Une tape sur l’épaule de Quentin Pacher, une autre sur celle de Rudy Molard. C’est ainsi, en se relevant légèrement au moment de passer la ligne d’arrivée, que Thibaut Pinot a terminé sa carrière, samedi 7 octobre sur le Tour de Lombardie, sa course préférée, remportée en 2018. À 33 ans l’enfant de Melisey décroche ses chaussures, pose le pied à terre sous les yeux admiratifs et nostalgiques de son entourage et des fans de la France entière. « Il nous aura fait rêver jusqu’au bout », commentait Pascal Orlandi il y a quelques semaines. Accompagné par plusieurs membres du cyclisme bisontin et régional, le président de l’AC Bisontine s’est rendu en Italie pour saluer une dernière fois « son » champion. Cet adjectif possessif est aussi celui de milliers de fans réunis depuis quelques années derrière le Collectif Ultras Pinot (CUP), un groupe reprenant les codes des supporters parisiens au football, dont le cycliste franc-comtois est fan. « Thibaut, je le regarde depuis 2009, à l’époque il n’était pas encore pro. Ma famille est originaire de Giromagny et un week-end en passant dans ce secteur, je croise une fusée à vélo. C’était lui et quelques temps plus tard, il gagne le Val d’Aoste devant des mecs comme Quintana ou Aru. Je me suis dit « ça y est, c’est lui le nouveau champion français ! » J’y ai cru car contrairement à ce qu’on veut nous faire croire, c’est vraiment l’un des meilleurs grimpeurs de son époque et un gagnant », confie Guy-Laurent Courtot l’un des trois fondateurs du CUP et passionné de vélo.
Plus de 600 supporters à Bergame
À Bergame ce samedi 8 octobre, le virage s’est transformé en Curva Pinot où quelques 600 supporters s’étaient amassés pour encourager une dernière fois leur champion. Parmi eux, Marie-Jeanne, sa maman et Charlotte sa compagne. Julien, frère et entraîneur depuis les débuts sous les couleurs de la FDJ en 2009, s’est aussi arrêté pour remercier encore et profiter de cette immense liesse populaire. « Je n’ai jamais eu autant de bisous, de merci alors que nous n’étions que les coordinateurs de quelque chose attendu par tous », ajoute Guy-Laurent. « J’étais ému de voir tout ça et nostalgique aussi, c’est 14 ans de ma vie ce mec. » La formule italienne soigneusement préparée par le CUP depuis un an pour fêter son héros, reprend les mêmes codes ou presque que l’historique Virage Pinot lors du Tour de France quelques mois plus tôt. Fumigènes, banderoles, tee-shirt, casquette, goodies en tout genre, drapeaux, une marée humaine s’était installée dans le col du Petit Ballon dans les Vosges, pour saluer et admirer le cycliste de la FDJ qui fendra la foule en tête de la course. Comme un dernier cadeau à son public.
« Ces souvenirs resteront pour toujours »
En Italie, il y avait également du soulagement pour Thibaut Pinot. « J’ai une chance unique d’avoir un public comme ça, c’était un truc de fou. Ces souvenirs resteront pour toujours. C’était un peu une ferveur totale, c’est ce que j’aime. Sur le Tour de France, c’était à la maison, je voulais remercier le public en donnant le maximum. Ici c’est différent, j’ai voulu aussi profiter. Cette ferveur, ces sensations vont me manquer. J’espère que ce groupe d’Ultras va continuer à vivre et je serai avec eux l’an prochain sur des étapes du Tour, on pourra passer un bon moment ensemble. » De son immense carrière, le public retiendra ce Tour de Lombardie donc, mais aussi ses victoires magiques comme sur le Tourmalet en 2019, cette troisième place sur le Tour en 2014 ou encore ce titre de champion de France de contre-la-montre en 2016, une discipline qui ne lui réussissait pas à ses débuts. Paradoxalement, la Pinot Mania s’est davantage construite sur l’homme et ses désillusions. Son abandon tragique lors du Tour de France 2019 scelle définitivement sa légende. Thibaut Pinot, perdant magnifique qui aurait pu, qui aurait dû gagner le Tour, s’arrête sur une dernière victoire : gagner le cœur des français.
M.S