Philippe Monnet, président de la FDSEA du Doubs

A l’occasion de son congrès national à Besançon, le syndicat agricole majoritaire en France reçoit les candidats à la présidence de la République. L’occasion d’évoquer des sujets importants pour l’avenir mais aussi pour le présent au vu de la situation internationale.

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Philippe Monnet

En quoi la guerre Ukraine-Russie concerne l’agriculture française ?

En agriculture, nous sommes tributaires du sol, du climat, de nos pratiques…Mais aussi des autres pays du fait de la mondialisation avec des échanges de plus en plus importants. Les choix politiques faits après la 2ème guerre mondiale ont voulu que des régions du monde se spécialisent : l’Amérique du Sud pour la production de protéines ; les Etats-Unis mais la Russie et l’Ukraine pour les céréales, ces deux derniers pays bénéficiant de sols très riches aux rendements exceptionnels. Et donc dès qu’un problème naturel ou politique grippe le système, nous avons une situation de crise comme aujourd’hui…

Quelles sont les conséquences ?

Du fait du conflit entre Ukraine, on va connaître des soucis dans quelques mois pour l’alimentation humaine comme l’a évoqué le président de la République puisque les semailles ne peuvent pas être effectuées, mais dès maintenant, on ne peut plus importer ce qui est un souci pour la nourriture du bétail car leurs productions servent aussi à ça. Du coup, pour les éleveurs ici, l’alimentation est de plus en plus chère. La situation est identique pour les engrais pour lesquels nous sommes très dépendants de l’étranger, dont la Russie. Les prix ont déjà doublé voir triplé et on n’est pas loin d’une pénurie.

Quelle est selon vous la solution ?

Il faut renforcer notre autonomie pour être moins dépendants d’achats extérieurs comme c’est le cas aujourd’hui. Je prends un exemple : en gardant ses animaux et en les nourrissant avec herbe et maïs, l’agriculteur va récupérer fumier, purin et lisier et aura moins besoin d’engrais importés. On pourrait prendre pour schématiser l’image de la ferme comtoise d’autrefois qui pouvait vivre en autarcie. Il faudrait que le pays tende vers cet idéal. La France mais surtout l’Europe doit donc se diriger vers une véritable souveraineté alimentaire. On s’est rendu compte avec la pandémie et maintenant avec cette guerre que les humains doivent respirer mais aussi boire et manger. Et pour cela, l’agriculture est vitale !

La réforme de la PAC répondra-t-elle à ces attentes ?

La future Politique Agricole Commune est tournée vers une agriculture prenant mieux en compte biodiversité et environnement et c’est très bien. Par exemple, il est prévu que 5% des terres céréalières seront laissées chaque année en jachère donc non exploitées. La question qui se pose maintenant face à cette crise, c’est, peut-on se le permettre à l’heure actuelle ? on voit bien que la nourriture est une arme stratégique et qu’en la matière l’Europe est loin d’être autonome. La FNSEA est de l’avis du ministre français de l’agriculture : renégocions et repoussons ce qui était prévu tout en gardant les principes de respect de l’environnement.

Et à plus court terme, quelles sont vos revendications ?

Il faut rapidement aider le secteur de l’élevage. Un plan d’urgence s’impose avec des aides directes et pourquoi pas créer un stock de viande au niveau national au cas où, pour anticiper une crise plus grave dans les mois à venir… Pour revenir sur l’autonomie, chaque agriculteur soit pour cela effectuer des investissements : pour la récupération d’eau par exemple, pour un séchage naturel du foin, pour produire de l’énergie avec la méthanisation notamment…

Recevoir les candidats lors d’un Congrès est-ce vraiment important ?

Ils font le choix de venir ou non. Pas seulement pour un monologue permettant de dresser les grandes lignes de leur programme en matière d’agriculture mais aussi pour répondre aux questions. C’est un exercice démocratique important qui permet ensuite à chacun de se faire sa propre opinion, d’éclairer le choix au moment du vote. C’est aussi l’occasion de rencontrer celui ou celle qui sera ensuite notre interlocuteur ou notre interlocutrice.