Professeur Jean-François Bosset

Ancien chef de service de radiothérapie au CHU de Besançon, le cancérologue retraité est aujourd’hui président du comité de Besançon de la Ligue contre le Cancer. Il évoque l’actualité de l’association et la situation des malades en cette période si particulière.

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" Les thérapies basées sur l’ARN semblent pouvoir constituer des armes anticancers polyvalentes capables d’attaquer les cellules tumorales sur plusieurs fronts."

Comment fonctionne votre comité ?

Notre comité est l’un des 103 qui existent en France métropolitaine et en Outre-Mer. Nous ne fonctionnons que grâce à la générosité publique : cotisations des adhérents, recettes que nous rapportent diverses manifestations, en nouant des partenariats avec d’autres associations (Color Life avec IMEA, Ronde de l’Espoir, Marchands de Bonheur…). De plus, notre collecte annuelle qui amène près de 600 délégués à sillonner environ 160 communes des arrondissements de Besançon et Pontarlier constitue une source de fonds et représente 60% de notre budget. La situation sanitaire a eu un impact en 2020 avec une baisse de 15% des ressources mais nous sommes revenus presque à la normale l’an dernier.

Où en est la recherche que finance notamment la Ligue ?

La Ligue est en effet le premier financeur privé de la recherche contre le cancer en France. Les fonds que nous consacrons à cette mission permette par exemple actuellement de mener des projets sur l’ARN médicament comme outil innovant des thérapies cancéreuses, un thème sur lequel notre regretté ancien président national Axel Kahn c’était engagé.

Les thérapies basées sur l’ARN semblent pouvoir constituer des armes anticancers polyvalentes capables d’attaquer les cellules tumorales sur plusieurs fronts. Certains ARN-médicaments en développement sont conçus pour cibler directement les processus fondamentaux du cancer : la prolifération, l’acquisition de la résistance au traitement, la formation de métastase…

La communication scientifique semble vous tenir à cœur ?

C’est pourquoi je vais par exemple régulièrement animer des réunions et conférences dans les bourgs et villages pour expliquer où en est la science face au cancer. J’aborde les traitements actuels, l’immunothérapie et les vaccins.  Ces rencontres sont importantes et intéressent beaucoup le public qui se pose beaucoup de questions auxquelles je m’efforce de répondre de façon simple et abordable. C’est de la vulgarisation scientifique, un rôle important pour la Ligue sur le terrain, et un moyen précieux pour animer les collectes.

Dans un autre registre, nous sommes aussi présent sur le terrain avec Proximité Cancer service que nous avons créé et qui a pour but l’accompagnement psychologique des malades et des proches mais aussi l’aide au montage de dossiers administratifs ou encore l’octroi d’aides financières directes attribuées par le Comité pour les personnes les plus en difficultés, sur la base de dossiers présentés par notre assistante sociale.

Selon vous, la prévention pourrait éviter bon nombre de cancers ?

Lors des états généraux de la prévention en 2018, il a été montré que 40% des cancers pouvaient être évités puisqu’ils ont des causes connues telles que le tabac ou encore l’alcool. Le tabac est responsable pour la quasi-totalité des cancers du poumon. D’où l’une des actions phare que nous menons auprès des collectivités en instituant des Espaces Sans Tabac surtout autour des écoles. Il s’agit d’une dénormalisation rétablissant la possibilité d’évoluer dans un espace et une ville sans tabac pour la protection de la santé de tous. Autrement dit d’éliminer l’exposition au tabagisme passif, notamment des enfants, et de promouvoir l’exemplarité.

Quelles conséquences à la situation actuelle sur la prise en charge du cancer ?

Nous avons une estimation pour l’année 2020 basée sur ce qui se passe en France chaque année c’est-à-dire en moyenne 360 000 nouveaux cas de cancers. Il a  manqué 90 000  nouveaux patients donc il s’agit de malades qui n’ont pas été diagnostiqués pour de multiples raisons : peur de se rendre à des rendez-vous médicaux ou de déprogrammation d’examens. Ces patients non pas été pris en charge et le seront avec retard. Ceci va forcément engendrer dans les années à venir une hausse de la mortalité par cancer.