Édito. Crise agricole : tout ça pour ça ?

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La colère agricole française née de profonds maux doit désormais être réglée par des mots. Ceux du gouvernement, inscrits dans le projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture, attendu depuis des mois. À la lecture du texte discuté du 14 au 24 mai, on ne peut qu’être animé d’un sentiment de malaise. Le conseil économique social et environnemental (CESE) l’avait annoncé dès le mois de mars. L’article Ier, définissant « l’agriculture, la pêche et l’aquaculture d’intérêt général majeur en tant qu’elles garantissent la souveraineté alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux » et constituant la base de cette loi, reste flou. Un constat partagé par les élus lors de l’examen en commission des affaires économiques. La commission a toutefois adopté le texte en supprimant l’article 12 visant à créer des groupements fonciers agricoles d’investissement. C’est tout le paradoxe de ce texte : la seule proposition concrète concernant le revenu, le foncier ou l’adaptation au changement climatique était donc de financiariser l’agriculture.

À l’intérieur du projet, des assouplissements pour les haies, une accélération des contentieux en cas de recours contre des projets de stockage d’eau ou de construction de bâtiments d’élevage. Autre point très tendu : le gouvernement souhaiterait modifier par ordonnance la répression de certaines atteintes à l’environnement. Un sujet qui risque d’offrir des joutes verbales intenses à l’Assemblée nationale.  Et l’Europe dans tout cela ? Au centre de la tempête agricole en début d’année, l’entité n’est évoquée que dans le cadre de la « capacité [de la France] à assurer son approvisionnement alimentaire dans le cadre du marché́ intérieur de l’Union européenne » (Art I). Tenir des engagements auprès d’une organisation où la concurrence entre différents pays est inégale. Comme le résume le CESE, pour fonctionner, « la souveraineté́ alimentaire de la France doit s’intégrer dans celle de l’UE et réciproquement. »