Avoudrey n’a jamais oublié Martin Smith

En 1944, alors que les alliés n’avaient pas encore débarqué en Normandie, les soldats d’outre Atlantique s’activaient déjà à libérer la France. A Avoudrey, on se souvient d’un événement en particulier.

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Martin Smith était à Avoudrey il y a tout juste 20 ans.

Le 27 mai 1944 à l’heure du déjeuner, les habitants d’Avoudrey qui étaient à table en famille ont eu la surprise d’entendre un bruit assourdissant et de voir atterrir en catastrophe un gros avion de l’US Air Force : un Boeing B-17 appelé Forteresse Volante. Avec ses dix hommes à bord, parti d’Angleterre pour mener une mission sur Strasbourg, des ennuis mécaniques ont contraint le pilote à poser l’appareil dans cette campagne qu’il pensait être la Suisse. Parmi les aviateurs américains, Martin Smith, au poste de mitrailleur de queue, n’échappe pas à une patrouille allemande et, capturé puis enfermé, il ne sera libéré qu’en avril 1945.

Le héros présent au village en 2004

« De cet épisode, j’avais vu une première photo ; une seconde nous a permis d’identifier l’appareil et de poursuivre les recherches » explique Philippe Guillerey, qui, il y a une vingtaine d’années pensait juste résumer cet événement historique en quelques pages dans le bulletin municipal. Puis à force de recherches, il a réussi à entrer en contact avec Martin Smith. « Son témoignage m’a permis d’écrire un livre, « Crash pour la liberté », dont les droits d’auteur sont allés à l’association B-17, ce qui a permis de le faire venir en France avec son épouse pendant une quinzaine de jours 2004. Ce fut l’occasion d’inaugurer une stèle à l’endroit même où l’avion s’est posé en 1944 et de lui décerner la Légion d’Honneur ».

Transmettre la mémoire

Depuis, malheureusement, après son épouse en 2009, le soldat américain est décédé en 2017 à l’âge de 94 ans. Son souvenir ne s’est pas pour autant éteint à Avoudrey où la décision a été prise de fêter à la fois le 80ème anniversaire de cet atterrissage impromptu et le 20ème anniversaire de la venue ici de l’un de ces héros venus du ciel. « Ce sera une journée spéciale, en présence d’anciens combattants, avec défilé de véhicules militaires de collection de la Libération et inauguration de la Rue Martin Smith à Avoudrey ». Les organisateurs de cet hommage ont récemment appris une nouvelle qui les a émus et motivés un peu plus encore à perpétuer ces commémorations. « Son petit-fils et son arrière-petit-fils seront présents à nos côtés ce 14 juillet 2024 ». Une belle façon de perpétuer la mémoire de Martin Smith à Avoudrey et à travers lui de tous ces soldats venus d’outre Atlantique rendre sa liberté au peuple français.

Une des rares images du B17 dans un champs d’Avoudrey en 1944.

 

ENCADRÉ

Le livre « Crash pour la liberté »

Dans cet ouvrage, Philippe Guillerey fait découvrir la formation en Amérique des équipages des Forteresses Volantes. Le récit de plusieurs opérations au-dessus de la France et de l’Allemagne en dit long sur les risques pris pour larguer quelques tonnes de bombes lors de vols approchant les dix heures.

On découvre aussi l’exiguïté des places à bord de l’appareil, l’équipement nécessaire pour lutter contre le froid à plus de 7000 mètres d’altitude. Il y a aussi la peur du début à la fin, chacun étant isolé dans sa partie de fuselage, relié aux autres par son seul laryngophone et le téléphone de bord. On comprend les longs préparatifs du vol dont le délicat chargement des bombes, puis enfin le vol et l’attente à scruter le ciel pour apercevoir le petit point noir du chasseur ennemi qu’il faudra abattre coûte que coûte malgré les soubresauts terrifiants de l’appareil, matraqué soudain par la DCA qui crible le fuselage.

Les différents profils de mission avec ou sans protection de chasseurs, la difficulté d’identifier les objectifs et l’imprécision des bombardements, les procédures de survie en cas d’abandon de bord, les techniques d’amerrissage, les dispositions à prendre en cas de capture, tout est expliqué, jusqu’aux trois photos d’identité emportées par les soldats pour d’éventuels faux papiers s’ils se retrouvaient en territoire occupé.