Besançon. La médiation, une alternative au procès

Les tribunaux sont surchargés de dossiers et les délais de procédure s’allongent indéfiniment. Dans de nombreux cas, la médiation permet aux parties de trouver elles-mêmes une solution  à l’aide d’un médiateur. Explication avec Maître Tuline Cip-Leveque, avocate au barreau de Besançon. 

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Accord entre deux personnes
©Adobestock

Avocate depuis 30 ans

Tuline Cip-Levêque est avocate depuis 30 ans. Elle a exercé de nombreuses années à Dijon avant de s’orienter vers la médiation en 2008. Installée à Besançon, elle dirige le Centre de Médiation Bisontin (CMB) qu’elle a créée en 2015. Inscrite sur la liste des médiateurs auprès des Cours d’Appel de Dijon et Besançon, elle est également co-déléguée régionale de l’association nationale des médiateurs Bourgogne Franche-Comté.

Maître CIP-LEVEQUE
Maître CIP-LEVEQUE . Inscrite au barreau de Besançon elle a créée en 2015 le Centre de Médiation Bisontin (CMB). Déléguée régionale de l’association nationale des médiateurs, elle est sur la liste des médiateurs des cours d’appel de Dijon et Besançon ©YQ

Dans un litige, quelles que soient les parties, « le Juge tranche le litige. Il y a donc un gagnant et un perdant ». À l’inverse, le médiateur ne juge pas et écoute les parties et les accompagnent vers une solution amiable. « Ce sont les parties qui règlent à l’amiable leur litige…les deux parties qui concilient ont accepté l’accord ».

Un tiers intervenant indépendant, impartial et neutre

“La médiation se révèle particulièrement efficace pour résoudre les litiges tout en préservant les relations entre les parties. » Comme l’explique Tuline Cip-Levêque, elle
est notamment adaptée aux conflits familiaux, de voisinage, de copropriété, ou d’entreprise. Mais elle peut être mise en oeuvre dans tout type de conflit si le médiateur est suffisamment expérimenté. Elle s’avère en générale précieuse dans tout différend où le maintien des liens est essentiel, qu’il s’agisse de relations professionnelles ou personnelles.

Grâce à une écoute active des besoins de chaque partie, la médiation facilite la recherche d’une solution et contribue à préserver la relation. Elle permet de sortir gagnant/gagnant du conflit”.

La médiation peut en cacher une autre

Si « médiation » et « conciliation » sont deux notions juridiques distinctes, elles tendent toutes les deux au même résultat : un règlement amiable des différends.

On connaît la médiation du crédit (pour traiter des difficultés d’un potentiel emprunteur à trouver une banque), de la consommation (dans les litiges sur l’exécution d’un contrat de vente ou de prestation de service), la médiation familiale (renouer le dialogue dans un couple en cours de séparation), la médiation des entreprises (litiges entre professionnels ou avec l’Administration), la médiation de l’URSSAF (pour solutionner les difficultés avec l’organisme de gestion des cotisations sociales) ou même l’arbitrage (les parties qui décident le recours à un arbitre accepte que celui-ci rende une décision qui s’impose aux parties).

La particularité de la médiation judiciaire

Dans ce cas, le recours à la médiation est suggéré, voire ordonnée par une juridiction à l’occasion d’une action en justice engagée par une partie. Au vu du dossier, le Juge va demander ou ordonner aux parties de régler leur différend à l’amiable. Elles disposent d’une période de 3 mois renouvelable une fois pour trouver un accord amiable. Pendant ce délai, l’affaire est suspendue mais reste inscrite au rôle de la juridiction. En cas d’accord, il est validé par le Juge et n’est susceptible que d’un pourvoi en cassation si l’une des parties le conteste ultérieurement.

C’est un mode amiable qui peut être bien adapté dans les juridictions commerciales. Les procédures collectives sont des mesures judiciaires visant à garantir la poursuite de l’activité d’une entreprise tout en respectant le droit des créanciers.

Depuis 2022, dans le cadre des procédures contentieuses, les parties peuvent demander la conciliation pour rechercher la meilleure solution. La décision est prise par un Juge mais ce sont les parties qui en décident in fine. A Besançon, Didier Beaune est l’un des juges conciliateurs, particulièrement formé à l’Ecole Nationale de la Magistrature pour mener ces conciliations. « Le Tribunal de Commerce de Besançon est l’un des seuls dans la région à proposer le mode amiable de règlement des différends (MARD). En 2024, nous avons traité 18 conciliations. Dans 65% des cas, un protocole transactionnel a été obtenu, protocole qui est ensuite homologué par le Tribunal ».

La médiation judiciaire, en droit civil, permet d’alléger la charge des tribunaux et surtout de réduire considérablement le délai de traitement de chaque dossier. Le Juge qui décide d’une médiation se heurte parfois à l’incompréhension des parties qui peuvent avoir le sentiment que leur requête n’est pas prise au sérieux. « Un mauvais accord vaut mieux qu’un bon procès » écrivait Honoré de Balzac. Les médiateurs retournent l’expression et considèrent qu’un « bon arrangement vaut mieux qu’un mauvais procès ».

La médiation conventionnelle ou extrajudiciaire

La médiation est « conventionnelle » quand les parties tentent de parvenir de résoudre un conflit de façon amiable avant de saisir un juge. La médiation est confidentielle et permet ainsi de protéger l’image de marque d’une entreprise ou préserver la réputation des parties. Ce sont les parties qui choisissent et nomment un médiateur qui les aide à trouver un compromis.

Qui sont les médiateurs

Les médiateurs professionnels sont des personnes formées pour la résolution des conflits. Ils peuvent être engagés par les parties ou recommandées par des organismes spécialisés dans la médiation. Au tribunal de commerce, les juges conciliateurs suivent une formation particulière pour traiter à l’amiable les procédures contentieuses.

Pour être médiateur agréé par une Cour d’Appel, il est de plus en plus exigé un diplôme spécifique, qui nécessite au moins 200h de formation. Le recours à un avocat médiateur peut être particulièremente utile quand le litige est complexe d’un point de vue juridique afin que l’accord conclu ne puisse être remis en question par un Juge. Les avocats ont été longtemps rétifs à la médiation, de peur de perdre leurs honoraires. Mais l’allongement des délais de procédure et les audiences très chronophages les rendent plus ouverts à la médiation.

Le coût moyen pour les parties dépend bien entendu de chaque dossier. On peut estimer les honoraires compris entre 400 et 1800€, pour une résolution rapide du litige. Au final, le choix de la médiation permet souvent d’éviter « la roulette russe du procès ».

Yves Quemeneur

+d’infos Centre de médiation bisontin (CMB) – 59 rue des Granges – 25000 Besançon – contact@cip-leveque-avocat.fr