La « plaidoirie » de Gustave Courbet offerte au musée d’Ornans

Grâce à l’association des "Nouveaux Mécènes de Courbet", un manuscrit exceptionnel du peintre rejoint les collections du Pôle Courbet à Ornans.

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Les 7 pages manuscrites, corrigées et raturées par Gustave Courbet, sont une sorte de plaidoirie dans son combat judiciaire en 1871 ©YQ
Une petite histoire dans la grande histoire

Le manuscrit original de 7 pages a été acquis par l’association à l’occasion d’une vente aux enchères des collections Aristophil. Il a été remis officiellement au musée Courbet d’Ornans le 26 octobre par Annick Delestre, la présidente de l’association des « Nouveaux Mécènes de Courbet ». Ce document replace le contexte de l’époque de la Commune de Paris.

La guerre de 1870 a conduit au renversement du second empire en septembre 1870. Paris est assiégé et subit un hiver de famine et le gouvernement réfugié à Versailles finit par signer un armistice avec Bismarck. Pour les parisiens, l’armistice de janvier 1871 est insupportable alors qu’ils ont résisté aux prussiens pendant près de quatre mois.

Il faut malgré tout relativiser cette période de la Commune qui ne durera que 2 mois (du 18 mars au 28 mai 1871). Gustave Courbet participe activement à l’organisation de la Commune. Il participe à la Commission de l’enseignement et son apport à la Commune exprime en particulier le besoin de liberté du Maître d’Ornans.

Gustave Courbet va établir une fédération d’artistes, les laissant libres de gérer leurs affaires en dehors de toute tutelle administrative. Cette fédération réprouve l’octroi de subventions…les considérant comme une sorte de tutelle étatique et fonder un syndicat des artistes.

Sur le déboulonnage de la colonne Vendôme, Gustave Courbet se défend d’en être à l’origine : « Comme je l’ai déjà dit, c’est influencé par le vœu populaire qui attribuait au monument commémoratif de nos succès guerriers…que j’adressai au gouvernement une pétition des artistes émettant le vœu que cette colonne soit déboulonnée et transportée aux Invalides… ».

Le manuscrit remis au musée d’Ornans est en fait un brouillon corrigé et raturé du peintre préparant la lettre adressée à Jules Simon le ministre de l’instruction en juin 1871. Pour le plus grand malheur de Courbet, il reconnaît implicitement avoir favorisé la destruction de la colonne Vendôme soulignant « Je crois… n’avoir pas séduit mes juges mais il me reste un argument péremptoire comme il faut absolument que quelqu’un supporte la responsabilité de cette colonne. J’offre au gouvernement de la relever à mes frais ». C’est la solution retenue en 1873 par Mac Mahon, nouveau Président de la République. Gustave Courbet, ruiné et craignant un nouvel emprisonnement, va choisir l’exil en Suisse où il décédera en 1877.

Christine Bouquin Présidente du conseil départemental du Doubs, Annick Delestre Présidente des « Nouveaux Mécènes de Courbet », Benjamin Foudral Conservatoire et directeur du pôle Courbet et Pascal Pasquier Vice président de l’association devant le portrait de Juliette, une oeuvre acquise par souscription à l’initiative des « Nouveaux Mécènes de Courbet » ©YQ

Après la souscription lancée par les « Nouveaux Mécènes de Courbet » en 2019 pour l’acquisition du tableau représentant Juliette la sœur de Gustave Courbet, l’œuvre a finalement été acquise grâce aux 500 contributeurs et a retrouvé les cimaises du musée d’Ornans.

Le document manuscrit est la seconde opération de la jeune association présidée par Annick Delestre. Elle était présente avec l’équipe de passionnés des « Nouveaux Mécènes de Courbet » pour remettre le manuscrit à Benjamin Foudral le conservateur du musée et à Christine Bouquin, la présidente du département du Doubs, propriétaire du pôle et du musée Courbet d’Ornans.

Ce manuscrit original, connu de quelques initiés, est exceptionnel. Il est la démonstration de l’extrême liberté du peintre alors que celui-ci était incarcéré à la Conciergerie avant de passer six mois à la prison de Sainte Pélagie où il réalisera de nombreux tableaux dont un célèbre auto-portrait.

Yves Quemeneur