Besançon. Une statue de Jenny d’Héricourt Place de la Révolution

Le 8 mars prochain, une statue monumentale au centre de la place de la Révolution à Besançon, rendra hommage à Jenny d’Héricourt, une bisontine écrivaine et féministe engagée du XIXe siècle.

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Dès 2021, deux statues avaient été installées dans l’espace public. L’artiste Anne-Valérie Dupond avait sculpté le buste d’Henriette de Crans, la première femme condamnée et brûlée au XVe siècle pour sorcellerie. La statue domine le Doubs dans le Parc Chamars. En 2023, un buste géant de Colette est inauguré par Nathalie Talec sur l’esplanade de la gare Viotte.

Pour Aline Chassagne, adjointe à la culture de la Maire de Besançon,  » ces créations constituent un parcours artistique et historique visant à sensibiliser le public à la lutte pour les droits des femmes « .

Troisième étape d’un parcours culturel : Jenny d’Héricourt

Née à Besançon en 1809, dans une famille horlogère protestante suisse, venue à Besançon dans le sillage de Laurent Mégevand, Jeanne Marie Fabienne Poinsard (de son vrai nom) va quitter Besançon à la mort de son père alors qu’elle avait 8 ans. A Besançon, puis  à Paris, elle reçoit une éducation protestante et obtient un diplôme d’institutrice à 18 ans. En hommage à son père, elle prend le pseudonyme du nom du village natal de ce dernier… Contrairement à ce que l’on prétend, elle n’était donc pas d’extraction aristocratique !

Passionnée de science, elle entreprend des études de médecin et devient sage-femme, la profession de médecin n’étant pas ouverte aux femmes. Ce sera son premier combat de revendiquer le droit de devenir médecin pour une femme.

Elle participe à la révolution de 1848 au cours de laquelle elle va s’illustrer en créant la Société pour l’émancipation des femmes.

Proche de Pierre-Joseph Proudhon dont elle partage les idées, elle s’en éloigne du fait de sa misogynie et la certitude qu’il avait de l’infériorité intellectuelle des femmes. Proudhon, autre bisontin célèbre, est honoré par des statues et une rue qui porte son nom…étrange rappel de l’histoire dans une ville qui défend la cause féminine !

Son opposition virulente au patriarcat du chantre du libéralisme individualiste et anarchiste lui offre l’occasion d’un ouvrage « la femme affranchie ». Dans ce livre, qui est à l’origine du mouvement féministe outre-atlantique, elle critique les structures sociales de l’époque basées sur la subordination des femmes.

L’œuvre, toujours actuelle, de Jenny d’Héricourt porte sur les questions d’éducation, de santé, de militantisme féministe. Elle est également une femme de lettres reconnue au travers d’articles de revues philosophiques et d’écrits sur la condition féminine.

Lili Reynaud Dewar, une artiste féministe atypique

L’artiste plasticienne de 50 ans, née à La Rochelle, travaille aujourd’hui entre Genève et Grenoble. Son œuvre s’inscrit dans des sculptures, des vidéos ou des performances qui s’inspirent de cultures alternatives et féministes. Elle s’intéresse en particulier aux questions identitaires, liées au statut des femmes ou des « minorités dominées ». Transgressive, elle a réalisé à partir de 2011 des vidéos mettant en scène son corps nu, recouvert de peinture, du noir à l’orange ou à l’argenté dans des espaces aussi différents qu’une institution publique ou un champ de moutons !

Celle qui fut pensionnaire de la Villa Médicis à Rome, a donc réalisé une œuvre en quatre personnages illustrant la vie de Jenny d’Héricourt : son métier d’enseignante, celui de soignante, son activité de révolutionnaire féministe et enfin son œuvre littéraire. Cette sculpture trônera face à l’entrée du musée des Beaux-Arts, à quelques mètres de l’école protestante fréquentée dans son enfance par Jenny d’Héricourt

 » L’avenir de l’homme est la femme «  écrivait Aragon dans  » le fou d’Elsa «  en 1963. Anne Vignot et Aline Chassagne ont repris à leur compte la citation du poète, la transformant en  » l’avenir appartient aux femmes « . La lutte légitime contre toutes les discriminations concerne tout autant celles à l’égard des minorités, des femmes et…des hommes !  De son côté, l’opposition bisontine « Besançon Maintenant », par la voix de Myriam Lemercier, s’est interrogée sur une dépense de plus de 100 000€ au bénéfice d’une artiste qui n’a aucune attache comtoise contrairement aux promesses de la Maire. « Il aurait été plus opportun d’organiser un concours au sein de l’ISBA pour confier aux étudiants de Besançon un projet de statue en hommage à Jenny d’Héricourt ».

Charles Quint n’est pas woke !

C’est du moins l’avis de Jean-Philippe Allenbach du Mouvement Franche-Comté qui regrette que  » Madame Vignot continue de s’approprier l’espace public pour y mettre en valeur des femmes…dont les idées correspondent aux siennes « .

 » Une statue qui va coûter 103 000€ aux contribuables bisontins alors qu’aucune rue, place ou statue porte le nom de Charles Quint, grand bienfaiteur de Besançon «  « Rebaptiser la place de la Révolution en « place Charles Quint »…ne coûterait que le prix d’une plaque », conclut Jean-Philippe Allenbach dans un communiqué au vitriol dont il a le secret !

Yves Quemeneur