Besançon. Un réseau de livreurs Bengladais démantelé

Il aura fallu neuf mois d’une enquête minutieuse des agents de la compagnie d’intervention de la police aux frontières pour démanteler ce réseau local de livreurs Deliveroo et UberEats opérant en toute illégalité sur la ville de Besançon.

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Laurent Perraut, Directeur Interdépartemental de la Police nationale et Patrick Le Barre Commandant divisionnaire de la Police aux frontières
Laurent Perraut, Directeur Interdépartemental de la Police nationale et Patrick Le Barre Commandant divisionnaire de la Police aux frontières au cours de la conférence de presse qu'ils ont tenu le 17 octobre au commissariat de Besançon ©YQ

Le commandant divisionnaire Patrick Le Barre dirige l’Office de Lutte contre le trafic illicite de migrants (OLTIM) basé à Pontarlier. Il a détaillé les ramifications d’un réseau pyramidal et structuré autour de la communauté de ressortissants du Bengladesh établis à Besançon.

Une enquête née d’un simple contrôle

Le 22 janvier 2025, les agents de police du commissariat de Besançon contrôlent des livreurs Place du Huit septembre et Place de la Révolution. Leur perspicacité va les amener à signaler des situations douteuses sur la légalité du travail de livreurs. Les agents de l’OLTIM vont prendre le relais pour mener une enquête discrète pendant plusieurs mois afin de démontrer le reversement de chiffre d’affaires de livraison à partir de faux comptes UberEats et Deliveroo.

Un système bien rôdé

Deux individus de la communauté bengladaise, normalement immatriculés comme autoentrepreneurs et identifiés légalement auprès des plateformes, utilisaient les services de Bengladais (en situation irrégulière en France) pour effectuer les livraisons des plateformes, au travers d’une boucle WhatsApp.

C’est le mode opératoire décrit par Laurent Perraut Directeur interdépartemental de la Police nationale et Patrick Le Barre Commandant divisionnaire de l’OLTIM au cours d’une conférence de presse le 17 octobre. « Les deux donneurs d’ordre recevaient le prix des livraisons effectuées par leurs « sous-traitants ». Ces derniers étaient rétribués en espèces sur 70% de la course, les deux donneurs d’ordre conservant 30% ». Le commandant Le Barre a précisé que « toute la difficulté consistait à trouver et constater les liens pécunieux entre eux ». « On est clairement face à de l’exploitation humaine même si le crime de traite d’êtres humains n’a pu être retenu, les personnes étant rémunérées ».

Un aboutissement le 14 octobre

L’enquête menée sous l’autorité du vice-procureur Julien Babé, a conduit les forces de l’ordre à intervenir le 14 octobre dans cinq appartements du centre-ville de Besançon. 30 agents de la DIPN ont interpellé six livreurs et les deux têtes de réseau. Une neuvième personne a été poursuivie pour blanchiment. Ils ont saisi 37 000€ en liquide. Neuf personnes ont été présentées au Parquet de Besançon. Âgés de 20 à 35 ans, tous ressortissants du Bengladesh, ils ont accepté la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité autrement appelée « plaider-coupable ».

Huit ressortissants Bengladais ont été inculpés pour des faits de travail dissimulé en bande organisée, d’emplois d’étrangers sans titre de séjour, de blanchiment aggravé et d’aide au séjour d’étrangers en situation irrégulière. Ils ont été condamnés à 10 et 12 mois de prison avec sursis, 1 500€ d’amende, l’interdiction de se fréquenter, l’interdiction d’exercer l’activité de livreur pendant deux ans. L’individu inculpé pour blanchiment est condamné en outre à 15 000€ d’amende.

Les 37 000€ ont été saisis comme tout le matériel servant à leur activité (vélos, trottinettes…). La préfecture du Doubs va devoir étudier la situation des personnes présentes illégalement sur le territoire français. A l’issue de l’enquête administrative, ils pourraient faire l’objet d’une OQTF.

Yves Quemeneur