Romaric Daval, un dentiste pas comme les autres

Après avoir exercé de longues années de façon traditionnelle, c’est-à-dire debout, il doit aujourd’hui s’adapter, victime d’un accident de la route. En fauteuil, il a décidé de poursuivre sa carrière, une situation inédite qu’il nous explique.

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Parlez-nous de votre parcours ?

Je suis originaire de Luxeuil-les-Bains et j’ai fait mes études dentaires à Nancy. Après l’obtention de ma thèse, j’ai exercé à La Réunion puis en Haute-Savoie avant de revenir dans la Région en 2003, année où je me suis installé dans un cabinet à Ecole-Valentin en tant que collaborateur. J’en suis devenu associé en 207 et c’est en 2019 que j’ai eu envie d’un nouveau projet professionnel.

Pourquoi cette envie de rejoindre le Haut-Doubs ?

C’est une envie personnelle mais aussi familiale car nous connaissions le Haut-Doubs, en particulier Charquemont et ses alentours où nous nous rendions régulièrement. Cette commune n’ayant pas de dentiste, j’ai rapidement pris contact avec le maire pour évoquer les différentes possibilités d’installation. La rénovation de l’ancien cabinet médical était une option, l’achat d’un bâtiment ancien pour l’aménager en était une autre mais pour diverses raisons, aucune des deux solutions ne m’apparaissait satisfaisante.

Comment la commune est intervenue dans cette phase de recherche ?

C’est avant tout une rencontre humaine avec monsieur Martin le maire de la commune avec qui le courant est tout de suite passé et le dialogue a toujours été de qualité. Cette confiance réciproque et la bienveillance du maire à mon égard et la confirmation d’une attente d’un professionnel sur le secteur par le conseil municipal ont fini de me convaincre à lancer mon projet ici. Nous sommes alors en août 2019, c’est le point de départ. Le chantier a finalement débuté en mars 2020.

Le 5 mai 2020, alors que je rentrais à la maison en direction de Besançon, j’ai eu un accident à Epenoy près de Valdahon. Percuté par l’arrière par un poids lourd dont le chauffeur roumain était alcoolisé et sans assurance, j’ai fait des tonneaux.

Un nouveau départ qui va brutalement s’arrêter…

En effet, en revenant d’une réunion de chantier, le 5 mai 2020, alors que je rentrais à la maison en direction de Besançon, j’ai eu un accident à Epenoy près de Valdahon. Percuté par l’arrière par un poids lourd dont le chauffeur roumain était alcoolisé et sans assurance, j’ai fait des tonneaux, on a dû me désincarcérer pour m’extraire du véhicule… s’en suivent 6 semaines de coma. J’ai rejoint un centre de rééducation en France de juin 2020 à janvier 2021 puis à Bâle en Suisse jusqu’en juin 2021. Une longue période avant de pouvoir revenir à la maison auprès de mes jumeaux de 9 ans au moment de l’accident et de mon épouse, où il a fallu réaliser des aménagements intérieurs et extérieurs pour s’adapter à ma paraplégie.

Si j’ai perdu l’usage de mes jambes, j’ai toujours mes mains, donc en s’adaptant je savais que je pouvais continuer à exercer mon métier et c’est ce que j’ai décidé de faire.

Votre projet de cabinet dentaire aurait pu s’arrêter là ?

C’était une possibilité… mais, si j’ai perdu l’usage de mes jambes, j’ai toujours mes mains, donc en s’adaptant je savais que je pouvais continuer à exercer mon métier et c’est ce que j’ai décidé de faire. Bien entendu, plus question d’utiliser une commande au pied comme un dentiste valide. Pour plus de confort et moins de fatigabilité dans la pratique, je dispose d’un microscope. des aménagements  qui sont une aide technique précieuse pour continuer à travailler efficacement. L’installation est validée par le conseil de l’ordre et un entrainement de plusieurs mois à la maison avec ce matériel me permet aujourd’hui d’être parfaitement opérationnel. Il est important de noter ici que j’ai pu m’appuyer sur l’expérience et le vécu de Charles-Adrien Godet, confrère toulousain qui a fait tout son cursus universitaire en étant paraplégique. La présence d’Angélique Corato, mon assistante dentaire, qui malgré la coupure et les incertitudes dues à l’accident, a choisi et décidé de poursuivre notre aventure professionnelle commune. Elle est et a été un élément primordial dans la tenue et le maintien du projet initial. Claudine Renaud de Charquemont nous fait le plaisir de venir compléter notre équipe de soins, en tant qu’assistante dentaire qualifiée. Nous nous préparons intensément depuis quelques semaines pour être prêts à recevoir de nouveau les patients courant avril.

Les conséquences de votre accident sont forcément aussi financières ?

Cette adaptation du matériel est indispensable, tout comme des travaux d’accessibilité du cabinet qu’il a fallu repenser en fonction de mon handicap. Mon architecte Monsieur Vermot du Russey les entreprises locales qui ont fait du super boulot. Le surcoût par rapport au projet initial est de 240 000 €. Concrètement, avant que le procès ait lieu, l’assurance me verse des provisions liées au préjudice corporel dans le cadre de ma vie privée mais ne prend pas en compte la partie professionnelle. L’investissement est donc pour l’instant de ma poche. Du côté de l’administration et des collectivités, difficile de mobiliser des aides sachant que mon cas est rare, peut-être même unique, à savoir un dentiste qui a exercé debout et qui suite à un accident reprend son activité en fauteuil, mais la demande est en cours.

Craignez-vous que votre situation soit un obstacle pour la patientèle ?

Quelqu’un en fauteuil est tout aussi apte à prendre en charge un patient que s’il était valide. C’est d’ailleurs le but de ce matériel adapté. Et l’accident n’a rien changé à mes connaissances et à mon expérience de chirurgien-dentiste. Je vais continuer à travailler, avec mes mains et avec ma tête. Les patients peuvent avoir confiance. Cet épisode violent et inattendu n’a fait que renforcer mon envie, ma détermination et mon énergie pour reprendre mon activité professionnelle. Avant même l’ouverture du cabinet, je sens d’ailleurs beaucoup de bienveillance et d’impatience envers un nouveau professionnel dans un secteur où il est parfois difficile et long pour pouvoir se faire soigner les dents.