Billet d’humeur. Au conseil municipal, une motion spéciale pour les « 80 ans de la sécurité sociale »

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Billet d'humeur

Dernier point à l’ordre du jour du conseil municipal du 16 octobre 2025, les élus ont souhaité présenter le texte d’une motion en soutien à l’avenir de la Sécurité sociale.

Une conquête sociale historique

Les élus de la majorité bisontine répètent à l’envi que la naissance de la Sécurité sociale il y a 80 ans est due au ministre communiste Ambroise Croizat. La chronologie des faits renvoie cette paternité à Pierre Laroque, haut fonctionnaire et résistant. Ce spécialiste des affaires sociales avait pensé cette assurance collective et solidaire dès le début des années 30 sur le modèle allemand de Bismarck. Ambroise Croizat n’a fait que mettre en œuvre à partir du mois de décembre 1945, les ordonnances signées deux mois plus tôt.

 » Un système de protection universel « . C’était l’objectif poursuivi initialement comme le rappelle le texte de la motion : « grâce à elle (la Sécurité sociale), des générations entières ont pu bénéficier d’un accès aux soins, aux prestations familiales et à la retraite, indépendamment de leurs revenus ou de leur statut ». Pourtant, l’universalité des droits a été battue en brèche au fil des décennies. C’est le cas en particulier des allocations familiales créées dans un souci de politique démographique. L’objectif était d’assurer à la France une population suffisante. Aujourd’hui les allocations familiales sont en réalité une aide dans la politique de redistribution sociale avec des plafonds de ressources, tournant ainsi le dos à l’objectif initial, objectif qui reste pourtant d’actualité au regard du vieillissement de la population. L’universalité des droits est battue en brèche également concernant les soins. La part des cotisations du régime général a continué à croître pendant que les prestations fournies diminuaient. Les bénéficiaires ont du se tourner de plus en plus vers les assurances et mutuelles complémentaires. La conséquence est d’avoir une assurance maladie à deux vitesses, ôtant de fait son caractère universel.

À cela, s’ajoute le financement dégradé. Le déficit des 5 branches de la Sécurité sociale atteint 23 milliards d’euros en 2025, contre 15,3 milliards d’euros en 2024. Le texte de la motion bisontine précise : « nous affirmons que la protection sociale ne doit pas être considérée comme une charge mais comme un investissement collectif au service de la santé, du bien-être et de la cohésion sociale ». Louable, mais après ? La solution consiste-t-elle à augmenter la fiscalité qui pèse sur les salariés et les entreprises au risque de nuire au pouvoir d’achat et dégrader notre compétitivité et la création de richesse ? Ou réduire le montant des prestations versées ? Les équilibres budgétaires sont simples. Plus vous dépensez en fonctionnement, plus vous réduisez la capacité d’investissement. Ça vaut pour le budget des particuliers comme celui des acteurs économiques.

Quant à la farce « il faut prendre aux riches pour donner aux pauvres », elle rappelle le proverbe chinois « Quand le riche maigrit, le pauvre meurt de faim » !

L’attachement à la Sécurité sociale est partagé par la quasi-totalité des Français. « Ses valeurs et ses fondements doivent être réaffirmées » souligne le texte de la motion. Pour autant, ces bonnes intentions ne doivent pas nous priver de réfléchir à son évolution, eu égard à l’allongement de la durée de vie, à la réduction du nombre de cotisants et au souci de conserver la compétitivité des entreprises. Un système social qui ponctionne 1 000€/mois pour un salaire brut de 2 000€ ne peut perdurer sans se fracasser au mur des réalités.

Yves Quemeneur