Région. 10 000 milliards d’euros, le vrai montant de la dette souveraine de l’État français ?

Un excellent papier paru dans La Tribune le 4 novembre dernier sous la plume de Gabriel Gaspard établit le montant de la dette souveraine de la France à la moitié du patrimoine économique national, soit 3 fois plus que le montant déjà astronomique de la dette publique.

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10 000 milliards d’euros, le vrai montant de la dette souveraine de l’État français ?
la dette de la France est-elle devenue insoutenable ? ©DR

La dette, c’est aussi tous les engagements de l’État vis-à-vis de ses créanciers. Pour l’ancien chef d’entreprise et spécialiste des questions financières, « le montant pharaonique de 10 000 milliards d’euros inclut, outre la dette publique, les dettes hors bilan, les dettes isolées, la dette des entreprises des entreprises du secteur public, la dette du déficit commercial, les dettes cachées et invisibles… »

Pour Gabriel Gaspard, cela représente environ « la moitié du patrimoine économique national de 2023, soit 19 084,3 milliards d’euros ». L’intégralité de la dette est garantie par ce patrimoine, comme dans une entreprise où la dette à long terme ne doit pas dépasser 50% des fonds propres. Sauf que dans la sphère privée, la dette sert à investir pour créer de la richesse et non pour les dépenses courantes !

51 ans de déficits cumulés

Le dernier budget excédentaire date de 1974. On se rappelle de la sortie de François Fillon, Premier ministre de Nicolas Sarkozy en 2011 : « Je suis à la tête d’un Etat qui est en situation de faillite ». Sans remonter aussi loin, le déficit de 2023 s’élevait à 155 milliards d’euros, 175 milliards d’euros en 2024 et à minima plus de 139 milliards d’euros en 2025, soit 469 milliards de déficit en 3 ans.

La dette publique

C’est l’ensemble des emprunts contractés par l’État, la Sécurité sociale, les organismes divers et variés d’administration centrale et les collectivités locales. Cette dette d’environ 3 300 milliards est détenue à 52% par des investisseurs étrangers selon la Banque de France. Sur les 50,1 Md€ d’intérêts payés en 2023, plus de 26 Md€ ont été distribués à des non-résidents alors que l’épargne des français avoisine 6 000 Md€, une somme qui a de quoi faire rêver, si les français investissaient leur épargne dans l’outil productif.

La dette hors bilan

Selon Gabriel Gaspard, « la valeur des engagements hors bilan donnés par l’État a atteint 4 188  Md€ fin 2023, en hausse de 266 Md€ par rapport à 2022 ». Moins commentée que la dette publique, elle a bien entendu des conséquences sur le déficit en matière de charges financières. On y trouve les engagements de retraite des fonctionnaires (1 841 Md€), la mission de régulateur économique et social de l’État de 680 Md€ (incluant les régimes spéciaux de retraite de la SNCF et de la RATP pour 262 Md€). Enfin les engagements financiers (1 591 Md€) qui comprennent la protection de l’épargne réglementée, les PGE et les garanties offertes à l’Union Européenne.

La dette isolée de la Sécurité sociale

Logiquement, cette dette devrait être incorporée à la dette publique. Ce n’est pourtant pas le cas. 145,1 Md€ sont retirés de la dette publique et gérés par la Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale (CADES). Dettes des entreprises publiques, dettes liées au déficit commercial, dettes cachées ou invisibles, autant d’engagements de l’État qui doivent être pris en compte et qui portent le total de l’endettement français à 10 000 milliards d’euros.

Vers un endettement productif ?

« La France ne devrait pas opérer de dépenses publiques de fonctionnement pour des raisons électorales, ni pratiquer une politique économique de l’offre » argumente Gabriel Gaspard. Il s’agit d’orienter la dette vers des investissements productifs créateurs de richesse, nécessaires et utiles : « transition écologique, infrastructures, santé, dépendance et dynamisation de la ruralité ».

L’Europe de la défense serait devenue une réalité ?

Les Vingt-sept se sont donc entendus sur une enveloppe globale de 800 milliards d’euros dans le programme « ReArm Europe ». Selon l’IFRAP, il faudrait investir 100 Md€ dans la défense française pour atteindre 3% du PIB et 122 Md€ pour être à 3,5%. 8 ans après avoir poussé le Général Pierre de Villiers à la démission alors que le chef d’Etat-major des armées s’insurgeait contre 850 millions d’euros d’économies dans le budget 2018 des armées, Emmanuel Macron entend investir massivement pour « de nouveaux investissements qui exigent de mobiliser des financements privés, mais aussi des financements publics, sans que les impôts ne  soient augmentés. Pour cela, il faudra des réformes, des choix, du courage ».

Un atout pour la Franche-Comté

Dans la sécurité et la défense, la région a des munitions. Plusieurs centaines de PME opèrent principalement comme sous-traitants dans des domaines très variés. Les annonces faites à Bruxelles et à Paris sont de nature à donner un peu d’optimisme à la filière de l’industrie mécanique franc-comtoise malmenée par la baisse de l’activité automobile. En conclusion de son article sur la dette souveraine de la France, Gabriel Gaspard citait à bon escient une phrase de l’économiste américain Milton Friedman : « la solution gouvernementale à un problème est généralement aussi grave que le problème » !

Yves Quemeneur