
Au cours de ses 80 années d’existence, Charles de Gaulle (1890-1970) ne sera venu en Suisse que cinq fois, jamais en tant que président de la République. « Il n’y est resté qu’entre 10 min et deux jours. Au total, cela équivaut à seulement une semaine », s’amuse Philippe Pichot, passionné d’histoire. Pourtant, en creusant davantage, le directeur du syndicat mixte du Pays du Haut-Doubs s’aperçoit que la Suisse a joué un rôle dans le parcours du général, tant sur le plan guerrier, intime, militaire que présidentiel. Après des années de travail, naît l’exposition itinérante Charles de Gaulle et la Suisse : une histoire intime et complexe qui a fait halte à la Chapelle des Annonciades à Pontarlier du 26 avril au 12 mai.
Au départ, un aïeul militaire, François-Ignace Nicol, arrière-arrière-arrière-grand-père de Charles de Gaulle, est natif de Porrentruy dans le Jura Suisse et engagé à l’âge de 13 ans dans le dernier des régiments suisses. L’exposition se décline ensuite en seize grands panneaux, explicatifs et illustrés, détaillant avec précision de nombreuses anecdotes, épisodes historiques et voyages personnels qui relient Charles de Gaulle à la Suisse. Fait prisonnier lors de la Première Guerre mondiale, il tente à cinq reprises de s’évader jusqu’en Suisse, toutes ont échoué. La confédération helvétique est le refuge de sa famille, menacée par les Allemands durant la Seconde Guerre mondiale. C’est également la Suisse qui livre à Charles de Gaulle le maréchal Pétain qui est défendu par un « grand avocat, Jacques Isorni, d’origine suisse », sourit Philippe Pichot.
« Une histoire faite de douleurs, de blessures, de plaies »
Avec cette exposition, on découvre que la Suisse a été présente au plus profond de l’histoire personnelle du général de Gaulle. « Une histoire faite de douleurs, de blessures, de plaies… jamais véritablement refermées ». Plusieurs soldats suisses ont suivi le général dans Les Forces françaises libres ou dans la Résistance intérieure pendant la Seconde Guerre mondiale mais furent condamnés par leur nation pour avoir enfreint le code militaire suisse interdisant à tout ressortissant helvète de s’engager dans une armée étrangère. Il faut attendre 2024 pour que la Confédération suisse les réhabilite. La Suisse a joué un rôle dans la question de l’indépendance de l’Algérie, dossier qui ramène Charles de Gaulle au pouvoir en 1958. Notre pays voisin a également été le refuge des terroristes de l’Organisation armée secrète (OAS) qui a tenté d’éliminer le général lors de l’attentat du Petit-Clamart en 1962. Une histoire intime et complexe détaillée au travers de cette exposition qui fait partie de l’un des temps forts des commémorations du 80e anniversaire de la Libération qui se déroulent entre 2024 et 2025.
Anne de Laroullière, petite-fille du général de Gaulle, marraine de l’événement
Le 29 avril, lors du vernissage de l’exposition à Pontarlier, Anne de Laroullière, petite-fille de Charles de Gaulle, a fait le déplacement. Marraine de l’événement, « je suis admirative du travail passionnant qui a été accompli. Je découvre comme vous l’histoire entre mon grand-père et la Suisse. Il y avait des parties que je connaissais, telles que la Libération, mais je ne savais pas le rôle de la Suisse dans la question algérienne. C’est passionnant de découvrir encore des choses », se réjouit Anne de Laroullière.
En évoquant le nom de son grand-père, Anne de Laroullière sourit, ressent une certaine fierté, mais en parle sous un angle précis. « J’avais 11 ans quand il est décédé. J’ai connu le grand-père, non le chef d’État, même si j’avais conscience de sa notoriété. Il chantait des chansons, jouait aux cartes. Il était très famille ». 55 ans après sa mort, Charles de Gaulle reste dans les mémoires. « Il y a un homme par siècle, je dirais que mon grand-père est celui du XXe. Dès qu’il y a une crise, des élections, on parle de Charles de Gaulle. C’était un visionnaire ».