L’invitée de la semaine. Manon Bohard, l’ultra-traileuse qui a changé de dimension

A 33 ans, la jeune femme originaire du Val de Morteau et aujourd’hui bisontine a mis sa carrière de diététicienne nutritionniste entre parenthèse pour vivre pleinement sa passion du trail et de l’ultra-trail. Un sport où elle excelle avec notamment une victoire sur la Diagonale des Fous en 2024 et qu’elle veut mieux faire connaitre au grand public.

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Manon Bohard, traileuse

Quelles autres disciplines avez-vous pratiquer avant le trail ?

J’ai commencé par le judo et le ski de fond dès l’enfance, à un bon niveau, avec déjà l’esprit compétitif. J’ai aussi toujours parcouru la nature en marchant ou en courant autour de l’auberge tenu par mes parents près de Morteau donc la moyenne montagne, la vie en extérieur, partir en vadrouille, ça a toujours fait partie de mon éducation et de ma vie. J’avais déjà un petit côté exploratrice que je retrouve aujourd’hui dans le trail. En plus, mon papa étant traileur, il m’a transmis cette passion et les notions d’effort et de dépassement de soi.


Le trail est donc venu naturellement malgré la difficulté de ce sport ?

J’ai commencé de façon récréative. En fait c’était au début un moyen de se retrouver entre copains et d’aller boire une bière ensemble après. Et petit à petit j’ai enfilé des dossards lors de courses, par plaisir, avec juste l’envie d’aller plus loin par défi personnel. J’ai alors mis en place des cycles d’entrainement, fixé des objectifs et gravi les échelons jusqu’à ma première victoire marquante en 2021 au Tour des Ducs de Savoie. C’est une course de 149 km en haute montagne et ça l’a valu reconnaissance et notoriété mais aussi d’être retenue en équipe de France avec qui je suis deux fois championne du monde par équipe et en individuel j’ai terminé troisième. Et il y a eu la Diagonale des Fous à la Réunion, 175 km en un peu moins de 32 heures, et dans quelques semaines je me lance sur la Hard Rock 100 dans le Colorado.

Diagonale des Fous… c’est donc un sport de fous ? Qui fait souffrir ?

Je n’aime pas utiliser des mots comme souffrance ou sacrifice. Je préfère parler de discipline, d’épanouissement, de liberté, de force mentale… je n’ai jamais appréhendé un entrainement, un trail ou un ultra-trail comme une contrainte mais au contraire comme un sas de décompression. Je mets mes baskets, je vais courir et me défouler.

On peut au moins parler de rigueur quand même ?

Évidemment il faut faire des concessions, avoir une bonne hygiène de vie mais encore une fois je ne le vis pas comme une contrainte ou un sacrifice. Il faut plutôt parler d’un mode de vie sain plutôt que rigide. C’est aussi le résultat d’une éducation de vie équilibrée. Il faut savoir prendre soin de son assiette et de son sommeil, apprendre à connaitre ses limites physiques et mentales. Bref avoir un esprit sain dans un corps sain, un corps que j’ai façonné pour endurer ces longues distances et pour être régulière dans la durée.

Une question que beaucoup se posent… à quoi pense-t-on en courant ainsi pendant des heures et des heures ?

D’abord j’écoute rarement de la musique pour plutôt me recentrer sur moi, être en introspection, quasiment en hypnose. Et je le répète encore une fois, le trail et l’ultra-trail c’est 90% de plaisir, je prends le temps de profiter des paysages et de l’environnement. C’est de l’évasion en faisant évidemment attention aux mouvements et aux efforts.