Revenons sur l’été dernier. Comment avez-vous réagi face à la sécheresse ?
La situation au cœur de l’été était vraiment catastrophique donc nous avons fait une demande à la Préfecture afin de fermer la pêche en 1ère catégorie où la population piscicole est la plus fragile. Les niveaux d’eau étaient vraiment très bas et de fait la température beaucoup trop élevée pour la survie des poissons. Mais on ne peut que regretter les lenteurs administratives car il s’est passé du temps entre la demande et la décision à tel point que ce n’était plus vraiment nécessaire quand l’arrêté a été pris…
Le phénomène semble se répéter. Comment envisagez-vous les mois à venir ?
Je suis franchement très inquiet de voir l’étiage c’est-à-dire le niveau de nos rivières qui est anormalement bas pour un mois de mars. On a passé plus de trente jours consécutifs sans pluie et il n’a quasiment pas neigé depuis le début de l’hiver. On risque d’avoir une nouvelle sécheresse qui va encore débuter plus tôt que les autres années. Il faut vraiment espérer que la météo des prochaines semaines viennent rattraper la situation actuelle. Mais de façon générale, on ne peut que déplorer et redouter ces événements qui se répètent et même pire s’accentuent…
Vous parlez réchauffement de l’eau. Araser les barrages est-il la solution ?
C’en est une mais il ne faut pas généraliser. Il est vrai qu’il est préférable de redonner aux cours d’eau leur aspect initial, donc d’assurer la continuité écologique en éliminant les obstacles artificiels que sont les petits garages et les écluses qui retiennent les sédiments, empêchent le poisson de circuler et font stagner l’eau qui du coup se réchauffe. Mais il faut réfléchir au cas par cas. Installer une passe à poissons peut parfois être préférable ne serait-ce que pour éviter qu’il n’y ait plus du tout d’eau à certains endroits ce qui est alors contreproductif.
Les rivières souffrent aussi de diverses pollutions…Où en est-on ?
La situation ne s’améliore pas. On a à nouveau constaté des mortalités piscicoles anormales dans le Doubs Franco-Suisse et dans la Loue avec toujours en cause la saprolegniose qui fait des ravages en affaiblissant puis tuant les poissons. C’est toujours le même problème et le même constat depuis 10 ou 15 ans. Les milieux aquatiques subissent encore et toujours les mêmes attaques : rejets industriels, agricoles, sylvicoles auxquels s’ajoutent des stations d’épurations inadaptées ou inefficaces.
On vous sent désabusé…
C’est lassant de répéter les mêmes choses depuis tant d’années et de voir que les pouvoirs publics ne prennent pas la mesure des choses. Depuis un an, avec la fédération, nous avons donc durci notre position et ne nous laissons plus rien passé. Au moindre incident, dès qu’il y a atteinte au milieu aquatique, nous saisissons la justice. On ne peut plus laisser faire sans rien dire et se contenter d’attendre. Le point de non-retour est proche en pollution et réchauffement climatique. Ce n’est pas qu’un combat pour les pêcheurs et les poissons. Les rivières, c’est là qu’on pompe l’eau qui arrive à nos robinets. Que se passera-t-il quand en plus d’être de plus en plus rare elle sera tellement souillée qu’aucun traitement ne pourra la rendre potable ?
Avec tout ça, la pêche reste-t-elle attractive ?
Au total, on vend toujours environ 15000 cartes par an. C’est stable depuis un certain temps. On note toutefois l’arrivée d’une nouvelle génération qui n’est pas là pour prendre du poisson en quantité. Au contraire ils préfèrent prendre un seul beau poisson et le remettre à l’eau et sont beaucoup plus sensibles aux questions environnementales ce qui en fait de véritables vigies et lanceurs d’alerte. Voilà pour les locaux… quant aux touristes, au vu de la situation et des images qu’ils peuvent voir, c’est de plus en plus difficile de les convaincre de venir chez nous. On essaie d’y remédier en travaillant sur la question du tourisme halieutique avec le département pour améliorer notamment les hébergements spécifiques.
Il y a donc un peu d’espoir…
De toute façon, on ne lâchera rien. Nous allons continuer à nous battre, à alerter et à travailler avec les autorités quand c’est possible, comme avec l’Etat pour obliger les gros pollueurs à effectuer les travaux nécessaires pour éviter les rejets polluants dans la nature.