La salle des fêtes est comble ce mardi 9 juillet à Chaffois. La réunion publique organisée par les élus est attendue par de nombreux habitants et même au-delà. Le sujet est de taille, celle de trois éoliennes prévues par la société Intervent. En juin 2023, la Cour d’appel de Nancy a cassé l’arrêté préfectoral qui rejetait par décret en 2019 l’autorisation d’implantation. Tout est donc relancé depuis et la nouvelle municipalité, contre ce projet porté par l’équipe précédente, tente de lutter en misant sur la force du nombre.
Un accord trouvé avec l’ancienne municipalité
Cette rencontre publique ce 9 juillet réunit des représentants de la société porteuse du projet, des élus locaux, des associations de sauvegarde de l’environnement ainsi que de nombreux résidents. Ce ne sont pas les arguments qui manquent au conseil municipal pour contester ce projet, mais bien les outils judiciaires et légaux. « À l’époque de l’arrêté en 2019, le préfet avait 18 arguments pour contester ce projet, comme la présence du Milan Royal ou le fort impact paysager. J’étais plutôt confiant, j’ai eu tort », analyse Nicolas Barbe, le maire de la commune. La reprise de l’instruction à l’automne 2023, l’accord tacite quant à la poursuite du projet par la mission régionale d’autorité environnementale (MRAE) ont poussé la commune à inscrire ce projet éolien en zone d’accélération d’énergies renouvelables (ZAER), présentée au dernier conseil communautaire. « Nous sommes bloqués par les lois. La précédente municipalité a signé en 2016 une promesse de bail. Cela signifie que, dès l’autorisation obtenue du préfet, le projet pourra se faire, malgré l’opposition de la commune », poursuit Nicolas Barbe.
Une consultation avant l’enquête publique
Pour influer sur la décision du représentant de l’État, le maire compte d’abord sur sa population. La commune a initié un vote consultatif pour permettre aux Chaffoyards de se positionner avant même l’enquête publique obligatoire des services de l’État, qui doit avoir lieu entre octobre et novembre 2024. En attendant, les habitants ont jusqu’au 2 septembre pour voter pour ou contre ce projet. « La réunion était d’abord pour présenter totalement le dossier, ce qui n’avait jamais été fait avant. Ce vote va me permettre, lors des prochains échanges avec le préfet, d’avoir un soutien de taille. Je ne représente pas uniquement mon équipe municipale mais toute la commune. », ajoute le maire.
Trois éoliennes, pour alimenter l’équivalent de 5000 foyers
Le projet consiste en l’implantation de trois éoliennes de type Enercon au lieu-dit Le Grand Bois. Des installations similaires existent dans la commune de Chamole, dans le département du Jura. Chaque éolienne a une puissance de 4,5 MW. Le parc éolien promet de produire suffisamment d’électricité pour alimenter environ 5000 foyers, tout en étant, selon la société Intervent, plus économique que l’énergie nucléaire.
Un projet amputé par l’arrivée des Rafales ?
À quelques kilomètres, l’ancienne commune de Sombacour intégrée aujourd’hui au Val d’Usiers a planché sur un projet éolien, retoqué en raison de l’élargissement du couloir aérien emprunté par l’Armée de l’air française. Une zone qui touche également la commune de Chaffois. « Le couloir aérien en question sert essentiellement à la base de Luxeuil-Saint Sauveur qui va changer ces Mirages 2000 par des Rafales. Le couloir est élargi et en théorie, l’éolienne la plus à gauche sera impactée. », poursuit Nicolas Barbe. Un nouveau changement qui n’offre plus les mêmes conditions, ni la même productivité présentée par la société Intervent. « Pour l’instant, ils assurent que cette éolienne en moins ne change rien. Ça change quand même par rapport au contrat signé. J’y suis opposé et mon prédécesseur avait signé pour 3 éoliennes avec un certain montant. »
Symbole d’un virage éolien et d’une maîtrise à retardement
Depuis la mise en place des Zones de Développement Éolien (ZDE) en 2005, l’État français a beaucoup bougé, reculé sur les dossiers et pris du retard sur ses objectifs. À l’époque, la première programmation pluriannuelle d’investissement (PPI) fixe à 17 000 mégawatts (MW) la production d’électricité par des éoliennes à l’horizon 2015, ouvrant une voie royale aux aménageurs lancés dans une course à la construction. Les dossiers s’enchaînent avec une faible réglementation autour de l’implantation des éoliennes. Nous sommes en pleine crise économique et cette énergie renouvelable offre aux élus locaux l’occasion de générer un nouveau revenu parfois conséquent.
Les conséquences écologiques, paysagères, environnementales et la colère grandissante des habitants poussent l’État a règlementé la filière une première fois en 2010 (Loi Grenelle 1 et 2). Parallèlement une nouvelle PPI fixe à 24 000 MW la production d’électricité par l’éolien en France à l’horizon 2020 (terre et mer, ndlr). Contrainte par ces nouvelles lois, la filière ralentie et débouche sur une loi de simplification en 2013. Les zones de développement de l’éolien (ZDE) sont supprimées comme la règle des 5 mâts minimum par projet. En 2021, Barbara Pompili alors ministre de la Transition écologique, annonce de nouvelles mesures « pour un développement responsable et maitrisé ». Surtout, c’est désormais l’éolien en mer qui est accentué.
Les premiers projets discutés, comme celui de Chaffois, sont toujours en négociation et les zones d’accélération d’énergies renouvelables (ZAER) relatives à la loi du 10 mars 2023 deviennent un nouvel atout pour faire définitivement implanter des éoliennes. La France en compte aujourd’hui près de 10 000.