La 78ème édition du Festival international de musique de Besançon Franche-Comté se tiendra du 12 au 27 septembre 2025. Peut-on aujourd’hui dire qu’il est une institution franc-comtoise ?

« Cela l’a été très rapidement, dès la création du Festival en 1948, même s’il a changé au fur et à mesure des années. Dans les années 1950-1960, il était peut-être un peu plus mondain. [Malgré tout], il a gardé quand même son âme d’origine, avec son lien très fort avec la musique symphonique, qui est vraiment dans l’axe principal du Festival, avec beaucoup d’orchestres invités. L’esprit est le même : défendre le grand répertoire de la musique dite classique. Il y a aussi le côté international, avec le Concours dès 1951 pour découvrir de jeunes chefs d’orchestre. Ce qui a beaucoup changé, c’est peut-être le lien avec le territoire et les répertoires. On s’est ouvert, évidemment, à la musique contemporaine depuis très longtemps, mais aussi, beaucoup plus récemment, aux musiques du monde et au jazz. […] Des concerts sont plus accessibles. Les concerts gratuits, cela n’existait pas du tout ! »

 

Depuis quelques décennies, il existe une dynamique pour que le Festival se démocratise, qu’il soit moins élitiste qu’à ses premières heures. Considérez-vous que les objectifs sont atteints ?

« Ils ne sont jamais atteints. C’est un éternel recommencement parce qu’il faut sans cesse toucher les jeunes générations. Ce qui est plus difficile qu’il y a vingt ou trente ans, c’est qu’on sent bien qu’elles ont un peu plus de mal à rester concentrées sur un concert pendant une heure et demie ou à aller naturellement vers la musique classique. Il y a quelques décennies, je pense que l’ensemble de la population avait quand même, à un moment ou à un autre, un lien avec la musique classique. Sa place était peut-être plus importante dans la société. Elle est maintenant plus marginale. Donc il faut sans cesse essayer d’innover, de toucher les jeunes publics. Parce que c’est vrai que le cœur du public de la musique classique a toujours été un public plutôt mûr et plutôt dans la cinquantaine en moyenne. »

 

Pourriez-vous nous en dire davantage sur le programme de cette année ?

« Cette année est une année avec Concours, donc c’est une édition beaucoup plus longue, beaucoup plus intense. On a dix-sept jours de concert, dont une semaine de Concours du 22 au 27 septembre. Ce qui est nouveau cette année, c’est la formule du concert d’ouverture. Ce n’est plus un concert d’ouverture, mais un week-end d’ouverture. Pendant une quinzaine d’années, il y avait un grand concert gratuit, en plein air, qui était d’abord place de la Révolution, puis aux Prés-de-Vaux. L’année dernière, on a tenté une nouvelle formule à la Gare d’Eau, qui n’a pas pu se faire pour des questions de météo. On va garder le concert symphonique d’ouverture, qui est maintenant en salle, ce qui résout le problème de risque climatique. Il est payant, mais très accessible, retransmis sur écran géant et sur internet gratuitement. On a neuf concerts gratuits dans le centre-ville de Besançon, dans des styles de musique assez variés. Cette année, il y a quelques anniversaires : Maurice Ravel (1875-1937) avec notamment « Le Boléro » qui est le tube absolu, Georges Bizet (1838-1875)… On a aussi des noms connus dans la musique avec des orchestres qui viennent d’Europe essentiellement, et avec des gens comme Renaud Capuçon. »

 

Une partie de la renommée du Festival est due au Concours international de jeunes chefs d’orchestre, dont s’ouvrira bientôt la 59ème édition (22-27 septembre). La Franche-Comté est-elle vraiment devenue un passage obligé pour les jeunes chefs d’orchestre ?

« La réponse est non. Il y a de très grands chefs d’orchestre qui font de magnifiques carrières sans avoir réussi le Concours. Il y a d’autres moyens. Ça reste une voie royale qui est un accélérateur incroyable de carrière.

On reste quand même dans le « top 3 » des Concours [de jeunes chefs d’orchestre] au monde, avec quand même une spécificité que l’on conserve, qui est celle d’être ouvert sans sélection sur vidéo. On a des sélections ouvertes à trois cents candidats.

On a eu le cas, dans certaines années, de gens qui avaient réussi le Concours et qui n’ont pas réussi. Mais ça, on l’a vraiment corrigé, puisque le gagnant ou la gagnante est accompagné pour faire les bons choix. »

 

Après des sélections en France et à l’étranger, vingt candidats ont été sélectionnés pour le Concours. Sur quels critères se basent ces sélections ? 

« Il y a trois critères de sélection des candidats. Il y a deux morceaux à diriger, dont un qui est extrêmement technique dans le sens qu’il y a beaucoup de changements de mesure : un extrait du « Sacre du printemps » de Stravinsky. Et là, un chef d’orchestre, même jeune, il a une technique qui marche ou pas. Il y a un minimum technique, ce qui fait que sur les trois cents candidats, il y en a à peu près deux cents qui n’ont pas été impeccables et notamment des Français, je dois le dire. C’est pour cela qu’il y en a qu’un. Parce que « Le Sacre du printemps » en concert, si ce n’est pas impeccable, ça ne marche pas ! Le deuxième critère, ce sont des critères de qualités humaines. Est-ce que l’orchestre se sent emporté humainement ? Et le troisième critère, parce qu’on peut avoir ces deux-là, mais finalement, au bout du compte, on s’ennuie ; il n’y a pas de musique. On veut des artistes ! Et là, c’est quelqu’un qui va nous emporter, qui va comprendre la musique, qui va [proposer] une vraie interprétation. On cherche un technicien qui sache bien gérer un orchestre, mais on cherche aussi un artiste. Celui qui va avoir une belle carrière, c’est celui qui, lors des concerts, va donner de l’émotion. C’est ça qu’on attend d’un gagnant du Concours. C’est qu’il nous donne de l’émotion. »

 

En 2023, Swann Van Rechem a remporté la précédente édition. La probabilité qu’un nouveau Français l’emporte est faible (5%), puisqu’il n’en reste qu’un sur les vingt en compétition. Quel est votre pronostic ?

« Alors, certaines années, [j’en vois un ou une] se détacher, notamment l’année de Ben Glassberg (2017). Je l’avais vu dès le début. Il était vraiment au-dessus de la mêlée. Là, j’aurais beaucoup de mal à faire un pronostic. Ce qui est évident, c’est qu’il y a une forte montée de l’Asie, notamment de la Chine. Je suis incapable de dire si c’est un Asiatique qui va gagner. Je suis bien embêté pour donner le moindre pronostic. Certaines années, j’y arrive, mais alors là, je m’abstiens. »