Invité de la rédaction. Pierre-Louis Hélias, représentant de l’association Médecins pour Demain

La proposition de Loi Garot, qui prévoit notamment une autorisation d'installation d'un médecin soumis à l'accord du directeur de l'ARS, fait réagir l’association Médecins de Demain. Elle considère qu’avec de telles mesures, on cherche purement et simplement à fracasser le système de santé français.

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Pierre-Louis Hélias, représentant de l’association Médecins pour Demain

Que prévoit ce texte qui déclenche pour votre association une telle réaction ?

Dès son article 1, la proposition de loi instaure une autorisation d’installation d’un médecin en ville (généraliste ou spécialiste) soumis à l’accord du directeur de l’ARS, après avis du conseil départemental de l’Ordre des Médecins. L’autorisation est délivrée de droit dans les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante. Il ne s’agit rien de moins que d’une autorisation administrative à l’installation, sur la base d’une cartographie aux contours très flous, alors même qu’il n’y a aucun territoire « surdoté ». La majorité des territoires est en effet soit en sous-effectif, soit en effectif proche de la normale. Ce serait serait donc, de fait, une mise sous la tutelle des ARS, premier pas vers une médecine administrée.

Pouvez-vous nous parler de l’évolution de la formation qui est envisagée ?

Il est proposé des unités de formation et de recherche dans chaque département français correspondant au minimum à la première année du premier cycle de formation de médecine, de pharmacie, d’odontologie, de maïeutique, en particulier dans les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante. Création d’un CHU en Corse. Le but est d’assurer une formation a minima de première année d’études en médecine dans chaque département, dispensée en partie en distanciel…

C’est l’expression « formation a minima » qui vous inquiète ?

Le député Guillaume Garot semble regretter que certains ayant la vocation à faire médecine ne passent pas le barrage de la première année. Derrière ce terme de « à minima » se cache la volonté implicite de baisser le niveau général, et d’autre part, contient en soi cette pensée que les médecins sont formés pour faire au quotidien de la bobologie… alors à quoi bon une sélection ?

Qu’en est-il du rétablissement de l’obligation de garde pour l’ensemble des médecins installés ?

Alors que la quasi-totalité du territoire est pourvu en termes de permanence des soins ambulatoires, on voudrait obliger tous les médecins à participer aux tours de garde. Alors mêmes que 33% des médecins ont plus de 60 ans, et qu’ils ne pourront enchaîner nuit de garde et journée normale de consultation… sans se mettre en danger et mettre en danger leur patientèle ! Il en est de même, d’une manière générale, pour les médecins libéraux, quel que soit leur âge. Or, une directive européenne impose un repos obligatoire de 11h après une nuit de garde par exemple suivant une journée de travail.

Craignez-vous une fuite des médecins ?

Cela risque en effet de pousser les étudiants à s’installer en Suisse voisine où on est passé de 279 à 817 médecins français en 10 ans. Cette conséquence, c’est ce que subit l’Allemagne depuis des années, depuis que la coercition à l’installation existe là-bas.

Quelles sont vos propositions pour lutter contre les déserts médicaux ?

L’association Médecins Pour Demain milite pour la création de centres de consultations avancés (solution que propose également l’Académie de Médecine). Parce que le tiers des médecins installés a plus de 60 ans, et qu’ils vont partir en retraite bientôt ! Favoriser le cumul emploi-retraite, inciter plutôt que de contraindre, cette solution peut être un atout pour le pays ! Il est aussi possible de faciliter l’installation d’un médecin dans deux cabinets distincts donc favoriser ce que l’on appelle les cabinets secondaires. C’est une très bonne solution, car les jeunes seraient prêts à venir à temps partiel dans un désert médical, à la condition de pouvoir, le reste du temps, exercer à proximité d’une agglomération, c’est à dire à proximité des bassins d’emplois. La majorité des conjoint(e)s de médecins exercent une profession qui n’a rien à voir avec le soin. Ils ne vont pas quitter leur emploi pour suivre leur femme dans un territoire où il n’y a plus rien, l’aménagement du territoire ayant été totalement délaissé depuis de nombreuses années.