Doubs. La fibre s’installe non sans mal

Le Syndicat Mixte Doubs Très Haut Débit a quasiment fibré l’ensemble du département à l’exception des zones AMII pilotées par Orange. La multiplicité des acteurs de cette installation et leurs sous-traitants provoquent néanmoins des retards et approximations.

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Photo M.S

Ça n’arrête pas de circuler cet été à Montperreux. La commune juchée au-dessus du Lac Saint-Point profite des premiers touristes avides de randonnées et balades à vélo. Michel Pêpe, 1er adjoint en est très fier. À l’inverse, le retraité qui a découvert la politique communale en 2020, comme 13 autres des 15 conseillers, fulmine en observant le ciel. Ou plutôt les multiples poteaux électriques. Si le déploiement de la fibre à Montperreux était annoncé pour le 30 juin, les travaux ne sont pas terminés ou approximatifs.

220 millions d’€ en dix ans

« Nous sommes tous ou presque de jeunes élus, nous découvrons les rouages et le fonctionnement de certains dossiers demandent beaucoup de temps, d’accord. Néanmoins, quand on voit l’état du projet, on ne peut qu’être désemparé. C’est lamentable et nous sommes les premiers à être pris pour responsable par la population alors qu’en réalité on ne peut rien contrôler. », confie Michel Pêpe. Le premier adjoint tout comme le maire Jean-Luc Barnoux ont bien tenté de contacter les responsables. L’arrivée de la fibre à Montperreux comme sur l‘ensemble du département excepté les zones AMII (NDLR : appel à manifestation d’intention d’investissement, dont Orange a la charge avec SFR comme co-financeur et qui concerne plusieurs communes du Grand Besançon, du Pays de Montbéliard et Pontarlier), est pilotée par le Syndicat Mixte Doubs Très Haut Débit (SMIX) depuis 2013. Un projet colossal à 220 millions d’€ et un déploiement des plus rapides en France.

Question de temps et de coût

Les premiers travaux ont débuté en 2015 à Vaux-et-Chantegrue avant de s’étendre en utilisant au maximum les infrastructures existantes. Hors-zone AMII, cela passe par les réseaux souterrains gérés par Enedis (ex-ERDF) mais aussi des poteaux électriques, ces « appuis aériens » détenus par les collectivités ou par Orange (ex-France Telecom). Le réseau de fibre optique, totalement nouveau, est la propriété du SMIX et jonche les anciens câbles également gérés par Orange. « Quand on déploie la fibre, nous n’avons pas la maîtrise des objets qui ne nous appartiennent pas. », commente Jean-Louis Chauvin, directeur du SMIX. « Il y a parfois des conduits souterrains saturés ou impossible à utiliser selon les règles en vigueur. Nous avons remplacé 20 à 30% des poteaux d’Orange, c’est un coût d’environ 200 à 300 €. Concernant ceux d’Enedis, ils n’ont pas la capacité de suivre le cadencement de changement d’appuis et en remplaçant toutes les structures le coût aurait explosé. Chez eux, un appui c’est 3000 à 4000 € l’unité alors qu’il suffit parfois d’ajouter un renfort. »

Trois intervenants donc, qui font aussi appel à des sous-traitants pour chaque chantier. Alors forcément du point de vue de l’élu, c’est un casse-tête. Surtout quand le déploiement de la fibre est plus rapide que le rapatriement de l’ancien réseau. Ce qui donne des situations parfois ubuesques : à Montperreux, on retrouve des nœuds de câbles conséquents, d’autres pendent le longs des poteaux où sont laissés par terre dans l’attente d’être récupérés. L’entreprise a annoncé la fin de son réseau cuivre au niveau national d’ici 2030. Parallèlement, des travaux sont inachevés, dans l’attente d’un nouveau passage de l’un des sous-traitants d’Orange ou d’Enedis. Une pancarte « danger de mort » par-ci, un câble aérien à hauteur de camion par-là. Rue du Président Edgar Faure par exemple, la commune attend depuis des mois le passage des trois intermédiaires pour un morceau de tuyau permettant de faire la bascule entre l’ancien ouvrage et le nouveau.

Selon Michel Pêpe, ce type d’ouvrage est toujours en chantier, près d’un an après le début des travaux. Il faut trois intervenants pour changer un morceau de tuyau…

Michel Pêpe et les habitants sont désabusés face à ce constat auquel s’ajoute de nouveaux problèmes : paradoxalement, la fibre est installée, fonctionne et les opérateurs (Free, Orange, SFR, Bouygues), démarchent déjà habitants. « Ils viennent raccorder les foyers et ne referment pas les boitiers, arrachent des anciens câbles en les laissant, déconnectent d’autres habitants déjà branchés ! », assure le premier adjoint. On est loin de la grande cérémonie fin juin à Bonnétage où, Christine Bouquin et 200 acteurs locaux fêtaient les 10 ans du lancement.

Dans l’attente d’Orange partout même en zone AMII

Toutefois, la présidente du Département accompagnée de Denis Leroux, président du SMIX avaient également fait part de leur inquiétude à cette occasion. « Ils sont capables de ruiner notre réseau tout neuf en six mois ! », s’est offusqué Denis Leroux. Comme à Montperreux, Le Russey, Chassagne-Saint-Denis, Ecot, Chapelle-des-Bois, Geneuille (voir encadré sur notre site internet) ont récemment remonté des problèmes d’infrastructures leur commune. Ce qui a poussé Jean-Louis Chauvin à rappeler au directeur régional d’Orange, fin juin, les enjeux. « Ils ne répondent pas à nos sollicitations », confie l’intéressé.

Une impatience aussi constatée en zone AMII comme dans le Grand Besançon où début juin, l’agglomération a organisé une conférence de presse avec l’entreprise pour obtenir des réponses face à ces retards alors que la signature du chantier a été signée en 2011. Selon Orange, la perte de son partenaire Eiffage assurant les installations est la raison principale. Les travaux devaient être terminés en 2020. À cela s’ajoute les contraintes des lieux, comme les bâtiments de France où les travaux en cours sur certaines communes. En zone AMII comme au SMIX, l’installation de la fibre optique devrait donc bientôt être terminée, mais sa gestion n’a toutefois pas fini d’électriser les relations.

M.S

Geneuille : qui pour Cayenne et les Salines ?

En 2018, le SMIX engage des travaux à Geneuille où la fibre optique arrive dans une commune particulière. Deux quartiers éloignés du cœur de la commune, sont beaucoup plus proches géographiquement de Châtillon-le-Duc, un village où la fibre est gérée par Orange. « Le telecom fonctionne un peu comme l’eau, il n’a pas de frontières. Le quartier des Salines et Cayenne doivent en théorie profiter des bornes installées par Orange pour ses communes, c’est plus économique et rapide pour tout le monde. Ils nous ont dit « okay » donc nous pensions que le déploiement serait fait dans les mêmes délais que pour le reste de Geneuille », explique Jean-Luc Chauvin. Les habitants de ces quartiers sont aujourd’hui toujours en ADSL, dans l’attente de réponses tout comme le SMIX qui a demandé un calendrier d’opérations à Orange. Une reprise des travaux sur ce secteur pourrait débuter à l’automne.

À l’inverse sur Pontarlier, un partenariat entre le SMIX et Orange/SFR est passé pour que les rues en bordure de chaque zone puissent être rapidement attachées et fonctionnement plutôt bien d’après Jean-Louis Chauvin.