L’invité. Philippe Monnet, président de la Chambre d’agriculture du Doubs et du Territoire-de-Belfort

Alors que le Salon International de l’Agriculture bat son plein et que la profession reste ébranlée par une crise depuis de longs mois, Philippe Monnet fait le point sur les résultats des récentes élections qui lui permettent d’entamer un nouveau mandat et les dossiers qui le préoccupent.

321
Portrait de Philippe Monnet avec un chien et une vache
Portrait Philippe Monnet.

Comment analysez-vous les résultats de ces élections ?

Au niveau national d’abord, les listes FNSEA / JA restent majoritaires et gardent la tête de bon nombre de Chambres d’agriculture même si nous perdons quelques départements au profit de la Coordination Rurale et de la Confédération Paysanne. C’est surtout le cas dans le Sud-Ouest où l’agriculture est très diversifiée et les filières peu organisées alors qu’elles le sont parfaitement chez nous. Dans le Gers par exemple, il y a moins d’élevage qu’auparavant mais plus de culture de céréales. Leur faible potentiel est mis à mal par le réchauffement climatique, c’est dur d’y gagner sa vie pour un exploitant. On note aussi une montée de l’individualisme dans notre profession comme dans l’ensemble de la société avec une tendance au dégagisme envers les personnes en place comme cela est souvent le cas en politique. Sans oublier l’importance croissante des réseaux sociaux, réceptacle de toutes les colères et amplificateurs de celles-ci.

Un constat que vous retrouvez au niveau local dans le Doubs et le Territoire de Belfort ?

De façon bien moindre car nous avons, avec la FNSEA et les JA, une très bonne implantation. Il y a beaucoup d’adhérents et une présence forte sur le terrain. Nous sommes mobilisés sur tous les sujets, présents aux côtés des agriculteurs, y compris pour les aider à gérer leurs problèmes. Cet engagement et cette disponibilité se sont traduits dans les urnes. J’ajoute à cela que nous avons ici des exploitations qui fonctionnent bien, se modernisent et peuvent investir. Nous avons aussi des filières fortes mais nous devons veiller à ce que les agriculteurs gardent un poids important dans celle-ci.

Le projet de loi agricole a été adopté ces derniers jours. La porte ouverte au productivisme ?

Elle reconnaît d’abord l’agriculture comme intérêt général majeur et souhaite que la production en France soit suffisante pour nourrir la population. Ça s’appelle la souveraineté alimentaire tout simplement. Il faut savoir ce qu’on veut, importer massivement ou produire chez nous des produits de qualité en respectant certaines règles.

Justement, c’est un problème soulevé par les écologistes : l’environnement est-il le grand perdant avec cette loi ?

Ne pas interdire les phytosanitaires quand il n’existe vraiment pas d’autre solution n’est pas une aberration, c’est juste de la logique. Il faut bien comprendre que l’Union Européenne a instauré des règles environnementales mais que ces dernières années, la France a voulu aller plus loin et les durcir. Aujourd’hui, on revient à égalité avec nos voisins, avec les mêmes règles du jeu. Et nous savons très bien qu’il y a un équilibre à trouver, à savoir produire sans détruire la nature. Il faut donc redynamiser certaines filières en ne les concentrant pas sur des territoires à risques mais mieux les répartir sur le territoire.

D’autres dossiers brûlants agitent la profession comme le Mercosur ou la loi Egalim…

Avec le Mercosur, c’est encore une fois notre souveraineté alimentaire qui est en péril si l’Union Européenne n’arrive pas à s’entendre face aux pays d’Amérique Latine. La profession se bat depuis des mois pour que le Président de la République et le gouvernement se mobilisent et réussissent à convaincre nos voisins pour limiter des importations de produits qui en plus ne respectent pas les mêmes règles qu’ici. On ne peut que continuer à mettre la pression. C’est pareil pour la Loi Egalim qui est une loi mal aboutie. Les élus doivent revoir leur copie car ça ne marche pas. Les coûts de production ne sont pas suffisamment pris en compte entre les deux bouts de la chaîne et nous ne sommes donc pas rémunérés au juste prix.

Mais finalement, c’est le consommateur qui paiera ?

C’est un vrai choix de société. Si on veut une agriculture souveraine, capable de nourrir sa population sans dépendre d’autres pays qui auraient avec ce système d’importation un vrai levier de pression sur nous, une agriculture avec des produits de qualité et des agriculteurs rémunérés à hauteur de leur travail, alors oui, les consommateurs doivent comprendre que ça a un prix.