Haut-Doubs. La bonne santé de la filière Comté, mais à quel prix ?

L'année 2021 est celle de tous les records pour la filière Comté, qui augmente ses volumes d'environs 2% chaque année. Une bonne santé qui cache aussi des craintes auprès des acteurs du Doubs.

2610
Notre célèbre fromage est quelque peu chahuté

Le fleuron régional ne s’est jamais aussi bien porté et ce malgré la crise sanitaire. 72 000 tonnes de Comté ont été produit en 2021. Un record dont la filière se réjouit, malgré les multiples attaques visant l’AOP, que l’assemblée générale de la FDSEA du Doubs a tenu a rappelé, le 25 janvier dernier. Pour répondre à la demande croissante du consommateur, 22  nouvelles exploitations ont rejoint la filière, portant un chiffre d’affaires total avoisinant les 700 millions d’€.

1500 tonnes supplémentaires de lait chaque année pendant 3 ans

Concernant l’impact environnemental, la FDSEA se défend grâce un point souvent très peu connu du grand public : le cahier des charges de la filière est reconnu par le WWF et l’ONG Greenpeace, qui dans une longue étude comparative de 11 labels alimentaires, datant de fin 2021 place l’AOP Comté comme l’un des meilleurs. L’équité socio-économique, la cohésion sociale, le niveau de vie décent qu’elle institue envers ses partenaires sont mis en avant, tout comme le bien-être animal est jugé bon. Pour améliorer son impact environnemental, la filière a notamment baissé de 30% la fertilisation des prairies permanentes depuis dix ans. Des efforts, tout en continuant à augmenter la production : 1500 tonnes de lait AOP supplémentaires chaque année, pendant trois ans, ont été annoncés.

Un cahier des charges plus simple que le Mont d’Or pour les agriculteurs

Chez les producteurs, pourtant des craintes persistent, à tous les étages. A la fromagerie les Longevilles Arnaud, Bernard Gresset, le président de la coopérative, est impacté par le Comté… pour trouver du lait AOP Mont d’Or ! « Les coûts d’analyses, le personnel, la restriction au niveau de la qualité de lait… toutes ces choses font que les agriculteurs privilégient de plus en plus la production de lait Comté à celle du Mont d’Or. Le lait Comté est payé plus cher que le Mont d’Or en plus de ça. Donc cette année par exemple, pour le vacherin, on est presque en déficit parce que pour garder nos agriculteurs producteurs de lait Mont d’Or, on doit compenser par une hausse du prix du litre de lait. Le Comté lui, devrait augmenter de près de 4% au 1er avril. C’est aussi du à sa rareté, les affineurs n’ont plus de comté vieux depuis février. » Cette année, la production de Mont d’Or à la fromagerie les Longevilles Arnaud ira tout de même jusqu’au mois de mars, un phénomène rare pour les producteurs locaux.

Bernard Gresset cherche à conserver sa production de Mont d’Or malgré les difficultés d’approvisionnement en lait.

Quant au cahier des charges du comté, il devrait à nouveau évoluer dans les années à venir. Tous les collèges et  syndicats ont validé une première présentation faite lors de l’assemblée générale du CIGC en mai 2021.

Une reprise d’exploitation agricole plus difficile dans le Doubs ? 

L’autre problème à l’avenir pourrait concerner les jeune agriculteurs. C’est l’un des fils rouge du monde agricole : la reprise des exploitations. « Actuellement, on est à deux reprises pour trois départs. », assure Pol Devillers, représentant français des jeunes agriculteurs au niveau européen. Mais pour reprendre une exploitation faut avoir les capacités et aides financières pour le faire. « Le lait comté étant vendu plus cher (NDLR : environ 600€ la tonne), les exploitations productrices ont une valeur qui ne cessent d’augmenter et pour reprendre l’exploitation par un jeune derrière, c’est compliqué, encore plus après une crise sanitaire où les bâtiments agricoles ont augmenté de 30%. », poursuit l’exploitant de vaches laitières installé depuis 2013.

La bonne santé de la filière Comté ferait donc grimper le prix de ses exploitations. La problématique pourrait aussi s’accentuer avec le temps. Dans le processus habituel d’une reprise d’exploitation, l’agriculteur monte un dossier où il prépare un plan sur cinq années pour obtenir une DJA, la dotation jeune agriculteur. Un coup de pouce financier pour se lancer, pris en charge jusqu’alors à 80% par l’Union Européenne, 20% par l’État et la Région. Cette dotation a été modifiée, au grand dam de Pol Devillers. « On est passé sur un financement à 60 – 40%. La Région et l’État vont donc reprendre une plus grosse partie, or le Doubs n’est pas vraiment considéré comme prioritaire, du fait aussi de sa « bonne santé » grâce au Comté. La crainte c’est de laisser penser que parce que la filière va bien, les agriculteurs du département auraient moins besoin d’aide que les autres. »