suis arrivé en tant que porte-parole au moment où des budgets étaient votés en faveur de la justice, comme elle n’en a jamais eu. Je ne vais pas commenter les communications politiques, je me base simplement sur les faits : les moyens alloués à la justice permettent de mieux travailler. Si vous voulez nuire à la justice, il suffit de les couper. Éric Dupond-Moretti, comme Didier Migaud et comme Gérald Darmanin les ont tous confirmés, c’est ce que je retiens.