La vie d’Éric Delabrousse est rythmée par « un challenge tous les dix ans ». Celui-ci est de taille : conquérir la mairie bisontine. Loin des couloirs du CHRU de Besançon où il officie depuis près de 25 ans, le médecin porte cette ambition depuis 2022. Il effleure même l’idée d’être aussitôt candidat pour les législatives. Trop tôt, un peu présomptueux aussi. Espérer d’emblée une place au milieu des figures locales bien implantées n’est pas mince affaire. L’intéressé, encarté politiquement pour la première fois de sa vie à 56 ans, se range derrière Laurent Croizier (Modem) comme le veut la coalition présidentielle où l’on retrouve son parti, Horizons. « Je me suis toujours senti de centre droit », glisse le délégué départemental du parti créé par Édouard Philippe.
Les réseaux sociaux comme journal de bord
Pour parvenir à son « projet municipal », depuis deux ans et demi, le médecin mise sur une ultracommunication à l’aide de ses réseaux sociaux. « Reprenez mes posts et vous comprendrez beaucoup mieux ma vision », assure Éric Delabrousse. Un blog pour construire un programme, la définition pique légèrement l’intéressé. La formule déstabilise toutefois bon nombre d’adversaires. Des dizaines de réactions, parfois agressives et déconcertantes de la part d’adjoints, conseillers municipaux actuels ou passés, maires de communes voisines, sont lisibles sous ses publications, à la vue de tous. Voilà le début d’une légitimité politique tant recherchée par le candidat encore novice, qui s’en réjouit.
Novice en politique mais déjà délégué départemental Horizons
Il en faut plus pour fédérer un grand nombre d’électeurs bisontins. « Je connais parfaitement l’histoire politique de la Ville. Comme Jean Minjoz, être maire et médecin, c’est possible ! », glisse le candidat, soucieux d’exposer sa culture politique locale. Sur le terrain, son statut au sein d’Horizons lui ouvre des portes politiques inenvisageables sans étiquette. Un jeune parti politique piloté localement par un Chevalier de la Légion d’honneur (en 2021, pour les travaux de son équipe dans la lutte contre le Covid-19, NDLR) détonne : « j’ai hésité… Mais depuis 2020, la mairie bisontine porte une politique que je ne partage pas du tout. » Depuis, quelques coups politiques notoires signés Horizons ont retenti à Besançon : la réunion des cadres du parti en avril 2024 après l’adhésion du sénateur Jean-François Longeot.
Sur la forme, Éric Delabrousse se présente comme un candidat bien implanté. Un logement proche du secteur Battant, une montre Humbert-Droz, une lecture attentive des journaux locaux… Reste le fond, les idées, le programme. Pour pallier ces trois manques, le candidat organise des « Conversations Bisontines » depuis près d’un an. Avec des invités triés sur le volet, entre adhérents, sympathisants ou experts d’une thématique, le groupe esquisse peu à peu un plan de bataille. Sorte de scanner municipal, pour mieux opérer ensuite. L’inexpérience politique serait même un rafraîchissement plutôt qu’un frein. « Le maire de Limoges était psychiatre, les LR n’avaient pas de candidat et le voilà élu depuis deux mandats ! », se rassure Éric Delabrousse, persuadé de partager un sentiment commun avec une majorité de Bisontins.
« L’opposition irréconciliable, les gens n’en peuvent plus »
« Je vois comme tout le monde les conseils municipaux et communautaires. C’est un théâtre dont ne veulent plus les gens. », lâche le candidat. Plutôt musclé pour un homme souhaitant « incarner une alternative apaisée et fédératrice. » En 2020, le radiologue penchait pour Ludovic Fagaut. « Ce qui se passe aujourd’hui ne correspond pas aux attentes des Bisontins dans les valeurs et les faits. L’orientation écologique, tout le monde en a conscience mais le faire en excluant tous les autres thèmes n’est pas acceptable. Il y a des dissensions au sein même du camp d’Anne Vignot », analyse Éric Delabrousse. Lui voudrait « redorer Besançon » en lui « redonnant une attractivité touristique et économique ». Faire rayonner la ville par le sport en « arrêtant de saupoudrer plusieurs clubs du sport élite alors qu’il faut les fusionner pour plus de performances et jouer le rôle de coordinateur pour attirer les sponsors. » Une utilisation « différente » de l’argent public pour plus d’ambition et une meilleure réponse aux besoins de la population.
Quand on lui rappelle que les restrictions budgétaires actuelles émanent de réformes et modifications des gouvernements successifs d’Emmanuel Macron, dont Edouard Philippe est l’un des hommes clés du premier mandat, Éric Delabrousse tente de maintenir le cap, non sans mal. « Le quoi qu’il en coûte fût une bonne chose, trop long sans doute car les Français une fois qu’on leur donne quelque chose, ils le tiennent comme fait acquis. Les acquis sociaux, économiques… En France, revenir en arrière met tout le monde dans la rue. J’en ai conscience et le but n’est pas d’envoyer les forces de l’ordre dans la rue mater tout le monde […] », tente l’intéressé avant de botter en touche tardivement. « Je ne vais pas parler de Macronie, je ne suis pas chez eux. Il n’y a aucun ancrage local de leur part » et de revenir sur la politique locale. « Je ne combats pas les valeurs, mais l’exclusivité et la manière de les appliquer. Ce n’est pas du Vignot bashing, mais de l’écolo-dogmatique bashing, sans doute. »
Si proche et si loin de Ludovic Fagaut
On croirait entendre le chef de file de Besançon Maintenant. « Ludovic Fagaut n’est plus le candidat de 2020. J’avais tenté à l’époque de lui expliquer pourquoi, selon moi, il avait perdu. Il m’a envoyé promener et depuis, il fait preuve d’une agressivité déconcertante pour beaucoup de ses soutiens. Je le sais car ils me contactent. » Éric Delabrousse n’est pas tendre avec le candidat LR, mais ne dit pas non. « Si en 2026, j’arrive 3e derrière lui pour une triangulaire au second tour, je le soutiendrai. C’est un concurrent alors qu’Anne Vignot est une adversaire. Est-ce que lui a déjà annoncé la même chose ? Je ne crois pas. » Le médecin va encore plus loin, évoquant même les négociations nationales pour une investiture dans une ville de plus de 100 000 habitants. « Il y aura des négociations entre les différents partis de l’ex-majorité présidentielle et peut-être avec LR, qui sait ? Si l’on regarde le gouvernement actuel, ce n’est pas impossible, des rapprochements de ce type ont déjà eu lieu lors de précédentes élections. Si les partis s’entendent pour me choisir comme candidat d’une liste commune, serais-je alors plus qu’un homme qui écrit sur son blog ? » Le médecin ne manque pas d’envie, mais cela suffira-t-il ?
M.S