Le Grand Oral des candidats à la Présidentielle à Micropolis le 30 mars 2022

Le moment avait été important il y a cinq ans. Lors du congrès national de la FNSEA en 2017, sept candidats avaient affronté le monde paysan. En 2022, ils étaient six prétendants à se disputer les applaudissements des 1000 agriculteurs réunis en congrès national à Besançon.

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Christiane Lambert, Présidente de la FNSEA et du Conseil de l'Agriculture française ©YQ

La présidente nationale de la FNSEA, Christine Lambert, avait posé clairement la règle du jeu. Étaient invités à ce grand oral les candidates et candidats ayant un score supérieur à 2% dans les sondages à la date du 3 mars.

Nathalie Artaud (Lutte Ouvrière), Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) et Philippe Poutou (Nouveau Parti Anticapitaliste) n’étaient donc pas conviés à échanger avec le monde agricole. De leur côté, Anne Hidalgo (Parti Socialiste), Jean-Luc Mélenchon (France Insoumise) et Yannick Jadot (écologistes) avaient décliné l’invitation. La grande salle de Micropolis « piaffait » d’impatience pour écouter les six autres candidats évoquer leur projet pour l’agriculture française et européenne. Dix minutes d’intervention chacun suivies d’une vingtaine de minutes d’échanges avec les congressistes…toutes et tous n’avaient pas un sillon rectiligne !

Fabien Roussel, « le paysan bon vivant »
Fabien Roussel, candidat à l’élection présidentielle ©YQ

Avec le candidat du Parti Communiste, on retrouvait la harangue un peu surannée, le verbe haut et le bon sens de la grande époque du parti populaire. « D’ici 2030, on sera passé de 500 000 à 300 000 exploitations agricoles en France. Si on ne fait rien, nous serons dépendants des productions étrangères. Je souhaite promouvoir l’installation de 25 000 paysans/an pour défendre le « produire français » et garantir notre souveraineté alimentaire » assure Fabien Roussel. Sur la question du foncier et de l’accès aux crédits, le candidat communiste poursuit « je nationaliserai une banque importante et l’assureur Axa. Vous, agriculteurs, quand vous emprunterez 100, vous rembourserez 80 ». L’idée est séduisante venant d’un « bon vivant » qui a conclu par un propos optimiste « Arrêtons de nous tirer des balles dans…le blé » !

Emmanuel Macron, « le paysan virtuel »
Emmanuel Macron, candidat à l’élection présidentielle ©YQ

L’actuel locataire de l’Elysée avait imposé ses conditions aux organisateurs du « Grand Oral ». Ne pouvant se déplacer à Besançon pour échanger en direct avec les agriculteurs, le président de la République avait enregistré une intervention et répondu à des questions…préparées à l’avance. On regrettera un discours très « techno » « je veux consolider notre indépendance en rémunérant mieux les agriculteurs et je serai intraitable sur les différences de traitement entre les pays de l’Union Européenne ».

Marine Le Pen, « la paysanne localiste »
Marine Le Pen, candidate à l’élection présidentielle ©YQ

« Face aux talibans de la verdure, je veux assurer la souveraineté alimentaire de notre pays au plus près des territoires ». Le sujet de la transmission des exploitations agricoles était au cœur de ses propos. « Je souhaite exonérer de droits toutes les transmissions, dans ou hors le cadre familial à condition d’assurer le maintien de la ferme au moins pendant 10 ans ». La candidate du Rassemblement National a été interpellée sur le bien-être animal. Marine Le Pen a tenté de rassurer les éleveurs déjà fortement contraints par les réglementations françaises et européennes. A l’amoureuse des chats, un représentant agricole lui a répondu « Nous veillons quotidiennement au bien-être de nos animaux ».

Valérie Pécresse, « la paysanne des beaux quartiers »
Valérie Pécresse, candidate à l’élection présidentielle ©YQ

Très « techno » également, la candidate des Républicains a joué la carte de l’innovation pour accompagner le monde agricole dans la transition des produits phytosanitaires. « C’est le progrès scientifique que je développe dans ma région qui permettra de trouver les bonnes solutions pour une agriculture durable ». Valérie Pécresse a profité des récentes dégradations sur les réserves d’eau agricoles « le sujet de l’eau, la rareté de la ressource liée au réchauffement climatique ne peut se régler en détruisant les bassins de stockage ». Valérie Pécresse a assuré « que « le zéro artificialisation net » ne pouvait se résoudre que territoire par territoire », faisant la différence entre urbain et rural.

Eric Zemmour, « le paysan intello »
Eric Zemmour, candidat à l’élection présidentielle ©YQ

Le candidat du parti « Reconquête » a axé son intervention sur « la nécessaire dotation aux nouvelles installations et au développement de l’apprentissage dans les filières agricoles ». Il souhaite redynamiser les zones rurales par une présence accrue des services publics « je veux des brigades de gendarmerie dans tous les territoires ruraux pour assurer la tranquillité publique« . Pour le candidat souverainiste « il est insupportable qu’un poulet sur deux, voire deux poulets sur trois consommés en France, soient importés ».  « Les crises actuelles ressuscitent le danger de famine » s’inquiète Eric Zemmour qui a conclu son intervention  par un vibrant « je veux pousser à l’innovation dans le monde agricole et ne plus signer des accords de libre-échange  dans lesquels les paysans français sont perdants ».

Jean Lassalle, « le paysan du bon sens »
Jean Lassalle, candidat à l’élection présidentielle ©YQ

Le berger de la vallée d’Aspe a le sens de la répartie. Aux agriculteurs français réunis à Besançon, il ne craint pas de leur dire « chez les paysans, on dit la vérité…ce n’est pas comme en politique où on ment ! J’en sais quelque chose, je suis les deux… ». Il veut « reconstruire le marché de la proximité et exonérer de droits les transmissions foncières ». « Tout est dans l’esprit » s’emporte le béarnais du haut de son mètre 90. Devant les folies de la mondialisation, « il est le paysan du retour à la lucidité ».

A l’applaudimètre et au bon sens devant les 1000 agriculteurs présents au congrès de la FNSEA à Besançon, Fabien Roussel et Jean Lassalle ont gagné haut la main.

Yves Quemeneur