4,5 millions de boîtes par an
Le Mont d’Or a obtenu son AOC en 1981, puis son AOP en 1996. 32 millions de litres de lait sont collectés auprès de 400 producteurs tous situés dans 95 communes du Haut-Doubs au-delà de 700 m d’altitude. Un cahier des charges très strict pour ce fromage à la croûte veloutée et légèrement plissée qui nécessite 7 litres de lait pour un kilo de fromage.
6 000 tonnes de Mont d’Or sont produites par une dizaine d’entreprises du Haut-Doubs. Toutes les saveurs vont s’exprimer au terme de 21 jours d’affinage, partageant les arômes d’épicéa de la sangle qui entoure le fromage. La pâte molle va ensuite se loger dans une boîte également en épicéa, à peine plus petite que le fromage. C’est ainsi que le Mont d’Or va prendre sa forme évoquant le relief des montagnes du jura.
Eric Fevrier, Président du syndicat interprofessionnel du Mont d’Or, tient à élargir le périmètre de l’appellation à d’autres communes répondant au cahier des charges. « Un de mes objectifs est d’inclure d’ici 2024 une quarantaine de communes dans le champ de l’appellation Mont d’Or ». Pour le dirigeant du syndicat et lui-même producteur de lait à Arc-Sous-Cicon « le but n’est pas de multiplier les tonnages de Mont d’Or mais au contraire de jouer la carte de territoires où Montbéliardes et Simmentals pourront paître sur des surfaces plus grandes ». Aujourd’hui le cahier des charges impose une surface de pâture de 1 ha par vache. « Parce que les enjeux écologiques sont nombreux, nous engageons une réflexion sur l’adaptation de notre AOP au dérèglement climatique. Nous souhaitons anticiper et adapter nos pratiques aux évolutions des ressources de notre terroir. Nous voulons accentuer la qualité de proximité de ce fromage si particulier ».
Le Mont d’or, une vieille histoire
On parle d’un document mentionnant un fromage sanglé en 1280. Et Louis XV le servait sur la table royale. A l’origine, le « vacherin » était le fromage des « vachers » d’où son nom. En hiver, l’accès aux fruitières était compliqué, les éleveurs fabriquaient à la ferme des petits fromages pour leur consommation personnelle.
Vacherin ou Mont d’Or
Le « Vacherin du Haut-Doubs » ou « Mont d’Or », est un fromage au lait cru de ce côté-ci de la frontière. Il porte l’appellation « Vacherin Mont-d’Or » dans le canton de Vaud.
Français ou Suisse, ce fromage a probablement été inventé à cheval sur la frontière quand les vaches produisaient moins de lait en hiver. Il fallait inventer un produit moins gourmand en lait que le Comté.
Première différence, l’AOP côté français impose l’utilisation de lait cru. Dans le canton de Vaud, le lait est légèrement chauffé (thermisé) pour l’aseptiser. Selon Eric Fevrier, « l’utilisation du lait cru nécessite plus de contrôles qualité ». Seconde différence de taille, le temps d’affinage est plus long en Suisse. Le Vacherin Mont-d’Or est affiné en cave pendant 21 jours, voire plus, quand son voisin comtois est mis sur le marché au bout de 21 jours et mis en boîte dès le 12ème jour.
La croûte fleurie du Mont d’Or rappelle l’aspect du camembert quand le Vacherin Mont-d’Or est un fromage à croûte lavée. Préférence au fromage du Haut-Doubs à la couleur et au goût plus typés.
Un lait bien valorisé
Le Mont d’Or est toujours proposé dans sa boîte. Elle va de 11,5 cm (mini) à 33 cm pour une hauteur de 6 cm. Le prix d’une boîte varie donc selon son poids compris entre 400 gr et 3 kg. Il s’agit d’un produit d’exception à la fois abordable pour les consommateurs et rémunérateur pour les éleveurs. Le prix du litre de lait à Mont d’Or avoisine celui du lait à Comté. Toutefois « la hausse des coûts énergétiques impacte les marges, qu’il s’agisse des coûts de production et surtout des coûts de collectes » s’inquiète Eric Fevrier.
La guerre des sangliers
Le cahier des charges du Mont d’Or impose l’utilisation exclusive de sangles en épicéa. A la différence du Vacherin suisse qui oblige des sangles issues de la région de production, l’appellation française autorise des sangles en épicéa importées.
C’est le sujet qui fâche dans le monde de la boîte chaude. « Trop peu de fromageries utilisent des sangles comtoises » s’insurgent les professionnels du collectif « Amis des artisans sangliers du Haut-Doubs ». Sur le fond, on ne peut pas leur donner tort : imposer des sangles d’épicéa originaires de la zone de production répondrait au souci de proximité du syndicat interprofessionnel du Mont d’Or. Pour autant, souligne Eric Fevrier, « il existe encore 40 sangliers dans le Haut-Doubs. Ils ne peuvent pas fournir les sangles pour les 6 000 tonnes de Mont d’Or, d’autant que les sangles sont également utilisées pour des produits fromagers hors zone de Mont d’Or (comme l’Edel de Cléron) ». Pour Eric Fevrier, la polémique n’a plus lieu d’être « le prix des sangles franc-comtoises a augmenté de 12% ». Pour les professionnels de la filière, ce n’est pas un problème de coût mais bien de capacité à produire des sangles en quantité suffisante. Et puis… on dira que l’épicéa a la même odeur, qu’il pousse dans les forêts du Haut-Doubs ou dans la forêt de Bialowezia en Pologne !
La bonne nouvelle, c’est que le Mont d’Or arrive dans les magasins le 10 septembre (une semaine plus tard pour le Vacherin suisse). Boîte chaude accompagnée de pommes de terre et de charcuterie comtoise pour les uns, juste à température pour les autres, le Mont d’Or est un fromage de plaisir et de partage. On notera l’avis personnel et éclairé d’Eric Fevrier « Tous les arômes du Mont d’Or s’expriment mieux en le mangeant froid, chambré tout simplement ».
Le département du Doubs est un territoire enchanteur. On y fabrique le bon goût, on y fabrique le temps. Il ne faudra pas manquer les 40 ans d’une appellation magique : ce sera le 1er octobre prochain à l’Abergement-Sainte-Marie.
Yves Quemeneur