« Un supermarché en ligne de stupéfiants ». Voilà comment Étienne Manteaux, procureur de la République, résume la découverte faite par la Section de recherches de Besançon. Tout part d’un banal contrôle routier fin 2023 dans le Haut-Doubs, lorsqu’un gendarme flaire le gros coup après avoir retrouvé une petite quantité de stupéfiants sur un automobiliste. En poursuivant les recherches, les enquêteurs découvrent qu’un compte sur l’application cryptée Telegram, « Délice Food Pontarlier » propose différents types de stupéfiants à la vente et organise les livraisons. Plus de 400 clients se connectent régulièrement pour passer commande, principalement installés le long de la bande frontalière, y compris côté Suisse. « Du cannabis à la cocaïne, l’héroïne ou même des méthamphétamines… Les vendeurs proposaient vraiment tout depuis ce compte », précise le procureur. Le rôle de plusieurs individus est mis en évidence : les enquêteurs comptent un donneur d’ordres, des personnes chargées du conditionnement des produits et d’autres pour la revente.
Au total ce mercredi 4 décembre, 13 personnes sont interpellées, partout en France (Saint-Brieuc, Castres, Nancy, Pontarlier, Besançon…). L’opération mobilise 80 militaires répartis sur 5 groupements. Arrêté alors qu’il logeait dans un Airbnb, « le chef d’orchestre de ce réseau détenait 11 500 €, 890 pilules d’ecstasy, 80 grammes de cocaïne et 140 grammes de cannabis. L’individu âgé de 29 ans est extrêmement et défavorablement connu de la justice à 8 reprises, principalement pour des faits de violence », commente Étienne Manteaux. Incarcéré de juin 2023 à mai 2024, cet homme opérait « alors même qu’il était en prison au début de l’enquête ». Si aucun stupéfiant n’a été retrouvé à son domicile, sa compagne, âgée aussi de 29 ans et sans casier judiciaire, a été placée en garde à vue. Les gendarmes ont saisi « des éléments patrimoniaux comme la voiture (Land Rover) de madame. Le train de vie ne correspondait pas aux ressources officielles déclarées », le couple bénéficiant des minimas sociaux.
Si la compagne de l’individu assure « faire confiance à son mari et tout ignorer » de l’origine des revenus du couple, la justice « ne veut plus rien laisser passer », souligne Étienne Manteaux. « On ne peut pas tout ignorer et s’offrir un rythme de vie très confortable ». Un troisième individu de 44 ans est aussi suspecté d’être un acteur majeur dans ce trafic. Il sera jugé avec le couple le 24 janvier 2025 devant le tribunal de Besançon dans le cadre d’une procédure à délai différé. Le trio encoure jusqu’à 10 ans de prison ferme. En attendant, les deux hommes ont été placés en détention provisoire et la compagne sous contrôle judiciaire. Jeudi 5 décembre, les 10 autres « lieutenants » dans cette affaire ont été condamnés dans le cadre d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC). Les peines prononcées vont de 10 mois à 1 an ferme.