Rénovation énergétique, les gros chantiers sont privilégiés

A compter du 1er janvier 2024, la loi de finances 2024 prévoit un coup d’accélérateur pour améliorer et simplifier le dispositif d’accompagnement financier de "MaPrimeRenov’". En privilégiant les travaux de grande ampleur, le gouvernement exclut de fait tous les petits chantiers de rénovation. Colère du monde artisanal !

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200 000 rénovations prévues en 2024

« MaPrimeRenov » a bénéficié à plus de 2 millions de foyers depuis sa mise en place en 2020. Christophe Béchu, le Ministre de la transition écologique, considère que le dispositif n’est pas suffisant dans sa forme actuelle. Seulement 10% des dossiers financés concernent les travaux de rénovation et d’isolation de grande ampleur.

« Rénover une fenêtre ou isoler ses combles » ne suffira plus pour bénéficier des aides de l’Etat.

Les ménages souhaitant s’engager dans la rénovation thermique de leur logement, devront démontrer un gain de 2 classes sur leur DPE (Diagnostic de Performance Energétique). Et les passoires thermiques (classées F ou G) bénéficieront d’une prime revalorisée.

Un budget de 5 milliards d’euros

En augmentation de 1,6 milliards par rapport à 2023, les aides devraient permettre aux foyers concernés d’améliorer « la performance énergétique » pour les travaux importants et « une meilleure efficacité » pour les petits bouquets de travaux.

Les professionnels du bâtiment vent debout contre la réforme

Dans un communiqué du 13 novembre, la Fédération Française du Bâtiment (FFB) s’interroge sur son intérêt. « Fallait-il vraiment tout bouleverser le 1er janvier ?…Les fausses bonnes idées, ça suffit…Après la construction neuve, est-il nécessaire de faire peser un risque sur le marché de la rénovation » s’insurge l’organisation professionnelle qui compte 50 000 entreprises en France dont plus de 8 000 en Bourgogne Franche-Comté employant 51 000 salariés.

Pour la Fédération du Bâtiment, « la réforme aura des effets négatifs pour une filière pourtant performante, que l’Etat a encouragé à se développer ». L’obligation pour les ménages concernés d’effectuer un DPE avant la demande d’aides pour attester que le logement n’est pas une passoire thermique, l’obligation d’installer un équipement de chauffage à énergie renouvelable (solaire, pompe à chaleur, biomasse…) pour bénéficier des aides et le recours obligatoire à un accompagnateur agréé, risquent fort de freiner le marché dès le 1er janvier.

La CAPEB lance « l’appel de la dernière chance »
Manuella Morgadinho présidente (délégation du Doubs) de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat de Bourgogne Franche-Comté et présidente de la CAPEB du Doubs

La Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (CAPEB) est représentative des professionnels du bâtiment (inscrits au répertoire des métiers). Elle regroupe 61 000 entreprises dont près de 600 dans le département du Doubs. 97% des entreprises du bâtiment emploient moins de 10 salariés. Pour Manuella Morgadinho, Présidente de la CAPEB du Doubs, ces entreprises contribuent au maillage territorial, apportent un service de proximité et maintiennent les activités économiques dans les zones rurales. « Mettre en péril leur modèle économique, c’est fragiliser tout le territoire ».

Manuella Morgadinho soutient activement l’appel national de la CAPEB en direction de la Première Ministre pour une révision immédiate de cette réforme.

Pour les entreprises artisanales du bâtiment, « la réforme portera un coup très préjudiciable à l’accélération nécessaire des travaux de rénovation énergétique, aux particuliers et à l’activité des entreprises qui les réalisent ».

La CAPEB interpelle le gouvernement sur les effets d’une catastrophe annoncée. C’est toute la filière qui subira les conséquences d’une réforme qui exclut de fait « trop de ménages susceptibles d’engager des travaux, à défaut d’aides ou par manque de financement d’un reste à charge trop lourd ».

Les artisans du bâtiment s’inquiètent des conditions à remplir par les ménages. « Les ménages occupant une passoire thermique n’auront pas d’autre choix que de s’engager dans un parcours accompagné de rénovation d’ampleur. Le coût du reste à charge et la très grande difficulté à intervenir dans un site occupé vont de fait, réduire le nombre de ménages pouvant bénéficier des aides, laissant les autres dans une situation de précarité énergétique ».

Côté chauffage, la sortie des énergies fossiles va pénaliser de nombreux ménages ayant récemment installé une chaudière à très haute performance pour laquelle ils ont bénéficié d’aides du gouvernement (ancien dispositif « maprimerenov »).

Trop de TPE exclues de la réalisation des travaux

Selon la CAPEB, « MaPrimeRenov’ » est massivement orientée vers les rénovations d’ampleur, qui supposent l’intervention de plusieurs corps d’état. Elle privilégie de fait les entreprises générales au détriment des milliers de petites entreprises. La réforme ne prévoit pas, souligne la CAPEB, de faciliter la création de groupements momentanés pour permettre à des TPE de proposer des rénovations d’ampleur.

Pour les artisans du bâtiment, les solutions techniques pertinentes sont écartées du nouveau dispositif en privilégiant l’électricité et les pompes à chaleur à la place de l’isolation qui a démontré toute sa pertinence. Beaucoup de ménages, au regard de leur localisation géographique, seront pénalisés, souligne la CAPEB.

Enfin, conclut la CAPEB, les rénovations globales excluent de fait les petits chantiers qui permettent la massification des travaux de rénovation.

C’est au final, un mauvais coup porté à la rénovation thermique des logements, élément pourtant essentiel de la transition énergétique et écologique. L’excès des contraintes et des réglementations pénalisera à la fois les ménages et les entreprises du bâtiment, allant à l’encontre du but recherché.

Yves Quemeneur