« Je suis fromagère de profession mais j’exerce aujourd’hui le métier d’agent de pesée dans les fermes » explique-t-elle. Un choix dicté par le temps qu’il laisse pour le vélo, l’autre passion de cette fille d’agriculteurs venue de Saône et Loire qui, après quelques années de danse a opté à l’adolescence pour la pratique du VTT. « C’était une activité comme une autre au début… j’ai d’abord participé à des courses régionales et dès l’année suivante j’ai participé à mes premiers championnats de France » se souvient-elle. Une époque pas si lointaine des premiers tours de roues à haut niveau mais aussi des premiers bobos avec une chute qui a entrainé une fracture de la clavicule. Pas de quoi refroidir un enthousiasme grandissant puisqu’à peine un mois après, la jeune fille remontait déjà sur son vélo.
Du cross au marathon
« Mes études m’ont ensuite amené dans le Doubs, à l’ENIL de Mamirolle et en apprentissage à la fromagerie de Flangebouche ». C’est aussi dans ce secteur qu’elle rencontre son futur mari. Le VTT est bien sûr toujours d’actualité et elle profite de ses après-midis libres pour apprivoiser le relief franc-comtois. « En 2015, je participe à mes premiers championnats du monde et aux coupes du Monde où je termine 8ème sur une manche en Suisse ». Autant dire qu’avec de tels résultats, la place du vélo s’intensifie avec pas moins d’une quinzaine d’heures d’entrainement par semaine. Les belles performances mondiales et européennes s’enchainent. Estelle passe en Elite et obtient une 3ème place aux championnats de France avant d’enchainer des blessures importantes en 2017 et 2018 avec une fracture du tibia péroné et une fracture du péroné de l’autre jambe l’année suivante. Elle décide à la suite de ces accidents dans son parcours de vététiste amateur de laisser tomber le XCO, comprenez le cross pour passer au XCM, c’est-à-dire le marathon avec des distances de 60 à 120 km pour des courses qui durent de 4 à 7h.
Championne et mère de famille
Puis vient l’année 2019, celle où elle apprend qu’elle attend un bébé qui naitra l’année suivante. « 6 mois après la naissance de mon fils, je participais déjà au championnat de France marathon avec une 8ème place à la clé » explique-t-elle, expliquant reprendre alors des entrainements intensifs qui vont lui valoir sur cette même compétition de beaux résultats avec des podiums en 2021, 2022 et 2023 ainsi qu’un titre de vice-championne d’Europe. Un beau palmarès qui s’est aussi étoffé en se confrontant aux meilleures de sa discipline au niveau mondial, mais à quelques kilomètres de chez elles seulement, à Ornans. Estelle Morel est en effet devenue la spécialiste incontestée de l’extrême sur Loue. 2ème en 2020, elle remporte ensuite cette course en 2021, 2022 et il y a quelques semaines à peine en 2023. Et ce toujours avec un statut amateur. « La plupart des autres filles sont des professionnelles et n’ont ni boulot, ni enfant. Mais pour moi, travail et famille auront toujours été mon équilibre donc je ne regrette pas de ne pas avoir franchi le cap d’être dans une équipe pro ».
Aujourd’hui, l’heure est venue de remiser le VTT, en tout cas de mettre un terme aux courses de haut niveau. « J’ai décidé de dire stop et de me consacrer à ma famille avec aussi l’envie d’avoir un deuxième enfant ».