Besançon. Municipales 2026 à Besançon : une mobilisation en rangs dispersés

À près d’un an des élections municipales 2026, à Besançon, les différentes formations politiques avancent leurs premiers pions avec l’espoir d’en tirer le meilleur avantage. Tous souhaitent porter « un projet d’union », qui pourrait bien être bousculé par les ambitions des uns et l’intransigeance des autres.

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Photo DR

Rares sont les « moments de clarification » avec autant de flou. Rares sont les « appels au rassemblement » qui provoquent autant de séparation. Les élections municipales 2026, elles, sont bien lancées. Et tous les candidats usent d’autant de métaphores, de non-dits et de polémiques bruyantes possibles afin d’en tirer le meilleur avantage. Nous avons toutefois essayé d’en déceler les grandes lignes, à quelques mois du sprint final.

Qui sera derrière Anne Vignot ?

« On est à nouveau comme en 2020 », sourit Christophe Lime. « De toute façon, j’ai arrêté de faire des pronostics, ça fait des années que je me gourre. Et avec la situation nationale, bien malin est celui qui sait comment vont se dérouler ces élections ». Le chef de file du Parti Communiste Français (PCF) à Besançon est au moins sûr d’une chose : pour « garder la ville à gauche », il faut à tout prix éviter de refaire les mêmes erreurs qu’il y a cinq ans. L’union doit être plus large, plus précoce et surtout plus représentative. « On suivra la tête de liste qui respectera nos attentes. Le PCF ne propose pas de nom pour cette future liste, à condition d’être représenté comme on l’est aujourd’hui au sein de la majorité, que l’on apporte une partie du programme à venir et que ces idées soient mises en application ».

Anne Vignot, la Maire de Besançon, lors de la déconstruction de l’ancienne maternité. ©YQ

Si pour le communiste l’actuelle maire Anne Vignot a toute la légitimité pour se représenter, Christophe Lime attend une autre candidature en provenance du Parti Socialiste (PS). Effectivement. Un nom émanera bien si « les lignes rouges » fixées par les socialistes sont franchies, affirme Nicolas Bodin (PS). Elles sont aussi simples qu’incompatibles avec l’autre partie de la majorité actuelle : pas de France Insoumise et deux sujets replacés au centre du programme avec l’économie et le logement. « Je n’ai pas de regrets, même si, en 2020, je pensais qu’il y aurait plus de proximité entre les Verts et le PS. Aujourd’hui, on apprend beaucoup de choses par la presse ou les réseaux sociaux », confie l’adjoint en charge de l’économie bisontine, citant cette récente vidéo sur les bouchons bisontins que l’actuelle maire voit comme un signe positif d’attractivité. Un bad buzz de plus en ce début d’année 2025. L’intégration de la France Insoumise elle, malgré cette barrière du PS, a pourtant déjà commencé en coulisses. « L’urgence est de fonder une liste du Nouveau Front Populaire (NFP) au niveau local », défend l’insoumise Séverine Veziès (LFI/NFP). La candidate aux dernières élections législatives sur la 1ère circonscription bisontine ne jure que par cette ligne directrice partagée avec Anne Vignot et d’une certaine manière, par Christophe Lime : « maintenir la ville à gauche ».

Nicolas Bodin (PS) ©YQ

Mais pourquoi faire ? « Gérer une ville qui s’appauvrit doit nous interroger. Il y a un espace politique pour une gauche responsable », tranche Nicolas Bodin (PS) quand en face, LFI et EELV pointent l’irresponsabilité d’une potentielle division face à une droite grandissante mais jugée « responsable du chaos politique national actuel ».

Christophe Lime chef de file des communistes bisontins, veut une union de la gauche. ©YQ

L’Écoquartier des Vaîtes, symbole de cette incompatibilité

« Je ne veux pas être élu à tout prix. Ce discours de « garder la ville à gauche » ne m’intéresse pas sans un débat de fond guidé par l’écologie en partie, mais surtout l’économie ou encore le logement. Je ne veux pas créer des zones d’activités juste pour le plaisir mais parce que le mot chômage va très vite revenir », poursuit Nicolas Bodin, craignant une déclinaison locale de La France Insoumise déconnectée de ces enjeux, comme sur l’écoquartier des Vaîtes. « Sur le principe, je suis toujours contre l’artificialisation des sols, ça n’a pas changé », maintient Séverine Veziès (LFI). Pas question pour autant d’en faire « l’alpha et l’oméga » de la vie bisontine et de ce rassemblement à gauche. Les négociations avancent, non sans mal. « Vous comprenez maintenant pourquoi on s’y prend tôt ! », ironise Christophe Lime (PCF).

©YQ

La gauche bisontine vit aussi un émiettement de structures : les partis bien ancrés (PS, EELV, PCF, LFI) suivent l’évolution d’autres antennes locales comme la récente création de Place Publique, quand d’autres militants se réunissent autour de François Ruffin (voir encadré). « J’écoute toujours avec intérêt François Ruffin et notre liste avec Place Publique est arrivée en tête à gauche aux dernières élections européennes. C’est sur ce même principe que Les Verts ont mené le projet en 2020 », rappelle Nicolas Bodin (PS).

François Ruffin député ex-LFI, après une séparation très difficile avec la bande à Jean-Luc Mélenchon, prépare une aventure en solitaire et compte plusieurs soutiens à Besançon. Son micro-parti Picardie Debout ! a déjà lancé des antennes locales dans d’autres départements en France. De quoi prendre la température sur l’ensemble du territoire quant à une possible candidature pour 2027. Ce scénario a déjà trouvé des sympathisants à Besançon et ceux-ci comptent bien jouer un rôle dans le rassemblement souhaité pour élections municipales bisontines en 2026. Un soutien à François Ruffin également porté par une lassitude de Jean-Luc Mélenchon. Et ce, au cœur de la ville qui a fait naître le militantisme du fondateur de La France Insoumise.

Poker menteur entre Laurent Croizier et Éric Delabrousse

La gauche n’est pas la seule à se disperser dans cette quête de rassemblement. Au centre et centre-droit de l’échiquier politique bisontin, la récente dissolution du groupe d’opposition Ensemble Bisontins ! (quatre conseillers), présidé par Laurent Croizier (Modem), remet en lumière la course lancée entre le député de la 1ère circonscription et le candidat Horizons (HOR) Éric Delabrousse. Ce dernier s’appuie désormais sur son élue, Karima Rochdi (HOR), présidente du nouveau groupe, S’Unir Pour Besançon au sein de l’actuel conseil municipal. « Ça me donne une légitimité suffisante pour que vous m’interrogiez », s’amuse le médecin. « Ça me permet aussi d’afficher que je participe à l’opposition. Mais ce n’est pas nous qui sommes à l’origine de cette décision, c’est Laurent Croizier ».

Au cœur de cette séparation, une façon « différente de participer à la vie municipale », souligne Karima Rochdi. « Avec Agnès Martin (Renaissance, seconde élue au sein du groupe S’Unir pour Besançon, ndlr), on est dans une logique de construction avec tout le monde, même parfois la majorité. L’opposition du groupe devenait trop caricaturale, nous n’étions plus d’accord dans la manière de représenter nos idées. », précise l’intéréssée, s’appuyant sur des messages reçus par des citoyens bisontins souhaitant plus d’apaisement.

Eric Delabrousse a été choisi par Édouard Philippe pour porter une candidature Horizons aux prochaines élections municipales 2026.

« Ce sont des désaccords entre élus, mais pas entre partis », tempère Laurent Croizier (Modem). Toujours est-il qu’à un an des élections municipales 2026, cette scission interroge. Si les ambitions d’Éric Delabrousse pour les élections municipales sont connues depuis plusieurs mois, Laurent Croizier est aussi « candidat à la candidature », comprenez en lice pour porter cette liste commune réunissant les formations politiques de l’ex-coalition présidentielle. « Je souhaite l’alternance à Besançon », poursuit le député. Éric Delabrousse (HOR) aussi. « Mais moi, je ne commence pas en disant « je suis candidat » et suivez-moi », enchaîne Laurent Croizier. Une manière de rappeler que seule une discussion collective tranchera. Dans cette course, le conseiller d’opposition du nouveau groupe Besançon, passionnément, conserve un avantage de taille : le résultat des urnes aux élections législatives.

Laurent Croizier est réélu dans la 1ere circonscription, après avoir remporté la seule triangulaire du territoire. Photo DR

Qui du député Modem ou du président de son groupe de soutien, remportera la mise ? « Aujourd’hui je ne co-construis rien avec Laurent Croizier, mais ça ne veut pas dire que ça ne se fera pas », glisse Éric Delabrousse. « C’est un excellent député, il faudra qu’il explique comment dans le même temps il peut construire un projet pour Besançon ».

Ludovic Fagaut prépare sa revanche

Dans cette préparation, le plus clair dans ses intentions reste aujourd’hui Ludovic Fagaut (LR). C’est à peine si l’intéressé tente un écran de fumée. « Je n’ai encore rien annoncé, le seul calendrier que je respecterai sera le mien ».Bien sûr, le chef de file du groupe Besançon Maintenant au sein de l’opposition municipale actuelle va d’abord échanger avec le bureau national des Républicains. Mais les tractations en coulisses de son mentor, le sénateur Jacques Grosperrin actuellement à la recherche de personnalités locales pour soutenir cette candidature, ne laissent aucun doute. Cela fait cinq ans que Ludovic Fagaut attend sa revanche. « Le match, tout le monde le connaît, c’est Anne Vignot contre Ludovic Fagaut », lâche l’intéressé. De quoi balayer toute autre éventualité. « Je ne suis pas un élu Facebook, être maire de Besançon ne s’improvise pas », enchaîne le vice-président au Département du Doubs, lorsqu’on évoque le nom d’Éric Delabrousse (HOR). « J’ai appris de 2020, il nous a manqué 566 voix, évitons les dispersions. Je ne vais parler pour personne mais chacun doit prendre ses responsabilités ».

Ludovic Fagaut ©YQ

Ce sera derrière ou contre lui. Le reste n’est qu’illusion pour le candidat de la droite, qui au moment de lancer un appel, s’autorise un écart. « Quand vous regardez notre groupe, il y a des membres Les Républicains, des gens de la société civile ou même de centre gauche ! » prenant à temoin sa conseillère municipale Myriam Lemercier. Un large éventail de sensibilités affiché à l’aune d’un grand rassemblement. Même en cas d’accord au niveau national, à l’image des derniers gouvernements Barnier et Bayrou, Ludovic Fagaut (LR) se dresse en seule alternative crédible pour battre Anne Vignot.

M.S