France. Le gouvernement veut « faire beaucoup, avec peu »

Le Premier ministre a tenu mardi 1er octobre son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale. Une feuille de route présentée pendant près d’une heure et demie, avec cinq grand chantiers prioritaires avec parmi eux l'Agriculture avec à sa tête la députée du Haut-Doubs Annie Genevard.

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C’est avec un ton calme et confiant que Michel Barnier s’est adressé à l’ensemble des députés de cette nouvelle Assemblée nationale post-dissolution. L’expérimenté homme politique, ancien commissaire européen, a rapidement démontré sa sérénité face au comportement d’une partie de l’aile gauche, regroupant majoritairement des députés La France Insoumise. Ces derniers, n’ayant pas accepté le choix d’un Premier ministre Les Républicains, 5e groupe en nombre d’élus dans l’hémicycle, ont immédiatement brandit leurs cartes d’électeur dès les premiers mots du chef du gouvernement avant de pousser continuellement des cris de contestation tout au long de ce premier discours de politique générale.

« Je vous demande de faire beaucoup avec peu et en partant de presque rien ». C’est en reprenant ces mots du Général de Gaulle, que Michel Barnier a résumé la situation française dans laquelle débute son mandat. Avant de rapidement corriger cette métaphore. « Aujourd’hui nous ne partons pas de presque rien. Je pars d’un vote populaire, qui traduit des attentes fortes […] et notre feuille de route prend en compte une double exigence : la réduction de nos dettes économique et écologique. »  

Un tiers de hausse des impôts, deux tiers de réduction des dépenses

 Après avoir annoncé que le déficit public devrait dépasser 6% cette année, le Premier ministre s’est engagé à réduire celui-ci à 5% du produit intérieur brut (PIB) en 2025, puis 3% d’ici 2029 et si possible dès 2027. « La charge de cette dette, 51 milliards d’€ est le deuxième poste de dépenses de l’État derrière l’École. » Pour atteindre ces objectifs financiers, Michel Barnier cible les dépenses publiques, « 57% de la richesse nationale contre 49% ailleurs en Europe ». Le Premier ministre demande également un effort collectif y compris des grandes et très grandes entreprises réalisant des profits importants « sans remettre en cause notre compétitivité. Cette exigence nous conduira à demander une contribution exceptionnelle aux Français les plus fortunés ». Concrètement, le gouvernement doit trouver 90 milliards d’€ hors inflation. Pour réunir cette somme, deux tiers des efforts concernent la réduction des dépenses publiques et un tiers sur la hausse des impôts.

Écologie : une grande conférence sur l’Eau annoncée

Sur la transition écologique, peu de surprises dans les annonces de Michel Barnier. L’élu Les Républicains mise davantage sur la filière nucléaire avec plus de réacteurs, une valorisation accrue de la biomasse au contraire des éoliennes pour lesquelles le Premier ministre veut « mieux mesurer leur impact ». Le diagnostic de performance énergétique (DPE) va être « simplifié » et son calendrier « adapté ». Le sujet de l’eau semble plus important dans l’esprit du nouveau résident de Matignon. Une grande conférence autour des enjeux stratégiques liés à l’eau est annoncée.

Reprise « sans délais » de la future loi agricole

L’Agriculture fait partie des priorités avec à sa tête, Annie Genevard. Dans son discours, Michel Barnier a loué plus de « transparence » sur les marges de la Grande Distribution, plus de contrats tripartites entre producteurs, transformateurs et distributeurs. « Mon gouvernement reprendra sans délais le projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations. »

Le scrutin à la proportionnelle va être étudié

Le résultat des élections législatives et l’Assemblée nationale plus morcelée que jamais ont fait réfléchir Michel Barnier sur un potentiel changement de scrutin, vers un système proportionnel, comme au Sénat. L’élu s’est engagé sur une réflexion « et une action, sans idéologie ».

Retraites : « corriger certaines limites »

Ce fut l’un des gros dossiers lors des élections législatives et l’un des arguments importants dans la campagne du Nouveau Front Populaire comme de l’extrême-droite : l’abrogation de la réforme des retraites. Le Rassemblement National a d’ailleurs déposé une proposition de loi en ce sens au début du mois. Michel Barnier l’assure « il faudra reprendre le dialogue […] certaines limites de la loi votée le 15 avril 2023 peuvent être corrigées », ciblant les retraites progressives, l’usure professionnelle ou encore l’égalité entre les femmes et les hommes (les carrières hachées, ndlr).

Mutualisation des services et compétences

C’est aussi l’une des pistes privilégiées par Michel Barnier qui a pris des exemples concrets comme le regroupement de Business France et Atout France, la fusion de France Stratégies et le Haut-commissariat aux plans « des services et organismes qui ont des objectifs communs » glissant au passage un tacle habile au Président de la République et ses prédécesseurs. « Il y a dans les services de l’État de l’intelligence, de l’expertise qui peuvent être utilisées sans avoir recours à des cabinets de conseil privés. » Acclamation dans la salle.

Dans la seconde partie de son discours Michel Barnier a dévoilé les « 5 grands chantiers prioritaires du gouvernement » : améliorer le niveau de vie des français, un meilleur accès aux services publics, renforcer la sécurité du quotidien, maîtrisé l’immigration et encourager plus de fraternité. Sur ce premier point, plusieurs propositions : l’exemple d’un futur livret d’épargne dédié au secteur, la fin des « des branches professionnelles dans lesquelles les minimas sont en-dessous du SMIC », ou encore la réévaluation du dispositif d’allègement des charges « qui freine la hausse des salaires au-dessus du SMIC »

Les votes passés et récentes déclarations des membres du gouvernement formé par Michel Barnier ont laissé craindre de potentiels débats autour de lois sociétales, comme le mariage pour tous ou la constitutionnalisation de l’IVG. Le Premier ministre a tenu une position ferme : « il n’y aura aucune remise en cause ».

« Nous ne maîtrisons plus notre politique migratoire »

Sur l’immigration, le chef du gouvernement s’est aussi démarqué des récentes annonces virulentes de son ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau. Souhaitant « le respect de l’État de droit », il a surtout proposé « de faciliter la prolongation exceptionnelle de la rétention des étrangers en situation irrégulière » avant de reprendre des idées déjà présente dans la loi immigration, dont la mise en place se poursuit. Le Premier ministre a toutefois évoqué une renégociation des accords bilatéraux avec les pays d’origine.