Le train du lundi

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Elle était énervée ma voisine l’autre jour, c’était un lundi qui, comme tous les lundis (comme un lundi oui) avait mal commencé. C’est dingue, cette propension à nous compliquer la vie, le lundi est si doué pour ça. Le vendredi par exemple est beaucoup moins hostile, sa teneur en emmerdements beaucoup moins forte. Café renversé, pied froid qui se fracasse contre le meuble du salon (toujours le même oui), mauvaise humeur générale et Jean passe (alors qu’il n’a rien à faire là), et puis, même si pour ça chaque jour est propice, retard de train ! Ma voisine revenait de la gare lorsque je l’ai croisée la tête ébouriffée. Elle insultait la SNCF et disait qu’elle était comme les gens et le climat, déréglée. Il faudrait une COP 28 des trains pour comprendre d’où ça vient. Et elle a ajouté que, comme cette conférence internationale, ça ne servirait pas à grande chose. En plus cette année, la COP est organisée aux Émirats arabes unis. Si l’on était vraiment cohérent, on ferait ça en visio, ça éviterait les frais de bouche et les avions qui parfument le ciel de kérosène N°5. Cela serait symbolique, mais un bon exemple, car on n’oublie pas que l’Union européenne s’est engagée à atteindre la neutralité climatique en 2050, que c’est demain (un lundi ?) et que l’on doit se bouger encore plus si l’on veut faire dérailler le train de l’accélération exponentielle des dérèglements en tous genres, lancé lui à très grande vitesse. Qui l’arrêtera ? Bonne question ! Ça ne sent pas bon, je te le dis, moi j’ai déjà du mal à arrêter le sucre, même à le diminuer, alors que c’est un poison qui s’attaque à un organe aussi précieux que le foie, aussi précieux qu’une planète, a ajouté ma voisine. J’ai répondu que j’étais prêt à m’engager à atteindre la neutralité sucre, à faire ma COP 28 perso chaque jour, mais je sais bien que l’on est chacun dans notre train- train quotidien, à sucrer nos fraises. En plus, les fêtes c’est demain. J’offrirai des trains électriques, mais je les donnerai le 27 décembre, histoire qu’on s’habitue aux retards, a dit ma voisine avant de fermer sa porte. Je n’ai pas eu le temps de lui dire que cette année, Noël tombe un lundi !

Éric GENETET