Haut-Doubs. Maladie de Lyme : dans le Haut-Doubs, les patients se tournent vers l’Allemagne pour se faire soigner

Ce sont des combats qui peuvent durer des années. Après un long parcours en France pour tenter de trouver des réponses, Léane et Justine ont dû partir en Allemagne pour tenter de soigner une maladie qui les handicape au quotidien. De son côté, l’association France Lyme continue d’alerter pour réclamer plus de reconnaissance.

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« C’est une épidémie qui est en marche, c’est grave ». Annie Juillard est référente en Franche-Comté de l’association France Lyme. Cette maladie, causée par les tiques, atteint gravement le système nerveux. Grosse fatigue, courbatures, douleurs articulaires, maux de tête, paralysie… sont autant de symptômes qui handicapent la vie des personnes touchées. Selon l’Institut National de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), les tiques infectées qui transmettent la maladie sont plus nombreuses en Bourgogne-Franche-Comté. « Il y a trois à quatre personnes par semaine qui nous appellent », précise Annie Juillard.

Elle-même a été touchée par cette maladie après avoir été piquée par une tique en 2011. « Je n’arrivais pas à faire plus de 300m en marchant ». Rebelote en 2013 et cette fois, alors qu’elle était journaliste, elle n’arrive plus ni à écrire ni à parler. « J’ai cependant eu la chance d’être diagnostiquée et soignée rapidement ». Une chance dont tous les malades ne bénéficient pas. 

Un parcours du combattant pour être diagnostiqué

À 16 ans, Léane Duraffourg est atteinte de la maladie de Lyme. Passionnée de handball, elle ne peut plus jouer au CA Pontarlier depuis plus de deux ans. « Au départ, on pensait que c’était lié à l’adolescence, les hormones, des douleurs liées au sport ou à la croissance », confie Valérie, sa maman. Les maux de tête sont devenus quotidien. « On n’arrivait pas à les soulager. Rien ne faisait effet. Puis, elle a commencé à faire des malaises avec des pertes de connaissance. Ça pouvait arriver à tout moment, en sport, en cours ou dès le réveil ». 

La jeune fille ressent alors une fatigue extrême et passe toute une batterie d’examens : neurologiques, cardiaques, des IRM, scanners etc… et réalise plusieurs passages à l’hôpital. « Tout était normal pour eux. J’ai commencé à parler de la maladie de Lyme, ça me questionnait mais on nous a répondu que non. On est allé dans des centres spécialisés en Alsace, ce n’était pas ça. On a fait un test plus poussé qui s’est révélé négatif. On nous disait que c’était psychosomatique et qu’il fallait voir un psychiatre. Jusqu’au dernier symptôme où Léane s’est retrouvée paralysée au niveau des jambes, du bassin aux orteils. Là, on est parti en Allemagne », témoigne Valérie Duraffourg. Dès la première consultation, le diagnostic est posé : Léane souffre bien de la maladie de Lyme. 

Des traitements lourds et coûteux

Depuis février 2024, l’adolescente est suivie par une clinique d’Augsbourg. Elle commence par prendre des gélules naturelles puis est hospitalisée pendant un mois en août. Aujourd’hui, elle n’est toujours pas guérie. « Léane ne peut pas vivre pleinement sa vie d’adolescente. Au lycée, habituellement, on commence à sortir. Là on sait qu’il lui faudra plusieurs jours pour s’en remettre. Actuellement en Première, on a aménagé son emploi du temps pour qu’elle n’aille pas en cours le mercredi. En Seconde, elle avait beaucoup d’absentéisme mais elle a réussi à garder un niveau scolaire », relate Valérie. 

L’histoire de Léane rappelle celle de Jeanne Salvi, également touchée par cette maladie. Après trois ans de lutte, la jeune femme a pu recourir un trail alors qu’elle était arrivée en fauteuil roulant dans la clinique allemande. Les deux familles ont beaucoup échangé afin d’aiguiller Léane. De son côté, Justine Aymonin, a également échangé avec la famille Salvi. « Mon objectif est de courir un Trail avec Jeanne. Je sais que je vais y arriver, même si ça prendra du temps ». Piquée en 2006 par une tique lorsqu’elle avait 6 ans, Justine a déclaré des symptômes beaucoup plus tard, en 2020. 

Son état empire lentement jusqu’en août 2024 où tout s’accélère. Agricultrice de 25 ans, elle a dû se mettre en arrêt « Je ne me levais plus, je n’arrivais plus à finir mes journées ». Elle aussi part en Allemagne où elle est diagnostiquée atteinte de la maladie de Lyme et du Covid long. Depuis début janvier 2025, elle est hospitalisée, pour une durée totale de 5 semaines. Des traitements lourds, au jour le jour. « J’ai fait un traitement phyto, puis un traitement d’antibiotiques. J’ai des perfusions de vitamines. La clinique procède aussi à des ozones thérapies et à des luminothérapies. C’est très fatigant », témoigne Justine qui continue de garder le sourire malgré tout : « Les bactéries adorent le stress, le mal psychologique, alors je ne compte pas les laisser gagner sur ce terrain ».

Si l’Allemagne a beaucoup plus d’avance sur la France concernant la maladie de Lyme, les traitements restent très coûteux : 20 000€ en six mois pour Léane, 30 000€ pour Justine. Des cagnottes ont été mises en ligne pour les deux filles, montrant l’efficacité de l’élan solidaire dans le Haut-Doubs. 

« On ne veut pas admettre la maladie en France »

« On a de la chance d’habiter pas loin de l’Allemagne, qui a une avancée largement supérieure. J’ai connu des patients malades qui vivent désormais quasi normalement alors qu’ils étaient en fauteuil-roulant. Les malades doivent souvent se diagnostiquer par eux-mêmes et se soigner par leurs recherches », explique Annie Juillard, qui ne cache pas son mécontentement contre les autorités de santé. « Je ne comprends pas pourquoi les chercheurs français ne discutent pas avec les Allemands. On ne veut pas admettre le côté chronique de cette maladie en France. Mais ça ne dure pas toujours que trois semaines. On nous dit que c’est dans la tête ». Justine a également entendu ce discours « On m’a dit qu’il avait dû se passer quelque chose pendant mon adolescence. J’en suis arrivée à me poser des questions ».

« L’association France Lyme redirige les personnes qui nous appellent vers des médecins plus spécialisés mais on les protège. Il y en a de moins en moins, certains sont radiés car ils se spécialisent. Quand on a une tique, il y a urgence à enlever, surveiller et soigner. Les centres spécialisés ne sont pas assez nombreux. Au bout de trois semaines, deux mois, c’est déjà trop tard. En France, les personnes ne sont pas reconnues malades mais ne peuvent pas travailler. Combien retournent vivre chez leurs parents car ils ne touchent plus rien ? », se questionne la référente franc-comtoise de l’association France Lyme.